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Poursuivis pour assassinat (13e dossier): Olivier Zinsou condamné à 10 ans de travaux forcés, François Amoussou acquitté au bénéfice du doute

Société
Par   LANATION, le 11 août 2015 à 22h55

En détention préventive depuis le 17 décembre 2009, Olivier Zinsou et François Amoussou, quadragénaires, sont poursuivis pour le crime d’assassinat. Le second a déjà été condamné par deux fois à des peines de prison ferme pour vol. Ils ont comparu hier mardi 11 août. Ils sont respectivement défendus par Me Désiré Aïhou et le Bâtonnier Cyrille Y. Djikui. La cour de céans qui a connu de l’affaire est présidée par le premier président de la Cour d’appel en personne, Félix Dossa, lequel est assisté de Saturnin Calixte Avognon et de Hortense Eliane Bada Padonou (assesseurs). Avec eux, les jurés Louise Modeste Togbé, Jean-Louis Couao-Zotti, Comlan Léon Chinkoun, Nathaniel Olabi Godonou et Louis Gbogbanou (suppléant) ont contribué à la reddition de la décision. Julien Tiamou a pris place dans le fauteuil du ministère public et Me A. Alain Kakpo assurait la mémoire de l’audience.

L’exposé des faits, par le président de la Cour, révèle que le 4 décembre 2009 à Savi, commune de Ouidah, le nommé Olivier Zinsou, revendeur de produits divers, sollicite et obtient du conducteur de taxi-moto Brice Sossou Cadja, son transport dans les villages Adjouanhoué et Soalihoué. A destination, Olivier Zinsou constate la disparition de pains de savon et d’un flacon de parfum du lot de ses marchandises. Il porte ses soupçons sur Brice Sossou Cadja qu’il accuse d’être un voleur. Une altercation survient entre eux. Le conducteur de taxi-moto se rend par la suite au domicile de sa cousine Ambroisine Kindji, pour en déloger Innocent, frère de Olivier qu’il blesse à l’aide d’un coupe-coupe. Grâce à l’intervention de Glodja Julien Sossoukpè, Brice a été calmé et conduit à son domicile à 19h environ. Une heure plus tard, François Amoussou va chercher Brice à son domicile, l’invitant à faire la paix avec Innocent. Mais quelques instants après, une autre altercation éclate entre Olivier et Brice devant la boutique de Nicolas Alofa dit Dadjè. Suite à cette altercation, Brice a été découvert baignant dans une mare de sang avec de nombreuses blessures faites par arme blanche au bord de la voie vicinale reliant Savi à Ouidah, non loin de la maison d’Ambroisine Kindji. Il succombera à ses blessures à l’hôpital de zone de Ouidah. Interpellés et inculpés d’assassinat, Innocent Zinsou et François Amoussou ne reconnaissent pas les faits. Olivier aussi ne reconnaît pas les faits à l’enquête préliminaire mais les reconnaît devant le juge instructeur pour ensuite soutenir, lors de la confrontation, que Innocent et François ne connaissent rien des circonstances dans lesquelles il a charcuté Brice, cherchant ainsi à les disculper. Il ressort des déclarations des témoins Lucien Avougnankoun que de celles de Clémentine Mèdatinsa, épouse de Brice, que c’est vers 20h que François est arrivé les chercher à son domicile pour celui d’Innocent en vue de faire la paix. Que Brice s’est débarrassé de son coupe-coupe sur injonction de François avant de se rendre chez Innocent et Ambroisine. L’enquête de moralité est favorable à Olivier. Quant à François, il ne serait pas de bonne moralité. Le rapport d’expertise médico-psychiatrique révèle que les accusés possédaient toutes leurs facultés au moment des faits. Leur bulletin N°1 de casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation.

Incident

Olivier Zinsou est le premier à devoir passer à la barre. Mais le Bâtonnier fait observer que d’après le dossier, la présence des témoins est essentielle puisqu’ils font dire des choses à son accusé qui ne les reconnaît pas. Aussi, rappelle-t-il que la Cour a la possibilité de faire venir les témoins à la barre, au besoin par la force. Autrement, Me Djikui dit craindre que la Cour se rende coupable d’erreur en prenant ce dossier en l’état. L’avocat général appuie cette position et dit que c’est aussi son souci. C’est pourquoi il a fait accomplir toutes les diligences qui lui incombent, et se dit disposé à reprendre dans le but de les faire comparaître par la force même si les gendarmes ont des problèmes de moyens pour s’acquitter de leur mission. Me Djikui n’apprécie pas ce «raccourci». Il est rejoint par son confrère Désiré Aïhou, commis aux intérêts de François Amoussou, qui rappelle que des droits humains sont en jeu et que la Cour devrait ordonner la comparution forcée des témoins, pour ne pas contribuer elle-même à la violation desdits droits. Déférant aux instructions reçues, le commandant de brigade de la localité, fera débarquer les témoins dans le prétoire à 14h30, mais sans Alofa dit Dadjè. Ils ne seront finalement pas entendus puisqu’en leur absence, les débats avaient déjà évolué, et l’instruction à la barre terminée, avec la participation du sachant présent.

Qui a fait quoi ?

Quand il s’en va déposer, Olivier claudique du pied droit. Corps sans relief, tête rasée, il raconte les bagarres ponctuées des invectives de la victime à son encontre, qui le menaçait d’en finir avec lui, voire de le faire partir du village. En fait, il avait fait ses courses de la journée avec la victime et s’était rendu compte, plus tard, que certains des produits chinois qu’il vendait (tout comme la victime avant lui mais qui se fera renvoyer pour des cas de vols), avaient disparu. Interpelé, Brice nie avoir pris lesdits produits quand, sur place, un pain de savon tomba de sa poche, le démasquant ainsi. Une altercation s’ensuivit. Quelques heures plus tard, ils se sont retrouvés chez Innocent. Là encore, la victime s’en serait prise à sa personne. En lui assénant un coup de coupe-coupe au bras. C’est donc pour se défendre qu’Olivier dit s’être saisi d’un coupe-coupe, accroché à une moto, et lui envoya à son tour un coup qui l’atteindra à la tête alors il cherchait à esquiver le coup. L’accusé précise que c’était la deuxième fois de la journée qu’il se bagarrait avec la victime, laquelle avait déjà eu une autre bagarre avec Innocent et sa femme. Une victime qui serait, en somme, quelqu’un de belliqueux. Brice serait même passé chez Innocent et sa femme tout saccager, avant les faits. Si certaines déclarations ressorties des pièces du dossier tendent à faire croire que lui et François se connaissaient et auraient formé le dessein d’en découdre avec Brice, Olivier jure n’avoir pas revu le co-accusé longtemps avant les faits, mais plutôt à la brigade. En fait, c’est le frère aîné de François, Innocent qu’il connaissait.
François, lui, explique à la Cour qu’il n’est mêlé ni de près, ni de loin à l’affaire. Tout aussi mince, il porte ses cheveux, parle très posément et inspire presque la pitié. A l’en croire, il était allé déposer une cliente au carrefour Gbèna quand il a appris que Brice Sossou Cadja se bagarrait avec Innocent et sa femme, par ailleurs sa propre sœur. Parti les retrouver, il aurait entrepris de séparer les protagonistes. C’est ce qui s’appelle être au mauvais endroit, au mauvais moment, puisque plus tard, il sera conduit à la brigade de gendarmerie, sous prétexte que c’est lui qui aurait conduit la victime à Savi, alors qu’il soutient n’avoir jamais été sur les lieux.

Un sachant inconstant

Attendu comme témoin, c’est finalement comme sachant que Honoré Sossou Cadja, le jeune frère de la victime sera entendu. Venu à Savi, alors que la rixe avait lieu, il aurait vu son frère et Olivier sur les lieux, se disputant à propos de savon perdu, mais particulièrement Innocent Zinsou, sa femme. Lui aurait alors entrepris de partir des lieux avec son frère aîné. Seulement, alors que celui-ci s’était assis sur le siège arrière de la moto, sa sœur la femme d’Innocent, l’a retenu par le pantalon. Brice leur aurait alors dit de le tuer si l’envie leur prenait… Plus tard, c’est François Amoussou qui calmait même les bagarreurs, les exhortant à arrêter les hostilités. Selon Honoré, dont Me Djikui s’étonne qu’il ait abandonné son frère au profit de ses clients alors qu’il prétend que la situation en cours pouvait conduire à la mort, c’est Olivier qui, dans la foulée, a porté trois coups successifs de machette à son frère à la tête. La photo au dossier laisse cependant apparaître une seule plaie béante. Chose confirmée par le certificat médical, souligne Me Désiré Aïhou. Pour Me Djikui, on ne peut avoir vu une machette bien aiguisée comme le prétend le témoin, qui plus est dans une situation de rixe impliquant son frère, et préférer repartir avec ses clients en abandonnant là le frère. Pis, sur interpellation du ministère public, Honoré révèle que la scène se produisait dans l’obscurité. A certains rappels de ses propos antérieurs par la Cour, il répond qu’il n’a jamais fait les déclarations en question. Le dossier révèle qu’il a déclaré que c’est François qui a porté des coups. Il s’en défend. Il est alors invité à faire la part des choses entre ce qu’il a vécu en personne et ce qui a pu lui être rapporté… Il laisse entendre qu’il ne peut affirmer que c’est François Amoussou qui a conduit d’autres sur les lieux. Par contre, il soutient que son frère a été tué ailleurs, précisément chez Dadjè, avant d’être transporté où son corps a été retrouvé. Comment le sait-il ? «Ce sont les mis en cause qui ont eux-mêmes fait cette déclaration», affirme-t-il… La défense se fait donner acte de cette inconstance du sachant.
Dame Sylvie Dansou, mère de la victime, qui vivait à Abomey-Calavi au moment des faits, a été appelée dans la nuit du vendredi 4 décembre, pour être informée du drame. Elle n’entend pas se constituer partie civile.

«Le procès de la dénégation»

«C’est le procès de la dénégation. On nie les faits qu’on a pourtant commis», commente l’avocat général, pour qui les accusés jouent de dénégation. Et s’il considère bien qu’il y a meurtre en l’espèce, il trouve que l’accusé Olivier Zinsou manque de courage ou d’honnêteté en ne reconnaissant pas qu’il a bien intentionnellement porté les coups fatals ; s’étonnant par ailleurs qu’alors qu’il tenait le coupe-coupe, il dise avoir finalement fui parce que la victime blessée s’était saisie d’un tabouret. Or, du dossier, il ressort que la victime, tombée à terre, ne cessait de crier « on m’a tué, on m’a tué… » sans qu’il daignât lui prêter attention ou appeler au secours. Et si les déclarations du sachant révèlent une inconstance par rapport à ses dires antérieurs, il est en tout cas clair pour l’avocat général que c’est Olivier qui a porté les coups. La mort advenue est consécutive aux coups portés, qui lui sont imputables.
(Suite à la page 7)