La Nation Bénin...
Le 1er août 2025 marque la dernière fête nationale que
présidera Patrice Talon en tant que chef de l’État. Dix ans de gouvernance,
jalonnés de réformes profondes, auront permis au Bénin d’engager une
refondation structurelle dans plusieurs domaines, notamment la culture, la
diplomatie et l’identité nationale. Parmi les faits marquants de cette
gouvernance, la reconnaissance juridique et symbolique des Afro-descendants,
traduite par la loi n°2024-31 du 2 septembre 2024, figure en bonne place comme
un tournant d’histoire et un geste de justice mémorielle.
A l’heure où il s’apprête à tourner la page de son dernier mandat, Patrice Talon inscrit son nom dans l’histoire en rendant au Bénin ses enfants de la diaspora. Par la loi n°2024-31 du 2 septembre 2024 portant reconnaissances de la nationalité aux Afro-descendants, le pays répare une blessure séculaire et rétablit le lien brisé entre une terre et sa mémoire vivante. Cette loi historique ouvre une voie unique de retour à la citoyenneté béninoise pour les descendants des Africains déportés lors de la traite négrière. Elle institue un mécanisme clair permettant aux ressortissants d’États non africains, qui prouvent leur ascendance subsaharienne, d’acquérir la nationalité béninoise par reconnaissance. L’exigence de preuves, élargies aux documents, témoignages et tests d’Adn, permet de restaurer juridiquement le retour aux racines.
Un cadre inclusif
Le texte adopté par les députés prévoit une
reconnaissance à double temporalité : soit par la présence physique du
demandeur sur le sol béninois, soit à travers une attestation d’éligibilité à
la nationalité, délivrée pour une durée provisoire de trois ans. Cette dernière
confère le droit d’entrée, de séjour et de sortie du territoire, tout en
offrant le temps nécessaire à une installation progressive avant l’obtention de
la nationalité définitive. La loi précise que les personnes nées avant 1944
dans les territoires de déportation sont présumées afro-descendantes,
facilitant ainsi l’éligibilité de leurs descendants. La révision introduite en
fin d’année 2024, en remplaçant le terme «attestation provisoire» par celui
d’«attestation d’éligibilité», a permis de clarifier le statut juridique des
bénéficiaires en attente de la finalisation de leur nationalité. Une précision
essentielle pour garantir la sécurité juridique et renforcer la cohérence avec
la législation nationale. Le gouvernement béninois, à travers cette démarche, a
voulu non seulement faciliter l’accueil de la diaspora, mais aussi construire
un modèle africain de réintégration identitaire.
La citoyenneté par reconnaissance donne accès à un
passeport béninois, à une attestation officielle et peut être transmise aux
descendants. Mais elle est révocable en cas de fraude, d’atteinte à la sûreté
nationale ou d’activités incompatibles avec les intérêts de l’État.
Un accueil solennel pour un retour aux racines
Le 23 août 2024, à Ouidah, à l’occasion de la journée
internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, les
Afro-descendants ont exprimé une émotion profonde face à cette reconnaissance.
Le bâtonnier Georges Emmanuel Germany, originaire de la Martinique, a salué
l’œuvre politique de Patrice Talon. « J’ai perdu mes papiers il y a 300 ans sur
un navire négrier. J’aurais aimé que le chef de l’État soit présent, mais à
partir du vote de cette loi, le plus sûr endroit pour le trouver, c’est dans
les livres d’histoire de l’Afrique et de l’humanité », clame-t-il.
Les Afro-descendants ont exprimé leur reconnaissance envers le président pour avoir fait de l’océan Atlantique une rivière franchissable. Dans la même veine, Joël Jean-Marie, Guyanais installé à Ouidah depuis plus de dix ans, a salué un acte de réintégration et de paix. « Merci pour cet acte qui nous permet d’acquérir la nationalité. C’est une reconnaissance, une manière de nous accueillir à nouveau, de faciliter notre retour à la source, aux racines, au pays natal », se réjouit-il.
Premières remises officielles
Le 26 juillet 2025, une cérémonie historique s’est tenue
à Cotonou. Trois Afro-descendants, notamment
Joseph Gabendy, David Romuald Smeralda et Wilson Ciara Princess ont
officiellement reçu leur attestation de nationalité béninoise. L’émotion était
palpable. La remise a été effectuée par les ministres Jean-Michel Abimbola,
Olushegun Adjadi Bakari et Yvon Détchénou. Ce dernier a parlé d’un «moment de
réconciliation historique», marquant la détermination du Bénin à construire des
ponts durables avec sa diaspora.
Pour Wilson Ciara Princess, la reconnaissance officielle
est un tournant personnel et historique. «Je viens d’être reconnue Béninoise.
Par cet acte, je reconnais mon appartenance à cette nation », se réjouit-elle.
Elle a exprimé son désir d’être une citoyenne engagée, fidèle aux institutions
de la République et aux valeurs de fraternité, de justice et de travail.
La reconnaissance des Afro-descendants s’inscrit dans la continuité d’actions fortes initiées dès 2016, avec la suppression des visas pour les Africains, puis la restitution des trésors royaux. Elle consacre un axe fort de la diplomatie culturelle et identitaire béninoise sous Talon, axée sur la réparation symbolique, la souveraineté mémorielle et la construction d’une identité inclusive. Le Bénin se positionne ainsi comme un modèle africain de reconnaissance et de reconnexion. Alors que s’achève le mandat constitutionnel de Patrice Talon, cette réforme apparaît comme l’un des actes forts de son héritage. Elle incarne l’aspiration à une Afrique ouverte sur elle-même, qui accueille ses enfants déportés, reconstruit des ponts de solidarité et redonne un nom, un passeport et une place à ceux qu’on avait arrachés à leur terre d’origine.
Une nouvelle page de l’histoire béninoise et africaine
En inscrivant les Afro-descendants dans le corps national
béninois, la loi n°2024-31 répare une blessure ancienne et ouvre une
perspective de citoyenneté partagée. Elle redonne sens au combat pour la
mémoire, la dignité et la justice. Au moment où le Bénin s’apprête à tourner
une page de son histoire politique, cette mesure reste comme une référence, un
repère, sur la mémoire commune.
Patrice Talon quittera ses fonctions en 2026, mais l’empreinte de cette loi sur la conscience nationale restera. Elle aura dit, mieux que tout discours, que l’histoire peut être réparée, que l’identité peut être retrouvée, et que l’Afrique peut encore recoller d’elle-même les morceaux dispersés.
La reconnaissance des Afro-descendants consacre un axe fort de la diplomatie culturelle et identitaire béninoise et la construction d’une identité inclusive