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Patrice Talon au sujet du blocage du chargement du pétrole venant du Niger: « Nous sommes ouverts ; tout dépend des autorités nigériennes »

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Patrice Talon est pour une normalisation des relations avec le Niger Patrice Talon est pour une normalisation des relations avec le Niger

Les autorités béninoises ne se satisfont pas de la nature des relations actuelles entre le Niger et le Bénin. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’elles ont bloqué le chargement prochain du pétrole nigérien par l’entreprise chinoise contractante. Pour donner des clarifications sur cette situation et lever toute équivoque, c’est Patrice Talon, président de la République, en personne, qui intervient. Lors d’une déclaration faite, ce mercredi 8 mai au palais de la Marina, le chef de l’Etat a réitéré la bonne foi de son pays pour une normalisation des relations avec le Niger. 

Par   Joël C. TOKPONOU, le 10 mai 2024 à 06h35 Durée 5 min.
#Frontière Bénin-Niger

Déclaration du président Patrice Talon

La situation qui prévaut actuellement entre le Bénin et le Niger, principalement entre les autorités nigériennes et béninoises est quelque chose qui est malheureux et qui me peine. Le Bénin est un pays ami et frère du Niger. Nos peuples sont parents, frères et vivent ensemble depuis la nuit des temps et ce sera ainsi éternellement. Le Bénin a été par ma voix l’un des tout premiers pays à plaider pour la levée des sanctions contre les pays objet de coups d’Etat dont le Niger. Nous avons bataillé pour que la situation au Niger soit normalisée, ayant pris acte du changement politique qu’il y a eu, bien que contraire aux dispositions universellement reconnues et promues, les voies des élections.

Nous avons pris acte. Il y a un temps pour condamner, un temps pour souhaiter le rétablissement de l’ordre constitutionnel et un temps pour prendre acte.

J’ai plaidé pour que les sanctions soient levées et que la situation au Niger revienne à la normale. C’est le cas et le Bénin a mis en œuvre tout de suite les mesures de levée de sanction et nous avons ouvert les frontières.

Il est malheureux de constater que depuis, ce n’est pas le cas du côté des autorités nigériennes. Nous avons pris notre mal en patience car notre souhait est que les deux peuples continuent de vivre en paix et en harmonie et que les deux peuples de part et d’autre travaillent pour le développement commun et à la lutte contre le terrorisme et l’insécurité qui sévissent actuellement au nord du Bénin en provenance du sud des pays du sahel.

Mais malheureusement, on ne l’observe pas. Le temps passe et on apprend que le Bénin aurait massé des troupes à sa frontière avec des forces étrangères pour envahir le Niger. Ce qui, du commun des vivants, est totalement ridicule. Il n’y a pas de raison que le Bénin agresse le Niger avec l’appui de forces étrangères. On ne sait pas d’où ça vient ou si c’est parce qu’il faut avoir un bouc émissaire.

Toujours est-il que nous n’avons pas manqué d’occasions pour envoyer des messages aux autorités nigériennes de notre disponibilité à reprendre la collaboration comme jadis.

Depuis quelque temps, nous avons même permis que les produits agricoles du Bénin aillent au Niger parce qu’il y a pénurie de denrées, de céréales. Le Bénin est un pays qui est devenu exportateur de céréales et tout le monde a pu voir et observer que bien que les frontières soient fermées, le Bénin permet que les biens de consommation, notamment les produits agricoles aillent au Niger.

Arrivé au pont de Malanville qui est le passage formel entre le Bénin et le Niger, la frontière est ouverte du côté du Bénin et fermée du côté du Niger.

Le bord du fleuve est devenu le champ de trafic de biens et de grosses barques chargent les denrées à partir du Bénin, le maïs, le riz, le mil, le sorgho pour traverser la frontière. Donc il s’est établi un environnement d’échanges informel, un trafic. Toutes choses contribuant à générer des dysfonctionnements de service public parce que ce n’est pas la voie normale d’échanges. Mais nous avons fermé les yeux dessus parce que cela sert nos frères et sœurs du Niger qui ont besoin de denrées, de céréales. Il est malheureux de constater que cette solidarité que nous exprimons à l’égard de nos frères et sœurs du Niger a même créé un renchérissement du prix des denrées, notamment du mais, du mil, du sorgho et nos compatriotes ont commencé même à manifester. Nous payons un prix lourd au plan économique, au plan social et même au plan politique. Il y a eu des marches au Bénin contre le renchérissement du prix des denrées notamment du pays et l’exportation des denrées vers le Niger est la cause unique. Ce sont des quantités massives qui vont vers ces pays au détriment du pouvoir d’achat des Béninois. Il n’y a pas meilleur acte de solidarité que celui-là.

Nous avons donné également notre approbation pour les formalités de mise en œuvre du pipeline qui conduit le pétrole nigérien au Bénin pour être chargé sur la plateforme de Sèmè-Kpodji où des bateaux viendront accoster pour charger. Mais tout cela relève d’échanges formels, organisés, structurés parce qu’il y a un contrat qui lie le Bénin, le Niger et les entreprises chinoises partenaires du Niger. Nous avons permis que les travaux préparatoires aient lieu au Bénin et les Nigériens sont venus assister à ces travaux bien que la frontière soit fermée du côté du Niger. Il est question que dans les tout prochains jours, les autorités nigériennes au plus haut niveau viennent au Bénin pour inaugurer les activités de livraison du pétrole et que les bateaux viennent à Sèmè pour charger. Nous, nous avons dit que cela ne peut se faire de manière informelle comme c’est le cas des denrées qui vont au Niger. C’est vrai que pour vendre les céréales au Niger, nous avons permis que l’informel règne parce que c’est quand même nos frères et sœurs qui ont besoin de manger. Mais est-ce que nous allons transformer toutes les relations économiques, sociales, politiques entre le Niger et le Bénin en informel ? Et ça, c’est trop sérieux. Ce sont des contrats qui lient trois pays, des entreprises et cela ne peut pas être informel. Il faut que les relations économiques et d’échanges soient rétablies pour que les biens notamment ce pétrole puissent traverser le Bénin. C’est ce que nous avons dit.

Nous n’avons pas reçu de réponse. Donc c’est à croire que les autorités nigériennes préfèrent que le pétrole nigérien traverse le Bénin de manière informelle, soit chargé dans nos eaux de manière informelle parce qu’elles estiment que les autorités béninoises sont des ennemis. Si nous sommes vus comme des ennemis, notre maïs aussi doit être vu comme un maïs ennemi, et le mil et le sorgho, le riz qui vont au Niger sont-ils devenus des produits ennemis du Niger? Pourtant nous les laissons partir. On ne peut pas nous voir comme des ennemis et vouloir de nos biens et efforts, de notre collaboration, autrement que dans l’adversité. Ce n’est pas notre vision. Le Niger est un ami. Les Nigériens sont nos frères et sœurs. Les autorités nigériennes sont des partenaires et nous devons travailler ensemble.

Nous avons dit que nos eaux territoriales ne peuvent pas faire l’objet d’un trafic illicite et d’échanges informels.

Si vous voulez charger votre pétrole dans nos eaux, vous devez considérer que le Bénin n’est pas un pays ennemi et que le territoire du Bénin ne peut pas faire l’objet de trafic illicite ou d’échanges informels.

Nous n’avons pas refusé de mettre à contribution notre administration, notre territoire, nos moyens pour les échanges entre le Niger et le Bénin. Nous disons que cela doit se faire de manière correcte. Si demain les autorités nigériennes décident de collaborer avec le Bénin de manière formelle, les bateaux seront chargés, mais pas dans un environnement informel et d’adversité qui ne se justifie point.

Je suis malheureux de le constater et j’appelle de tous mes vœux les autorités nigériennes pour que le Bénin et le Niger retrouvent la fraternité qui a toujours existé et les rassurer que le Bénin n’agressera jamais le Niger. Il n’est pas de notre intérêt et ce n’est pas de nos intentions. Pourquoi les autorités béninoises seraient des adversaires des autorités nigériennes ?

Je saisis cette occasion pour leur adresser un message de fraternité, d’amitié et de solidarité et dire que le Bénin restera dans cette dynamique.

 A quelles conditions vous allez autoriser les navires à mouiller les eaux béninoises?

 Il suffit que les autorités nigériennes le veuillent. Si elles le veulent ce soir ce sera le cas. On ne peut pas dire que les échanges avec le Bénin sont interdits, que le Niger ne veut pas d'échanges avec le Bénin et demander que les bateaux pour le Niger viennent accoster dans nos eaux. Nous n’avons pas de conditions. Nous sommes ouverts; tout dépend d’eux. Ce sont eux qui refusent. Pas le Bénin. Ils refusent que les camions passent par le Bénin, que le port de Cotonou serve le Niger. C’est eux qui refusent sinon je le veux bien. Le Niger ne nous a pas saisis officiellement d’une raison particulière pour laquelle ils ont gardé leurs frontières fermées. Ils ne nous ont pas saisis de leur volonté d’envoyer des bateaux charger. Ce sont des entreprises chinoises qui nous informent des intentions des autorités nigériennes. Et même cette formule n’est pas convenable. Les Etats n’échangent pas entre eux via des prestataires privés. Nous sommes ouverts et nous attendons. Nous avons dit aux Chinois qu’il ne peut avoir chez nous des bateaux pour charger des produits que les Nigériens eux-mêmes ont interdit de traverser le Bénin. Ce sont les Nigériens qui interdisent cela.

Quand vous fermez les frontières, c’est valable pour les produits allant chez vous et venant de chez vous vers nous. Nous, nous prenons acte des dispositions que les Nigériens ont mises en place actuellement dans le cadre des échanges entre le Bénin et le Niger. C’est pour prévenir les Chinois afin que les bateaux ne viennent pas rester indéfiniment dans nos eaux.

J’ai personnellement envoyé des émissaires, mon ministre des Affaires étrangères. Nous tentons de parler avec eux. Nous sommes même actifs dans le rétablissement de la coopération avec le Niger et là-bas il n’y a pas de réponse. Je suis malheureux et il n’y a pas de raison que le Bénin ne veuille entretenir avec le Niger des relations d’amitié, de fraternité et de bon voisinage.

 Propos transcrits par Joël C. TOKPONOU