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Poursuivis pour association de malfaiteurs, assassinat et vol à main armée :Les meurtriers de l’ancien maire de Toffo Josué Sossou rattrapés et châtiés (8e dossier)

Société
Par   Didier Pascal DOGUE, le 19 mars 2015 à 06h25

Se penchant sur la 8e affaire en examen, la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou a jugé, hier mercredi 18 mars, Mathias Sodé Atindébakou, Joseph Codjia, Mathias Soglo et Ambroise Assogba Hounkpè qui y étaient poursuivis pour association de malfaiteurs, assassinat et vol à main armée. La Cour était présidée par Damienne Lima, assistée de Célestine Bakpé et Joseph Kploca. Le ministère public avait nom Honoré Alowakinnou et la mémoire de l’audience était tenue par Christophe Tchéou.

Le vendredi 16 septembre 2005, dans la soirée, Josué Anatole Sossou, est sorti d’une buvette sise au quartier Sainte Rita à Cotonou pour rejoindre son véhicule de marque Toyota Carina III de couleur cendre. Alors qu’il s’est installé à bord et s’apprêtait à démarrer, des individus armés de pistolets ont surgi et l’auraient tenu en respect, l’obligeant à remettre la clé de son véhicule. Grièvement blessé, Josué Sossou fut transporté d’urgence d’abord à St Luc puis au CNHU à Cotonou où il décéda quelques jours après.

Véhicule retrouvé

Les investigations menées ont permis de retrouver le véhicule cambriolé le jour des faits au domicile du nommé Mathias Soglo, qui aurait ensemble avec Mathias Sodé Atindébakou, Ambroise Assogba Hounkpè et Joseph Codjia, tenu une réunion, le 16 septembre, jour du drame à Vèdoko aux environs de 21 h en vue de la préparation d’un vol à main armée. A l’issue de ladite réunion, les 4 auraient procédé à la répartition des rôles à jouer par chacun d’eux sur les lieux du braquage et à la distribution des armes à feu, aux fins de commettre le forfait. Un guet fait au niveau de la buvette leur aurait permis d’identifier la voiture de marque Toyota appartenant au sieur Josué Sossou, victime du braquage. Interpellés, ils ont reconnu les faits à l’enquête préliminaire et à l’interrogatoire de première comparution. Les rapports les concernant ne relèvent aucun trouble mental au moment des faits.
Sofiath Midingoyi, agent permanent de l’Etat, amie de la victime qui était avec lui à une minute du drame, témoin sur les lieux le jour même a prêté serment avant de témoigner sur les faits dont elle a eu connaissance. Elle a déclaré l’avoir connu deux ans avant le drame.

Elle a déclaré comment subitement quatre personnes ont fait irruption et les ont braqués. Ils ont tiré et arraché le véhicule. «Nous avons tenté d’appeler les sapeurs ; ensuite on l’a amené à l’hôpital St Luc, puis évacué au CNHU», a-t-elle confié. Elle dit n’avoir pas eu le temps ni le courage de dévisager les gens qui les avaient assiégés. «La manière dont ils ont surgi était surprenante. Je suis descendue et lui ai demandé de leur laisser la clé. Je ne pouvais pas reconnaître les auteurs», a-t-elle témoigné, sans renseigner davantage la cour.
«Retenez vos larmes ; nous avons besoin de faire cet exercice pour vider le dossier», a lâché la présidente pour apaiser Lucie Aihou épouse Sossou en sanglots, appelée pour témoigner.
Braqué le 16 septembre, son époux a rendu l’âme le 23 septembre. Elle a déclaré que son mari l’a informée avant de prendre le départ de Toffo le jour du drame et qu’il devrait ensuite se rendre dans sa clinique.

Moralité douteuse

Pour sa part, Olivier Gahou, commerçant, cousin de la victime a déclaré s’être porté au chevet du maire dès lors qu’on l’a appelé. Il a reconnu l’un des accusés et soutenu qu’il est de moralité douteuse.
Me Igor Cécil Sacramento pour le compte de la partie civile s’est employé à replacer les faits dans leur contexte. Ainsi qu’il ressort du dossier et des débats faits, rappelle-t-il, ce jour 16 septembre, en pleine ville de Cotonou, entre le marché Ste Rita et la paroisse de l’église Ste Rita, lorsque surgirent de nulle part quatre individus lui intimant l’ordre de descendre comme elle l’a expliqué, la victime a opposé une certaine résistance avant de céder. Puis, poursuit-il, le coup de feu est parti, les assaillants ont opéré. Le docteur Josué Sossou est parti laissant une veuve et trois orphelins. Pour lui, les accusés avaient reconnu les faits à l’enquête préliminaire puis à l’interrogatoire de première comparution: les 4 ont ourdi leur plan et l’ont mis à exécution. Ils comparaissent pour 3 infractions: association de malfaiteurs, assassinat et vol à main armée. Me Igor Cécil Sacramento procéda à la démonstration de chacune des infractions. Pour lui, les accusés se sont concertés et ont concocté l’organisation.
Puis ils sont passés à l’action, porteurs d’armes à feu. C’est un meurtre avec préméditation et guet-apens. La jurisprudence, poursuit-il, est claire, même lorsqu’on rate sa victime préméditée et que les faits sont établis, le crime est toujours là ; c’est en vain que les accusés tenteront de flouer votre religion. «Quand on ment, on est obligé de mentir pour soutenir d’autres mensonges; pour les intérêts de la partie civile, nous vous demandons de punir ces infractions avec la dernière rigueur», a-t-il soutenu.
Des observations qui ont été réitérées par Me Désiré Aihou qui a déclaré être venu défendre la mémoire d’un homme, d’un citoyen qui a choisi d’aider ses concitoyens et de sauver des âmes, des citoyens. Le docteur Sossou, dit-il, est un frère.
Pour lui, après 10 ans déjà de douleurs et souffrances vives ; la punition aussi doit être vive. Non seulement ils étaient dans cette association, mais ils ont encore décidé de la renforcer, a-t-il indiqué. « Une association de malfaiteurs dangereux pour notre République. Il s’agit bien d’une véritable organisation de l’opération », relève-t-il.
La préméditation consiste dans le dessein ferme d’attenter à la vie de quelqu’un quand bien même ce n’est pas celui sur qui on avait jeté son dévolu. C’est établi. Il n’y a plus lieu de démontrer le meurtre ; un mort ne se cache pas indéfiniment ; pour eux c’est le mensonge qui prime sur votre pouvoir, retient-il. «Vous n’allez pas les décapiter ; personne ne veut leur tête ; pas une souffrance pour la vengeance mais une souffrance pour la justice. Nous portons la voix de la famille pour demander que justice soit rendue ; retirer le cercueil de la victime de leur cœur.

Faire son deuil

Des observations qui ont reçu l’assentiment de l’avocat général Honoré Alowakinnou. «Aujourd’hui, c’est le grand jour, car le voile sera enfin levé ; chacun sera fixé. La famille, le peuple et tout le monde seront fixés», a-t-il déclaré. Depuis sa tombe, a-t-il expliqué, Josué Sossou suit ce qui se passe. Il vous regarde, attend que justice lui soit rendue pour enfin aller se reposer, poursuit-il. La famille du défunt a besoin de faire son deuil, retient-il. Ceux qui sont devant vous ont choisi de mentir. Ils n’ont pas voulu libérer leur âme, leur cœur ; l’âme du docteur réclame-t-il la vérité ? Mais de quoi s’agit-il ?
Pour l’avocat général, Ambroise Hounkpè a formé le groupe, le chef de la bande, Joseph Codjia et les autres se sont associés et les propositions ont été validées ; cela devait conduire à la mort de l’ancien maire de Toffo.
C’est parce que l’opération initiale a échoué qu’ils ont jeté leur dévolu sur le docteur Sossou. La bande se retrouve toujours, ce qui justifie l’association de malfaiteurs. Selon l’avocat général, et aux termes de l’article 265 du code pénal, toute association, toute entente dans le but de former des crimes. Et de poursuivre qu’outre l’intention coupable une entente entre des gens et le concours entre eux, voilà le but de cette entente pour commettre le crime contre la personne ou les propriétés. Les accusés ici sont membres d’une même bande, il n’est pas nécessaire de chercher à savoir ce que chacun d’entre eux a fait, explique Honoré Alowakinnou.
L’assassinat qui est le meurtre commis avec préméditation et guet-apens, peu importe que ce soit quelqu’un déterminé : le vol à main armée et l’assassinat ont été préparés et muris, avec les moyens, relève-t-il. Il s’agit d’apprécier les actes et de les analyser ; le guet-apens consiste à attendre quelqu’un en un ou plusieurs lieux et d’exercer sur lui des violences. Les accusés ont eu le temps de se positionner prêts à bondir ; le guet-apens suppose la préméditation c’est toute personne qu’ils ont rencontrée.
Les pièces citées montrent la faiblesse du dossier mais n’occultent pas du tout la mort, tout le monde sait qu’il est allé à l’hôpital. L’expertise balistique n’est pas nécessaire; les enquêtes de moralité et les B1 n’ont aucune incidence sur la gravité des faits ; il faut frapper juste et retenir les accusés dans les liens de la prévention et les condamner aux travaux forcés à perpétuité, ce serait justice, a-t-il requis.
Et Me Yves Ogan-Bada de relever la faiblesse du dossier. «Nous sommes dans un système judiciaire avec ses failles, parce que nous n’avons pas les pièces du scellé ; parmi ceux qui ont tiré ; il y a eu mort ; nous compatissons à la douleur mais faudrait-il taper parce qu’il faut taper ; nous sommes en Cour d’assises ; mon client Mathias Sodé Atindébakou exerce son métier avec franchise», affirme-t-il. Pour lui, la torture permet de vous faire dire et signer ce que vous ne voulez pas. N’ont-ils pas fanfaronné ces aveux et schémas bien préparés ? Pour lui, son client a déjà passé dix ans de détention pour association de malfaiteurs ; il y a eu une seule personne qu’il connaît dans le lot ; admettons et acceptons qu’il ait commis ; quel est le rôle de mon client dans cette affaire ? A-t-il tiré, a-t-il boxé ; çà fait 10 ans qu’il est en prison. Membres du jury, je demanderai la clémence.

Des aveux

Me Sakariyou Nourou Guiwa pour Mathias Soglo a ajouté pour sa part : «Aujourd’hui le grand jour», a retenu le représentant du ministère public mais sa construction juridique m’a laissé sur ma faim parce qu’il a occulté l’aspect règlement de compte politique, le tout basé sur plus que des insuffisances ; il en a révélé d’autres. Il a déploré que le ministère public n’ait pas entretenu sur les conditions dans lesquelles les auditions ont été conduites au commissariat. Il aurait fallu des aveux exempts de contestation, relève Me Sakariyou Nourou Guiwa. Toyota Carina III sans autre précision ; lors de son audition, il ressort de ses explications que le véhicule a été conduit chez lui
En vertu de cette affaire, une personne qui a participé à un braquage peut-il avoir l’outrecuidance de garer un véhicule devant sa maison ? Pourquoi la police n’a pas interrogé les adversaires politiques du maire, l’épouse de Sossou a pu dire que c’est un règlement de compte politique ? Sur quelle base le véhicule retrouvé chez Soglo était celui du maire ? Il était possible, indique Me Sakariyou Nourou Guiwa, de chercher à la direction des transports terrestres, l’enquête a été bâclée, conduite avec beaucoup de légèreté ; le dossier a des carences.
Pour contenter l’opinion, la police a abandonné la piste de complot ; qui a tué Sossou ? Sont-ce ces personnes ou d’autres ? Les perquisitions n’ont pu rapporter la moindre cartouche.
Et pour Me Yaya Pognon, défendant Joseph Codjia, la vérité est à mi-chemin.
«Je me garderai d’être aussi péremptoire que le ministère public ; sa description est superficielle; je ne vous conduis pas au doute ; association de malfaiteurs. Ils ont planifié d’aller agir, braquer et arracher les biens», relève-t-il : c’est un homicide involontaire car la mort est survenue accidentellement. En tenant compte des 3 infractions, seule la peine la plus élevée doit être retenue, selon Me Yaya Pognon. Retenir le quantum de l’homicide involontaire afin que le temps déjà passé en prison soit appliqué.

Il faut un homme de l'art

Me Paul Kato Atita fera observer la thèse défendue par René Floriot dans " Les erreurs judiciaires". «Nous devons éviter de contribuer à une erreur judiciaire ou d’en commettre une : la clarté judiciaire ; qui d’entre nous ici peut dire de quoi Dr Sossou est mort ? », s’est-il interrogé ? Cette question n’a pas de solution à travers le dossier qui nous a été remis. Vous ne le savez pas parce que la réponse n’est pas dans le dossier ? Ce que le colonisateur nous a laissé ; vous fouillerez ; le moment est venu pour que notre justice sorte du fétichisme ; nous avons des médecins et des cadres qui peuvent nous apporter les solutions ; il faut un homme de l’art et des sciences, pour nous dire de quoi le docteur est mort. Au nom de la présomption d’innocence, Ambroise Hounkpè a le droit de dire qu’il n’est pas l’auteur.

Il faut pour le confondre porter le véhicule au camp Guézo, demander aux experts de déterminer la nature de l’arme et celle des balles utilisées: mettre dans les conditions qui permettent d’asseoir la responsabilité pénale. La police ne s’est-elle pas trompée ? Comment peut-on conclure à la culpabilité avec certitude ? les numéros de châssis et de moteur permettent d’authentifier les véhicules ; rien au dossier, sur le plan professionnel ne permet d’accepter ces légèretés. Auparavant Me Paul Kato Atita s’était fait donner acte du défaut au dossier judiciaire du certificat médical, du certificat de décès, du rapport d’expertise balistique. « Je dois adopter une démarche scientifique ; le doute et en tirer les conséquences de droit », a-t-il retenu.
La cour après délibérations les a condamnés à 20 ans de travaux forcés.
Abordant le volet civil, la cour siégeant sans les jurés a invité la partie civile à confirmer ses prétentions. Ainsi, elle a confirmé sa constitution et a demandé la condamnation des accusés au paiement du franc symbolique.
Pas d’observation particulière pour le paiement du franc symbolique selon le représentant du ministère public qui a loué la grandeur d’esprit de la partie civile qui n’a pas voulu monter les enchères.
La défense s’est associée aux observations de la partie civile et a demandé à la cour de faire droit aux demandes de la succession.
La cour en conséquence les a condamnés à payer à titre de dommages intérêts le franc.