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Pour coups mortels (12è dossier): Safiou Adam écope de dix ans de réclusion criminelle

Société
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 15 juil. 2015 à 22h31

La Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou a connu mardi 14 juillet dernier de la 12è affaire inscrite au rôle de sa première session ordinaire 2015, relative à un crime de coups mortels imputé au sieur Safiou Adam. A l’issue du procès, la Cour a condamné l’accusé à dix ans de réclusion criminelle.

Des coups et blessures volontaires l’ont amené en tôle pour 12 mois. Au lieu qu’il se repentît au cours de son séjour carcéral, il récidive et cette fois-ci mort s’en est suivie. Lui, c’est Safiou Adam, inculpé de coups mortels, qui a comparu mardi dernier devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou dans le cadre du dossier n°054/PG-15. Il est reconnu coupable et condamné à 10 ans de réclusion criminelle.

La juridiction qui a connu du dossier est composée du président Saturnin D. Afaton, des assesseurs Essowé Batamoussi et David Marie Kuassi Anani et des jurés Clarisse Mandopa P. Dogo, Kénou Troukassa Orou, Dossa Cyrille Dakin et François K. Gbaguidi. Pour défendre les intérêts de la société, Jacques Fiacre Azalou a occupé le fauteuil du ministère public. Me Macaire Adossou est le conseil de l’accusé. Le greffier audiencier s’appelle Me Cosme Dègla.
«Depuis le 31 octobre 2013, le nommé Safiou Adam était détenu à la prison civile de Kandi où il purgeait une peine de 12 mois d’emprisonnement ferme pour coups et blessures volontaires. Le mercredi 20 août 2014, dans la grande cour de cette maison d’arrêt aux environs de 16 heures, Safiou Adam préparait un repas en vue de compléter la ration journalière, ensemble avec trois autres détenus : Wassirou Yessifou, Ibrahim Aboubakari dit Dankoni et Fadaïrou Moussa. Pendant ce temps, Hassane Djanari et deux autres codétenus peuhls jouaient aux courses qui les faisaient passer à proximité du foyer érigé par Safiou Adam et ses amis. Redoutant les désagréments de ce jeu qui pourrait faire renverser l’eau chaude sur l’un quelconque d’entre eux ou le repas qui cuisait, Safiou Adam prit au collet Hassane Djanari et lui administra des coups de poings et de genoux dans les côtes. Celui-ci s’effondra. Transporté d’urgence à l’infirmerie de ce centre pénitentiaire puis à l’hôpital de zone de Kandi, Hassane Djanari rendit l’âme le même jour à 22 h 30 ». Ainsi sont présentés, à l’entame du procès hier, les faits reprochés à Safiou Adam.
Appréhendé et poursuivi pour coups mortels, selon la procédure de crime flagrant, Safiou Adam a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure, mais il a tenu à la barre à apporter des nuances.

A l’audience...

L’accusé affirme qu’il ne s’est pas bagarré personnellement le jour des faits, mais que c’est en séparant des détenus qui s’échangeaient des coups de poing, qu’il a donné par mégarde un coup de coude à la victime et qu’eux tous sont tombés. Il réfute les coups de genoux qu’il aurait administrés à la victime. «Je savais ce qui m’a amené en prison et je ne voulais plus me mêler à des histoires de bagarre. Je ne savais pas qu’il était derrière moi et c’est en tirant quelqu’un que le coup de coude est parti», laisse entendre l’accusé. Il tente de lier la mort de la victime à l’épilepsie dont elle souffrirait et pour laquelle elle aurait été chaque fois admise à l’infirmerie de la prison civile suite à des crises répétées.
Les témoignages de ses codétenus qui auraient été témoins de la scène, vont à l’encontre de ses déclarations. Tous indiquent clairement que le sieur Safiou Adam en est arrivé aux mains avec le défunt Hassane Djanari.
Dans la même veine, l’enquête de moralité est défavorable au prévenu. Ses codétenus le décrivent, unanimement, comme un bagarreur, un homme violent qui a déjà brutalisé à maintes reprises des pensionnaires du centre pénitentiaire. Il torture les nouveaux détenus, occasionne régulièrement des bagarres, fait usage de produits psychotropes et narcotiques, allèguent les personnes interrogées. Aucune autorité pénitentiaire n’a confirmé ni infirmé ces déclarations rejetées en bloc par l’accusé. Les témoignages de son propre père lus à l’audience, ne sont guère en sa faveur ; celui-ci implore la clémence de la justice.
Au terme du rapport de l’examen psychiatrique et médico-psychologique réalisé sur l’accusé par le Dr Anselme Djidonou, il n’était pas en état de démence au moment des faits aux termes de l’article 64 du Code pénal.
L’extrait du casier judiciaire de Safiou Adam fait état de ce qu’il s’est rendu coupable de coups et blessures volontaires et a été condamné à un an de prison ferme, à une amende ainsi qu’aux frais de réparation pour les préjudices causés à celui à qui il avait fracturé le bras au cours d’une bagarre.
Récidive sanctionnée ?
Dans ses réquisitions, le ministère public représenté par Jacques Fiacre Azalou s’est attelé à démontrer que l’infraction de coups mortels est établie, en ce sens que le prévenu a effectivement porté des coups et fait des blessures à la victime, lesquels ont entraîné par la suite la mort de cette dernière. Il s’appuie sur les déclarations de l’accusé, de ses codétenus ainsi que sur le certificat de décès qui signale, entre autres, que la mort de Hassane Djanari est survenue suite à un «choc hypovolémique» qui a entraîné l’arrêt cardiorespiratoire. En termes de circonstances atténuantes, l’avocat général dit n’en trouver aucune. Il souligne que le tempérament violent de l’accusé ne plaide pas en sa faveur, faisant remarquer que c’est un récidiviste, un coutumier des faits. Fort de ce développement, il requiert qu’il plaise à la Cour de déclarer Safiou Adam coupable de coups mortels, crime prévu et puni par l’article 309 alinéa 4 du Code pénal, et de le condamner à 15 ans de réclusion criminelle.
Pour l’avocat-conseil Me Macaire Adossou, l’élément intentionnel fait défaut dans ce dossier et ainsi, l’infraction n’est pas constituée. «Ici, il n’y a pas de coups volontairement portés ; et surtout, il n’y a pas de mobile pour donner des coups. C’est un incident (Akoba en langue fongbé)», soutient la défense. «Il y a le risque pour la Cour de sanctionner le caractère de l’individu et non les faits qui lui sont reprochés, si l’on s’en tient au développement du ministère public», relève-t-il, avant de conclure que la Cour ne peut entrer en condamnation de son client.
Au délibéré, la Cour déclare Safiou Adam coupable d’avoir porté volontairement des coups au sieur Hassane Djanari, avec cette circonstance que les coups portés sans l’intention de donner la mort à la victime, l’ont pourtant occasionnée. Elle condamne le prévenu à dix ans de réclusion criminelle et aux frais envers l’Etat. Mis sous mandat de dépôt le 28 août 2014, Safiou Adam retourne en prison où il passera encore neuf ans, un mois et deux semaines, pour purger sa peine.