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Poursuivis pour association de malfaiteurs, vol à main armée et assassinat (16è dossier): 20 ans de travaux forcés pour l'un et la perpétuité pour l’autre

Société
Par   Didier Pascal DOGUE, le 14 août 2015 à 02h11

Le verdict issu de l’examen du 16e dossier soumis à l’appréciation de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou était, peut-on dire, à la mesure du forfait commis par les délinquants qui devaient répondre devant elle, hier jeudi 13 août. Vingt ans d’un côté et la perpétuité de l’autre pour association de malfaiteurs, vol à main armée et assassinat. La composition qui a connu ce dossier était présidée par Saturnin Avognon, avec comme assesseurs Célestine Bakpé et Florentin Gbodou. Dans le rôle de ministère public, Honoré Alowakinnou et au greffe, Sètondji Désiré Sèmèvo. Hounsa Joseph Azankpo, Kuessi Antoine Hossou, Sètoungan Mèdévo, Lambert Aguessy et Osséni Abiossè sont les jurés.

La dénégation d’un bout à l’autre du parcours. C’est sur ce registre qu’ont navigué les co-accusés Félix Mikinhouéssè puis plus tard Gilbert Honvou qui étaient poursuivis pour association de malfaiteurs, vol à main armée et assassinat.
Pour les faits, il convient de retenir selon le résumé livré par le président, le magistrat Saturnin Avognon, que dans la nuit du 3 au 4 février 2008 aux environs de 2 heures, 5 personnes armées d’armes blanches, de gros marteaux et de pistolets ont fait irruption au domicile de Raymond Adekambi sis au lot A 9 à la Marina PK 10, route de Porto-Novo où habitent son épouse Edwige Domingo, sa sœur malade, la nommée Marie Rose Adékambi, épouse Kèkou et leur fils. Après avoir molesté, étranglé et assommé de coups le gardien qui criait au secours, les assaillants ont pu, à l’aide de plusieurs coups de marteau massif, défoncé le portail. Après leur entrée dans la maison, ils ont défoncé la porte menant à l’étage et celle de la douche où s'était cachée dame Edwige Domingo. Deux des assaillants, les nommés Félix Mikinhouéssè et Gilbert Honvou qu’elle a reconnus, ont demandé d’après son époux. Cette dernière a déclaré qu’il était en voyage. Ils ont aussitôt demandé là où elle a caché l’or et l’argent. Après l’avoir brutalisée et assaillie de coups de bâton et de la crosse de leur pistolet, ils ont pu vider toutes les chambres où ils pouvaient se procurer de précieux objets. Ainsi, ils ont vidé toutes les armoires et ont tiré quelques coups de feu en l’air avant de se replier avec leur butin composé de téléphones portables, de bijoux, d’un ordinateur portatif, des numéraires entre autres.

Aucun trouble mental

Par ailleurs, dans la nuit du 12 au 13 février 2008, le même groupe armé d’armes blanches et de pistolets a cambriolé le domicile de Ignace Sossaminou, lequel a bien reconnu les nommés Gilbert Honvou et Atèmènou Adrien Sognigbé au cours de cette opération. Après avoir menacé de l’abattre, ces derniers ont emporté au cours de cette opération, de nombreux objets au nombre desquels des appareils électroniques, du numéraire, des pièces de tissu, un fusil de chasse, des chéquiers, un permis de conduire. A cette occasion, Atèmènou Adrien Sognigbé a insisté pour qu’on lui délivre des chèques afin qu’il procède à des retraits.
Le bulletin n° 1 de leurs casiers judiciaires ne porte mention d’aucune condamnation.
Le rapport psychologique et psychiatrique concernant Félix Mikinhouéssè et Gilbert Honvou fait ressortir qu’au moment des faits, aucun trouble mental pouvant abolir le contrôle de leurs actes n’a été repéré.
L’unique témoin cité ne s’étant pas présenté, la parole fut donnée à la partie civile, en somme les victimes.
Raymond Adékambi, ingénieur génie civil a comparu en tant que victime. Selon son récit pathétique, il habite une maison R plus un avec une toiture terrasse. Vers 2h, expose-t-il, sa femme et lui ont entendu de violents coups à leurs portes. Il dit avoir réveillé sa femme avec qui ils ont décidé de la conduite à tenir. A la réponse de son épouse leur disant que son mari était en mission et n’ayant pas d’arme, l’intéressé a jugé utile de ne pas braver le danger pendant qu’il descendait de la terrasse.

C’est comme si c’était hier

Lorsque le président demanda à Ignace Sossaminou, l’autre victime des accusés à la barre dans cette procédure, s’il reconnait les personnes au banc des accusés derrière lui, celui-ci répond : « C’est comme si c’était hier ». Il a déclaré avoir formellement reconnu Gilbert Honvou. Il a expliqué les menaces et autres tracasseries qu’il a subies de la part d’une bande de six personnes environ, qui l’ont tenu en respect longtemps sous la menace d’AKM et de pistolet. Fouillant la maison de fond en comble, à la recherche de l’argent, le chef de la bande répétait souvent (« donne l’argent, je sais que tu en as »).
Prenant ensuite ses réquisitions, le représentant du ministère public, Honoré Alowakinnou a rappelé les faits un peu comme s'ils s’étaient déroulés ces jours-là «Les nommés Félix Mikinhouéssè et Gilbert Honvou sont devant votre cour pour répondre d’association de malfaiteurs, vol à main armée et assassinat; il est vrai qu’ils ont nié les faits à l’enquête préliminaire, devant le juge d’instruction et devant votre barre», rappelle-t-il en substance.
Face aux jurés, il les a prévenus qu’ils devront rendre justice, car ils ont suivi les débats avec une attention soutenue et qu’ils ont leur intime conviction. «Les faits de la cause ont troublé l’ordre public et les nuits sont parfois devenues trop longues pour les citoyens», analyse-t-il. Voilà des agissements qui, selon lui, relèvent de l’association de malfaiteurs, vol à main armée et assassinat. Pour lui, cela tombe sous le coup des articles 265 et 304 du code pénal.
Ainsi, pour Honoré Alowakinnou, l’association de malfaiteurs se présente comme toute association formée dans le but de commettre des crimes envers les personnes et les biens. Il y a là deux éléments constitutifs principaux ; la simple association est suffisante ; peu importe le nombre d’affiliés ; deux personnes suffisent, explique-t-il. Et de poursuivre que peu importe la durée de l’entente. « Ils avaient formellement reconnu s’être connus dans la scierie où ils ont l’habitude de se rencontrer », justifie le ministère public. Pour lui, les accusés se connaissent bien et vivent en parfaite intelligence.
Quid du vol à main armée ? C’est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui de manière violente. Ici, rappelle-t-il, les coupables étaient porteurs d’armes apparentes ou cachées ; les armes sont là, les récits émouvants de Ignace Sossaminou et Raymond Adékambi renseignent suffisamment sur ce volet.
L’assassinat, développe-t-il ensuite, c’est le meurtre commis avec préméditation et guet-apens ; meurtre ou homicide volontaire commis dans certaines circonstances. Il a défini la préméditation et le guet-apens pour mieux éclairer les jurés.

Gardien étranglé avec sa ceinture

Revenant aux faits de la cause, Honoré Alowakinnou a rappelé comment le gardien a été étranglé avec sa ceinture; le guet-apens suppose la préparation; mais ce n’est pas le cas ici. Il s’agit plutôt de meurtre, le dessein formé de donner la mort à autrui.
Sur cette base, il a requis de déclarer les accusés coupables d’association de malfaiteurs et vol à main armée et disqualifier l'assassinat en meurtre, de les condamner à la peine de travaux forcés à perpétuité et ce serait justice.
Prenant la tête des plaidoiries, Me Mounirath Taïwo a planté le décor en ces termes : « Galilée a été condamné pour avoir dit que la terre tourne. Et pourtant elle tourne», a affirmé Me Mounirath Taiwo pour annoncer les couleurs des plaidoiries. Pour les deux accusés, se pose la question de l’imputabilité. «Ils ont nié les faits mis à leur charge; le procès-verbal échafaudé par les OPJ; il y a des faits et puisqu’il faut trouver des coupables, on n’a pas minutieusement fait ce qu’on devait faire », expose-t-elle. Il ne faut pas, insiste-t-elle, que la décision rendue gonfle celle des erreurs judiciaires. Comment peut-on être en association de malfaiteurs lorsqu’on ne se connait pas. Si l’élément matériel n’existe pas, c’est que l’infraction n’existe pas. Saluant les brillantes réquisitions du ministère public; elle interroge s’il y a eu des empreintes prélevées ou autopsie du corps. « Vous êtes là pour juger pas pour des probabilités ou possibilités mais lorsqu’il y a des preuves au dossier. On sait dans quelles conditions les aveux ont été extorqués. Les débats à votre barre vous ont édifié », justifie-t-elle.
A sa suite, son aîné Me Bertin Amoussou a pris le flambeau pour retenir comment ça fait longtemps qu’il a commencé à chanter l’Aube nouvelle. Mais dans ce dossier, relève-t-il, je ne vois pas l’Aube nouvelle de la justice. « Un dossier où il n’y a ni indice ni preuve, ni autopsie et où il y a mort d’homme et on vous demande de condamner ; j’ai vu le soleil à cette audience et on nous a enseigné que si nous voulons être un bon avocat de connaître la loi ; mais si je veux en être un grand, de connaître les juges par leur expérience ; car quand on juge mal et qu’on condamne à tort, on reçoit les foudres; il faut une certaine ancienneté», insiste-t-il.
Mais, poursuit-il, je ne reconnais pas le juge à travers le ministère public qui demande d’envoyer à l’abattoir; «le doute profite à l’accusé ; attention à nous tous, les suppositions, les coïncidences, les laborieuses déductions n’ont jamais fait une justice; ce sont les passages au crible fin qui peuvent asseoir notre justice; je vous demande de ne pas condamner dans le vide. Après l’enquête préliminaire pourquoi cela revient à la moulinette des juges d’instruction? quelle mémoire prodigieuse ont-ils de ne pas se contredire ni de se dédire?
Ces messieurs ont besoin de leur liberté, ils sont de chez nous», expose-t-il, demandant leur élargissement au bénéfice du doute.

«êtes-vous des sorciers»

Les policiers sont pressés pour trouver des coupables ou produire des résultats. Lorsque la police vous inquiète, vous tremblez, relève Me Moustapha Waïdi qui s’interroge qu’on n’ait pas pu amener le témoin capital cité dans la procédure et sur la non disponibilité des scellés. « Si vous n’avez pas les éléments qui envoient à la condamnation, épargnez ces messieurs. Si vous avez des doutes retenez-vous. L’enquête de moralité est vulgaire, bâclée et à écarter ; tenez-vous en aux déclarations devant le juge d’instruction et à votre barre ; c’est pourquoi je vous prie d’éviter d’abattre des innocents ; ne faites pas des erreurs. Dans ce dossier, il y a un doute sérieux. Relaxez-les au bénéfice du doute, ne les tuez pas en les condamnant à perpétuité», propose-t-il.
Dans son arrêt rendu quelques minutes après, la cour les a reconnus coupables des faits de vol à main armée, d’association de malfaiteurs et de meurtre et les a condamnés à la peine de 20 ans de travaux forcés , sur la base des articles 295 et 304 du code pénal.
Sur les intérêts civils, Ignace Sossaminou a déclaré avoir chiffré les objets emportés à 3 400 000 FCFA. Mais faute de reçus appuyant ses prétentions, le président a expliqué ne pas évoluer au pifomètre. Un avis que partage Honoré Alowakinnou et auquel se sont associés les avocats de la défense et face auquel les parties civiles, maîtresses de la procédure civile n’ont élevé aucune protestation. Dans son arrêt, la cour a renvoyé l’examen des préjudices subis dans la cause, à une prochaine session.
L’accusé Adrien Atèmènou Sognigbé ayant bénéficié d’une mesure de liberté de provisoire ne s’est pas présenté hier à l’audience, lors de la vérification de l’identité . L’arrêt de renvoi n’a pu lui être signifié puisqu’il n’a pas été retrouvé. Pour une bonne administration de la justice, son cas avait été disjoint par un arrêt avant dire droit de celui des autres avant l’ouverture des débats.
Statuant finalement sur le cas Adrien Atèmènou Sognigbé disjoint auparavant, le ministère public a déclaré qu’il réitère ses réquisitions d’association de malfaiteurs, de vol à main armée et d’assassinat, de le condamner par défaut à la perpétuité. Quelques instants après, la Cour revient et par un arrêt l’a condamné par défaut à la prison à perpétuité.