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Moïse Koumassa, ingénieur agronome: « Les politiques doivent être améliorées en faveur des mangroves »

Société
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Les rôles des écosystèmes de mangroves sont énormes : écologique, économique, social, culturel, cultuel, spirituel…. Elles représentent des trésors pour l’environnement et les hommes. C’est ce qu’explique, dans cette interview, Moïse Koumassa, ingénieur agronome, chargé des projets à l’Ong Eco-Bénin. Il nous édifie davantage sur la richesse que représentent ces ressources naturelles et plaide pour l’amélioration des politiques en leur faveur.

Par   Maryse ASSOGBADJO, le 04 août 2023 à 16h06 Durée 3 min.
#Moïse Koumassa
Le 26 juillet dernier est consacré Journée internationale pour la conservation des mangroves. Comment se portent les mangroves au Bénin ?

Moïse Koumassa : Près de 80% des écosystèmes de mangroves que nous avons au Bénin se concentrent au Sud-Ouest du pays notamment au niveau du complexe des zones humides du site Ramsar 1017. Ces écosystèmes subissent assez de pressions de coupe de la part des communautés locales riveraines qui les exploitent principalement comme source de bois-énergie. Aujourd’hui, les actions de sensibilisation des communautés locales par les organisations non gouvernementales dont Eco-
Bénin et la création de la réserve de biosphère du Mono ont permis de renforcer la conservation de cet écosystème. Plusieurs autres actions telles que la diffusion des foyers améliorés qui réduisent la consommation du bois de feu, la promotion des sources alternatives de bois- énergie impactent positivement la conservation des écosystèmes de mangroves.

On dit souvent que les mangroves jouent un rôle à la fois écologique et socio-économique. Que peut-on y comprendre ? En quoi leur préservation est un impératif ?

Les mangroves jouent un rôle écologique en raison de leur fort pouvoir de séquestration du carbone atmosphérique. Ces écosystèmes constituent des puits à carbone. En plus, ils jouent le rôle de brise-vent et stabilisent les berges contre les risques d’érosion et d’inondation. Ils servent d’habitat pour certaines espèces de faune telles que les primates, les oiseaux, les varans, etc.
Sur le plan socio-économique, les mangroves servent de frayères de reproduction pour les ressources halieutiques (les poissons, les crabes, les huîtres, les crevettes, etc.). Les huîtres se développent au pied des racines échasses des mangroves. Les organes des palétuviers sont utilisés pour les traitements pharmacothérapiques de certaines maladies. Les ressources ligneuses des mangroves sont parfois utilisées pour la construction des maisons. Fort de tous ces rôles que joue la mangrove, il est impératif de la préserver.

Quels sont les autres services écosystémiques des mangroves ?

Parlant des autres services écosystémiques des mangroves, nous avons les services d’approvisionnement : fourniture de bois-énergie et de bois de service aux communautés locales, fourniture de plantes médicinales aux communautés, facilitation de la reproduction des ressources halieutiques (poissons, crabes, crevettes, huitres, etc.) pour les communautés locales.
Nous avons les services de régulation : les mangroves servent de puits à carbone, c’est-à-dire piègent le carbone atmosphérique et libèrent de l’oxygène.
Nous avons les services culturels et cultuels : les mangroves servent de lieux de récréation et de promotion d’activités écotouristiques. Elles servent également de lieux de culte et constituent des couvents pour certaines divinités adorées par les communautés locales. Et enfin, les services de soutien : les mangroves stabilisent les berges contre l’érosion.

Des acteurs mondiaux alertent sur le fait que les mangroves sont les premières victimes de la déforestation au point de conclure que la moitié d’entre elles a disparu en 50 ans. Qu’en est-il réellement de ces menaces au Bénin ?

Ces menaces ont été également constatées au Bénin dans les zones de mangroves du territoire. Ces dernières décennies, nous notons une forte régression des écosystèmes de mangroves due aux pressions de coupe pour l’énergie domestique, la saliculture, les usages à des fins de construction, etc. Les ressources ligneuses des mangroves constituent souvent et principalement les seules sources de bois dans ces zones. L’amplification des actions de sensibilisation et de conservation par les Organisations non gouvernementales a permis de renverser progressivement cette tendance régressive.

Face à la pression anthropique, quelles sont les actions à mettre en œuvre pour préserver les mangroves dans le temps ?

Face à la pression anthropique des communautés locales sur les écosystèmes de mangrove, les actions de sensibilisation à l’importance de cet écosystème doivent être amplifiées, les alternatives au bois-énergie (reboisement des essences à croissance rapide, bois de feu, promotion des coques de noix de palme, autres combustibles alternatifs, etc.) doivent être promues et valorisées. Les technologies de foyers améliorés économisant la consommation de bois-énergie doivent être promues et largement diffusées. Il faut également renforcer les actions de restauration des zones dégradées.
L’attention des dirigeants et des services techniques doit être orientée pour améliorer les politiques en faveur de la conservation de cet écosystème. Il est indispensable de mettre en place au niveau de la Direction des Eaux, Forêts et Chasse, une unité spécifique qui s’occupera de la préservation et la conservation des écosystèmes de mangroves puisque cette direction, qui pendant tout le temps s’occupait des forêts, ne fait pas encore aujourd’hui des mangroves une priorité. Aussi l’application des lois et textes interdisant les pressions de coupe sur les mangroves souffre énormément. Nous avons la chance aujourd’hui de disposer de deux arrêtés préfectoraux (le Mono et l’Atlantique) interdisant formellement les pressions de coupe sur les mangroves de même que la décision gouvernementale issue du Conseil des ministres sur cette question. A toutes ces mesures, il faut ajouter la ‘’sacralisation des écosystèmes de mangroves’’, en vue de leur préservation.
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