Des coups d'État civils ou militaires, l’Afrique en a connu, surtout au lendemain de l’accession des Etats à l’indépendance dans les années 1960. Au total, 108 coups de force ont jalonné l’histoire du continent. Celui survenu ce 30 août au Gabon, rallonge la liste. L’on note, dans les récents coups d’Etat, une différence fondamentale avec ce que l’on a pu voir dans la période post indépendance. Les putschistes n’affichent pas leur prétention de rester au pouvoir mais se cachent plutôt derrière de longues périodes de transition pour, disent-ils, selon les cas, un rétablissement de la démocratie, une meilleure gestion des questions sécuritaires, ou encore une rupture fondamentale avec l’Occident, argument en vogue. Dans l’un ou l’autre des cas, il suffit de profiter des moments de crise pour se trouver un destin messianique, et le tour est joué. Les populations, à tort ou à raison, se laissent facilement emballer par ce vent d’incertitude qui souffle sur le continent, prétextant de l’échec des politiques publiques, pour trouver du sens à l’agissement des putschistes. Sauf que les problèmes de gouvernance existent partout au monde, que l’on soit en Afrique, en Europe, ou en Amérique. Même si ailleurs, les traces de la corruption sont moins visibles et plus sanctionnées. L’emballement collectif après les putschs risque de s’estomper quand, bientôt, la déception sera lisible du fait de promesses non tenues par les putschistes et de recul en matière de développement et de démocratie. Comment en est-on arrivé à cette situation délétère qui, sans nul doute, sonne comme un aveu d’échec des systèmes partisans dans les pays et dévoile au grand jour les limites du modèle démocratique sous nos cieux ?
Une démocratie gangrenée par l’insouciance et la cupidité des dirigeants.
Certains ont considéré la démocratie non comme un système de gouvernance mais comme une opportunité à faire bon leur semble, une fois la confiance du peuple obtenue. Cependant, les coups d’Etat, fussent-ils civils ou militaires, sont loin d’être le palliatif. Autrement, à quelques exceptions près, les coups de force aux premières heures des indépendances, auraient induit un réel développement socio-économique des peuples.
Arrêter la saignée
Dans la plupart des Etats, le modèle démocratique a fait ses preuves et l’Afrique se positionne aujourd’hui comme le deuxième continent en termes de croissance économique. En démocratie, des mécanismes sont prévus non seulement pour que le pouvoir arrête le pouvoir, mais aussi pour que les partis politiques assument leur destin et animent la vie politique. Quand le système est bien mis en place et respecté, il n’est pas besoin que des militaires où des putschistes, quand le cœur leur en dit, accèdent au pouvoir en toute illégalité, sans aucun projet de gouvernance, pour une durée de leur choix appelée période de transition. Dans ce jeu funeste, c’est le peuple qui en sort perdant. Ces bouleversements ne sont pas de nature à crédibiliser les pays et sonnent comme un éternel recommencement. Ce saut dans l’inconnu qui divise l’opinion au plan national et international, selon les intérêts de chacun, est préjudiciable à l’avenir de l’Afrique. C’est une certitude. Si à chaque fois, le salut doit provenir, selon les putschistes, de la remise en cause de l’ordre constitutionnel, les Etats ont encore du pain sur la planche. C’est tellement évident que les putschistes au Mali, ont criminalisé les coups d’Etat dans leur réforme constitutionnelle. Tenez : 7 coups d’Etat militaires ont été enregistrés sur le continent au cours de ces trois dernières années notamment au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Tchad, au Soudan, au Niger et au Gabon pour diverses raisons. Il est peut-être temps d’arrêter la saignée et de penser à inclure dans les programmes éducatifs la notion d’engagement vis-à-vis de l’Etat et de ses organes dirigeants.