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Les accouchements à domicile sont encore monnaie courante dans la commune de Malanville. Les efforts déployés par l’Unicef pour inciter les femmes enceintes à fréquenter les formations sanitaires tardent à produire des résultats.
Lorsque sa grossesse arrive à terme, Zénabou a voulu accoucher à la maison, à l’instar de la plupart des femmes de son village. Pour marquer sa bravoure comme il est de coutume dans sa communauté, elle s’enferme dans sa case assistée d’une matrone pour le travail, pousse et sort de son ventre un petit garçon dont le cri alerta les autres femmes du hameau aux aguets. Mais la délivrance lui a été fatale. Elle succombe à la rétention placentaire, faute de secours qualifié.
Ce récit n’est nullement une fiction mais une caricature affreuse des risques qu’encourent encore de nombreuses femmes enceintes dans des contrées de Malanville et Karimama au péril de leur vie et de celui de leur progéniture. A l’époque où les technologies nouvelles offrent des possibilités de toutes sortes à la médecine, les accouchements à domicile sont encore monnaie courante dans ces localités du nord Bénin, un phénomène que l’Unicef s’emploie à décourager avec beaucoup de peine.
Dr Mahoussi Hounkanrin, médecin coordonnateur de la zone sanitaire Malanville-Karimama décrit la situation, chiffres à l’appui. « Les accouchements à domicile sont encore une réalité. Les revues de performances que nous faisons chaque année montrent des indicateurs assez faibles en termes de fréquentation de femmes enceintes dans nos formations sanitaires. Les données de maternité indiquent que la proportion de femmes qui viennent tourne autour de 50%. Cela suppose que les 50% de femmes attendues accouchent à domicile alors que la norme attendue au niveau national est de 96% », confie-t-il.
La riposte à cette pratique a démarré en 2014 avec l’élaboration d’un plan intégré de communication. Ce plan dont l’élaboration et la mise en œuvre ont été financées par l’Unicef repose sur la promotion des bonnes pratiques, appelées Pratiques familiales essentielles (Pfe). « Les Pfe sont des pratiques qui ont prouvé leur efficacité sur la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Ce sont des gestes simples qu’on communique aux ménages. Elles assurent le suivi de la mère et du nouveau-né à travers des actions comme la promotion des consultations prénatales, l’avantage pour les femmes d’aller accoucher dans un centre de santé, la vaccination ou encore l’alimentation de l’enfant », explique le médecin coordonnateur de zone.
A Malanville, la campagne s’est ainsi focalisée sur la sensibilisation des femmes sur l’accouchement assisté, pour leur épargner les risques de l’accouchement à domicile.
Pesanteurs sociologiques !
La stratégie a consisté à associer à la lutte les accoucheuses traditionnelles, appelées matrones, les convaincre à référer vers les maternités, les femmes qui demandent leur assistance. « Le fait d’avoir associé les matrones a permis d’améliorer la fréquentation des centres de santé, puisque certaines réfèrent effectivement les femmes enceintes vers nous, aussi bien pour les consultations prénatales que les accouchements », témoigne Elisabeth Sèmèvo Hounkpèvi, sage-femme au centre de santé d’arrondissement de Garou.
A Gnindégabi Tounga, village situé à 5 km de Garou, Awa Labo, la soixantaine et douze ans de pratique d’accouchement à domicile, fait aujourd’hui figure de matrone exemplaire. « Depuis qu’on nous a sensibilisées sur les risques de l’accouchement à domicile, je n’ai plus jamais pratiqué. J’envoie toujours les femmes qui viennent vers moi au centre de santé de Garou », assure-t-elle. A son actif, une vingtaine de femmes enceintes référées dont Indatou Assouma qui a accouché d’un garçon en octobre 2016 à la maternité de Garou.
Si certaines matrones mesurent, à sa juste valeur, l’intérêt de référer les femmes en travail, d’autres résistent encore à franchir le pas de la modernité. « Nous voulons bien que les femmes aillent au centre de santé mais elles n’y arrivent pas surtout à cause des maris qui, ne voulant pas sortir de l’argent pour les soins, exigent qu’elles accouchent à domicile», explique Koumatou Bédou, septuagénaire, matrone à Garou Tédji. « Ce village où chaque famille a quasiment une matrone, observe la plus forte résistance à l’accouchement assisté dans la commune de Malanville », fait observer Issifou Amidou, infirmier chef de poste du centre de santé de Garou Tédji. Pourtant, une note collée à l’accueil de la formation sanitaire affiche les frais de consultation à 200 F Cfa, les frais d’accouchement à 1000 F Cfa, les frais d’hospitalisation à 500 F Cfa. La raison du boycott: les pesanteurs sociologiques qui ont encore la vie dure dans la localité. C’est ainsi qu’on apprend que des maris interdisent l’accouchement assisté à leur femme sous prétexte du jeune âge de la sage-femme ou carrément personne d’autre n’est autorisé à voir la nudité de leurs épouses.
« Les femmes qui accouchent à domicile sont très souvent victimes de la rétention placentaire ou de l’hémorragie de la délivrance. Nous continuons de sensibiliser et surtout d’encourager les matrones qui nous réfèrent des femmes à poursuivre leurs efforts», appuie Rachidatou Lafia, sage-femme au centre de santé d’arrondissement de Madjécali. Le médecin coordonnateur de la zone sanitaire Malanville-Karimama reste tout de même optimiste, conscient que ce combat est une lutte de longue haleine?