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Nouvelle orientation de la coopération à l’ère de la Rupture: Les conditions de réussite d’une diplomatie économique agissante

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Candide Ahouansou Candide Ahouansou

La diplomatie est la symbiose du savoir et du savoir-faire en vue de promouvoir la coopération entre Etats au sens générique et plénier du terme. Elle peut donc être considérée sous plusieurs aspects dont celui des relations économiques qui fait l’objet de la présente réflexion.

Par   Candide AHOUANSOU, le 07 août 2023 à 04h36 Durée 4 min.
#Coopération
Dans le cadre de l’exercice efficient d’une fonction Coopération désormais répartie entre deux ministères, celui des Affaires Etrangères d’une part et celui de l’Economie, des Finances et en charge de la Coopération de l’autre, il revient à chaque structure de jouer sa partition en affûtant ses outils pour parvenir aux buts   fixés par le chef de l’Etat.
Dans une approche du tandem diplomatie-coopération, nous avions essayé de comprendre le fait que l’on ait enlevé à l'ex- ministère des Affaires étrangères et de la Coopération sa dernière composante pour la transférer au ministère de l’Économie et des Finances. Faisant la part des choses, nous  avions  alors convenu que, la coopération rimant, dans notre système, avec l’économie au risque de s’y confondre, l’on pourrait  en toute  logique associative l’arrimer au ministère de l’Economie et des Finances. Nous avions cependant relevé que ce dernier, bien que désormais dépositaire de la fonction Coopération, n’avait pas la compétence externe requise pour l’exercer pleinement de manière autonome et qu’il restait tributaire des rapports que lui adresseront dorénavant les ambassades relevant pourtant administrativement d’une autre tutelle : celle du ministère des Affaires étrangères. Nous avions alors et de manière discursive, retenu qu’il s’agissait, en l’état  actuel des choses et en fait,  d’une coopération partagée qui ne dit pas son nom.   En tout état de cause, il nous parait évident que pour permettre à cette fonction Coopération à double pôle de générer les résultats que l’on peut raisonnablement attendre d’elle, les deux ministères s’adjugent les voies et moyens d’action efficaces ou reconstruisent ceux dont ils disposent déjà. Dans ce cadre et en ce qui concerne le ministère de l’Economie et des Finances en charge de la Coopération, nous avions eu à suggérer à la faveur de notre précédente réflexion, une politique d’affectation judicieuse d’attachés économiques et commerciaux dans nos ambassades avec des missions de prospection bien déterminées  et une obligation de résultat à évaluer tous les six mois.
Dans la présente réflexion, nous faisons état de la manière dont nous pensons que la formation des diplomates de carrière devrait être conduite pour assurer au mieux les performances que le chef de l’Etat attend de ces agents. Il est, en effet, de notre opinion que l’efficacité d’un diplomate de carrière dans ses diverses fonctions se prépare ; et cela dès le début de ses études universitaires.

La diplomatie : une fonction sélective nécessairement

Nous affirmons sans sourciller et sans nuance que ne peuvent être efficaces dans la diplomatie et y faire carrière que des citoyens qui en ont les aptitudes et qui ont reçu une formation adéquate ; ne peut donc être diplomate de carrière, qui juste le veut. L’assertion peut paraître à première vue  sectaire et péremptoire. Nous  n’en disconvenons guère, mais nous nous en expliquons ainsi qu’il suit. Si ingénieuse que puisse être une diplomatie dans sa conception, ses  résultats dépendent, à n’en rien douter, de la qualité des agents commis pour sa mise en œuvre. Entreprend des études en médecine et devient médecin qui le veut. Il en est ainsi parce que après ses études universitaires, il lui appartiendra, et à lui seul, de décider soit de se faire une clientèle privée, soit de se faire embaucher dans un cabinet privé ou encore d’exercer ses compétences dans un hôpital public.  Par contre, celui qui entreprend de faire des études pour devenir diplomate professionnel n’aura pas le choix de son employeur. En l’état actuel des choses, il ne peut se faire embaucher que par le seul ministère des Affaires étrangères ; c’est son seul point de chute. Il s’impose alors que son seul et unique employeur potentiel, à savoir l’Etat, ait un droit de regard  en amont comme du reste en aval sur les études qui  préparent l’étudiant à devenir son employé. 

Justification du droit de regard de  l’Etat

Il est de bon sens que tout employeur soucieux d’efficacité et de prospérité ait la faculté   de recruter les meilleurs éléments d’autant plus qu’il s’agit de servir l’État dans son ensemble. Certes, il n’y a généralement aucune raison qui, hormis pour cause de planification ou  d’octroi de bourses d'études, justifie l’ingérence de l’Etat dans le choix des études des citoyens, s’agissant en l’occurrence d’un domaine privé. Mais dans le cas d’espèce, cette interférence s'explique par le fait que non seulement l’Etat est leur seul employeur  potentiel, mais aussi  parce qu’il revient  à ce dernier de prévenir le chômage des jeunes qui, après leurs études universitaires ont du mal à s’insérer dans le tissu social. Par ailleurs, l’Etat a conscience du fait que ce sont les futurs diplomates qui, à des niveaux divers, le représenteront à l’extérieur et qu’il lui appartient de s'assurer que leur formation sera à la hauteur de ce qui leur sera demandé. A ces titres, son droit de regard s’explique aisément.

Comment exercer ce droit de regard ?

Le droit de regard de l’Etat s’exercera en amont mais aussi en aval de la formation des aspirants à la carrière diplomatique ; puis au cours de leur parcours professionnel.
En amont de la formation par un test d'orientation et de personnalité à l’entrée de l’université pour une appréciation de leur vocation et une évaluation de leurs aptitudes morales et psychologiques à exercer la profession de diplomate ainsi que leurs capacités à y faire carrière.  Sociologues et psychologues  avertis des exigences de la profession devraient déterminer et élaborer les paramètres  de tels tests. Un entretien avec les aspirants à la carrière devra également évaluer leur background ; j’entends le niveau de leur culture générale ainsi que l’approche qu’ils ont de la notion du service public. Cette procédure, rigoureuse il est vrai, a fait ses preuves dans le temps jadis pour l’octroi des bourses Fac (Fonds d’Aide et de Coopération) aux fins d’études en diplomatie.
En aval de la formation.  En l’état actuel des choses, le diplomate en herbe accomplit après ses études universitaires un stage d’un an à l’intérieur du ministère des Affaires étrangères sans jamais en sortir ; puis il intègre systématiquement et sans plus d’autres considérations, le corps national des Secrétaires et Conseillers des Affaires étrangères. Il est alors titularisé, j’allais dire sans coup férir. Ce stage n’est donc qu’une simple formalité ; et il ne devrait pas en être ainsi. Jadis, c’était un véritable examen de  passage si tant est qu’il arrivait bien des fois, que des novices aient été recalés et aient dû reprendre l’année  de stage. Ce fut sans ménagement ni complaisance aucune. Titulariser un agent dans la Fonction publique ne signifie pas seulement prendre un acte administratif pour en faire un agent permanent de l’Etat ; tant s’en faut. Il signifie surtout que l’on l’installe dans un corps professionnel et que l’on ne peut plus l’en déloger aisément pour raison d’incompétence technique  quand bien même notoire. Nous proposons alors que l’année de stage réglementaire soit la garantie que l’agent que l’on se prépare à titulariser aura les outils nécessaires pour être un bon agent toute sa carrière durant. C’est pourquoi nous suggérons de la démembrer de la manière suivante :
-- Au cours des trois premiers mois de stage les recrutés feront, en leur qualité de stagiaires - apprenants, le tour de toutes les directions du ministère pour s’enquérir de ce qui s'y fait effectivement ; ils devront laisser un rapport sectoriel de stage à chaque directeur après que celui-ci leur aura accordé un entretien conclusif. Les stagiaires-apprenants visiteront également le cabinet du ministre en quelques heures et échangeront avec le Directeur sans qu’un rapport écrit leur soit demandé.
-- Nous suggérons qu’au cours des trois mois qui suivront, ils soient affectés dans nos ambassades et consulats pour se familiariser avec ce qui s’y fait concrètement. Nous limiterons ces affectations à nos représentations les plus proches du siège pour raisons d’incidence financière évidentes.  La mission des stagiaires se conclura également par un rapport dont copie sera laissée à l’ambassadeur et l’original adressé au Secrétaire général du ministère. Au cours de cette mission, le stagiaire portera le titre d’aspirant- diplomate.
-- A l’issue de ces six mois de prise de contact administratif, les stagiaires-apprenants seront, en leur qualité de stagiaires du terrain, envoyés en mission sur tous les sites des projets de développement, accompagnés qu’ils seront des agents des ministères techniques impliqués. Ils feront un rapport critique de leur périple  mettant, entre autres, l’accent sur les sources de financement des projets, leur exécution, leur état d’avancement, leur gestion, leurs insuffisances le cas échéant, et leur impact sur la population. 
Les trois étapes susvisées constitueront la substance d’un mémoire de fin de stage conséquent qui ouvrira la voie à leur titularisation. Alors, l’on pourra avoir des diplomates suffisamment outillés et motivés pour parler diplomatie économique dès le début de leur carrière avec assurance et sans tergiversation. L’avantage de la catégorisation des stagiaires que nous suggérons (stagiaire apprenant, aspirant diplomate et stagiaire du terrain) est l’impact présumé favorable et valorisant qu’elle devrait imprimer dans l’esprit et sur le moral des stagiaires afin qu’ils prennent très au sérieux cette année charnière et probatoire. Nous préjugeons que leur fierté en sera fouettée et l’amour de leur profession accru. Peut-être même qu’une telle formation post universitaire aussi rigoureuse rehaussera la considération de notre ministère des Affaires étrangères hors des frontières nationales.
--Au cours de leur carrière, deux ordres de préoccupations devraient animer les diplomates à savoir : d’une part une mise à jour permanente de leur connaissance de tous les projets en réalisation sur le territoire national ainsi que ceux en gestation ; d’autre part la connaissance approfondie des pays où nous avons des représentations diplomatiques.
Eu égard à la première préoccupation, nous estimons que le ministère en charge de la coopération devra organiser une fois l’an pour les diplomates, des séances de travail avec les ministères techniques clés de la coopération à savoir ceux de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie ainsi que celui du Tourisme. Un recyclage permanent qui leur permettra de s’enquérir non seulement de l’état des projets de développement en cours de réalisation, mais également des idées de projet. De plus, l’exercice les aidera dans l’orientation de leurs actions de  prospection qui se feront alors en toute connaissance de cause
-- Pour ce qui est de la connaissance des pays auprès desquels les diplomates représentent le chef de l’Etat, il s’agira de se familiariser avec leurs cultures et leurs us et coutumes ainsi que leurs langues. Autant d’éléments qui faciliteront l’intégration du diplomate dans les pays d’accueil et faciliteront, à n’en point douter, leur mission de prospection.  Il devrait être retenu qu’un diplomate ne parlant pas la langue du pays où il est accrédité est un diplomate diminué avec le gros handicap de ne pouvoir être en mesure d’établir un contact direct avec ses interlocuteurs et de dépendre d’un traducteur plus ou moins fiable. Peut-être faudrait-il introduire la pratique de la langue du pays de résidence dans les critères d’affectation à l’étranger. Une chose entrainant une autre, peut-être pourrions-nous suggérer alors que le ministère des Affaires étrangères dispose d’un laboratoire de langues étrangères.

*Ancien ambassadeur