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Meurtre (11è dossier): Chabi Bio Banoukpé condamné à 10 ans de réclusion criminelle

Société
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 15 juil. 2015 à 06h31

Le sieur Chabi Bio Banoukpé, cultivateur, 31 ans, a comparu pour meurtre lundi 13 juillet dernier devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. Déclaré coupable, il écope de 10 ans de réclusion criminelle. Telle est la sentence issue de l’examen de la 11è affaire inscrite au rôle de la session ordinaire de cette Cour au titre de l'année 2015.

«Le samedi 25 juillet 2009 vers 21 heures, le nommé Chabi Bio Banoukpé se rendait dans son champ situé à 2 km environ du village de Koubou, commune de Tchaourou, quand il rencontra Zakari Mohamed. Ce dernier avait chargé du bois de chauffe sur le siège arrière de sa motocyclette. Lorsque Zakari Mohamed interpella Chabi Bio Banoukpé sur sa destination à une pareille heure, la réponse donnée par ce dernier ne l’a pas convaincu et il dégaina son coupe-coupe. Mais Chabi Bio Banoukpé réussit à lui arracher la machette et à lui asséner plusieurs coups dont la victime mourut sur le champ». Ainsi ont été présentés lundi dernier les faits qui ont motivé le renvoi du sieur Chabi Bio Banoukpé devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou.

L’instance de jugement pour l’examen de ce dossier référencé n°006/PG-12 est composée à l’occasion du président Epiphane Yéyé, des assesseurs Séïbou Boni Kpégounou et Albert Pascal Agboton, et des jurés Sylvestre Sacca Lafia, Dossa Cyrille Dakin, Mêmounatou Bio Tchané et Alimatou Labouda. Le fauteuil du ministère public est occupé par Ignace Adigbli. Le greffier Me Ambroise Alassane a tenu la mémoire de la Cour pour l’audience. Me Safiatou Bassabi Issifou est le conseil de l’accusé.
Le rapport psychiatrique et médico-psychologique indique que l’accusé ne souffre d’aucune anomalie mentale pouvant abolir ses actes au moment de l’action. Le bulletin n°1 du casier judiciaire du prévenu ne porte mention d’aucune condamnation antérieure : il est à sa première incarcération.

Un meurtre de l’absurde !

Comme aux autres étapes de la procédure judiciaire, Chabi Bio Banoukpé, inculpé de meurtre, a reconnu les faits. C’est d’ailleurs sur sa seule version que le dossier a été monté, la victime étant décédée sur le champ et il n’y a pas un témoin de la scène, fera observer le représentant du ministère public. « C’est un meurtre de l’absurde, un crime commis sans raison...La vérité est certainement partie dans la tombe», estime Ignace Adigbli.
Dans sa version des faits, l’accusé Chabi Bio Banoukpé plaide coupable et implore la clémence de la Cour. «C’est le Satan. Je ne voulais pas le tuer. Il voulait me donner un coup de coupe-coupe mais j’ai réussi à le terrasser à trois reprises et à lui prendre la machette. Je lui ai donné un coup au pied, un autre au bras et deux autres à la tête», raconte-t-il. Le rapport de constat du décès indique que la victime est décédée des coups et blessures volontaires et mentionne entre autres, «plusieurs morceaux de cerveaux baignant dans du sang coagulé, plusieurs plaies traumatiques sur la tête fragmentée, plusieurs plaies traumatiques sur les membres inférieur et supérieur..., visage défiguré».
L’accusé dit n’avoir aucun antécédent avec le nommé Zakari Mohamed et qu’il ne le connaissait ni d’Adam ni d’Eve. «J’ai pris du sodabi (boisson locale alcoolisée) pour 50 F CFA», reconnaît néanmoins le mis en cause tout en précisant qu’il ne se saoule pas d’habitude et n’était pas ivre le jour du crime.
L’enquête de moralité est favorable à l’accusé. Chabi Bio Banoukpé n’a jamais eu de problème avec qui que ce soit dans le village et personne ne s’est jamais plaint d’un comportement déviant de sa part, témoignent les personnes interrogées dont le chef du village de Koubou, Pascal Bio Dokotoro qui a déposé hier à titre de sachant.
La partie civile a répondu présente à l’audience à travers les trois veuves et deux des dix enfants de la victime. Sakibou Mohamed, fils du défunt, a parlé en leur nom, et ne se constitue pas partie civile. Acte lui en a été donné par la Cour.

Intention criminelle ou légitime défense ?

L’avocat général Ignace Adigbli soutient d’emblée que l’infraction de meurtre, crime prévu et puni par les articles 295 et 304 du Code pénal, est établie dans ce dossier. Selon le ministère public, outre l’acte positif posé et reconnu par le prévenu lui-même à travers les nombreux coups donnés à la victime, «L’intention criminelle est nette et sans ambages», avance-t-il, en s’appuyant sur le certificat de constatation du décès. Au regard de ses observations, il requiert 15 ans de prison ferme contre le sieur Chabi Bio Banoukpé.
Me Safiatou Bassabi Issifou, commis d’office par l’Etat béninois pour défendre l’accusé, s’attaque à la démonstration du ministère public, notamment en ce qui concerne l’élément moral. «L’avocat général n’a pas pu démontrer l’intention meurtrière de l’accusé. Il se réfugie derrière un rapport du constat de décès qui ne reflète pas la réalité que je vois sur les photos du crime», souligne l’avocate. «Pour ma part, il n’y a pas intention criminelle», fait-elle savoir. «S’il ne s’est pas défendu, c’est certainement lui qui serait mort», poursuit-elle. Aussi, le conseil déplore-t-il que le ministère public ne s’est pas attardé sur les circonstances dans lesquelles le crime est survenu, lui qui doit requérir à charge et à décharge. Me Safiatou Bassabi Issifou plaide au principal la légitime défense. Elle fonde son argumentaire sur l’article 328 du Code pénal qui stipule «Il n’y a ni crime ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui». La défense s’appuie également sur l’article 329 alinéa 1er dudit code qui souligne que l’homicide est compris dans les cas de nécessité actuelle de défense, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés en repoussant pendant la nuit....
Au subsidiaire, la défense implore la clémence de la Cour pour «une application douce de la loi » au profit de son client. Le casier judiciaire vierge, l’excuse de la provocation par la victime, l’enquête de moralité favorable sont autant d’éléments qui militent en sa faveur, estime-t-elle. De plus, l’accusé a fait preuve d’honnêteté en allant lui-même signaler au chef du village qu’il s’est bagarré avec un inconnu, ajoute-t-elle. Dans le jeu d’attaque-réplique entre le ministère public et le conseil au sujet de l’effectivité ou non de l’intention criminelle, les esprits se sont quelque peu échauffés, sur fond de manque de courtoisie noté déjà au cours des débats. Mais le calme est revenu peu avant la suspension pour la délibération.

Encore quatre ans de détention pour l’accusé

Au verdict, la Cour rend un arrêt de condamnation, déclare Chabi Bio Banoukpé coupable d’avoir commis volontairement un homicide sur la personne du nommé Zakari Mohamed, le condamne à 10 ans de réclusion criminelle et aux frais envers l’Etat. Mis sous mandat de dépôt le 27 juillet 2009, soit près de six ans en prison, Chabi Bio Banoukpé y retourne pour quatre ans et deux semaines afin de purger sa peine.
La Cour ordonne la confiscation et la destruction du coupe-coupe mis sous scellé et reconnu par l’accusé comme ayant servi à la commission du crime, fixe la durée de la contrainte par corps à deux mois ; le mis en cause bénéficie d’un délai de trois mois pour s’en acquitter. Par la même occasion, la Cour avise le condamné qu’il dispose de trois jours francs pour se pourvoir en cassation.
Hier mardi, la Cour a connu d’une affaire de coups mortels mettant aux prises le ministère public avec le sieur Safiou Adamou en détention depuis le 28 août 2014.