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Scandale du PPEA II: Le Bureau de l’Auditeur général livre la substance du rapport d’audit

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Par   LANATION, le 27 juil. 2015 à 05h13

Emoi, consternation et récriminations furent au rendez-vous quand s’ébruita le scandale dit du Projet pluriannuel du secteur de l’Eau et de l’Assainissement (PPEA II). Sommé de tirer l’affaire au clair, le Bénin a recouru aux services d’un cabinet d’audit international dont les conclusions ont été versées au gouvernement, lequel n’a pas tardé à les rendre publiques. Vendredi 24 juillet dernier, le Bureau de l’Auditeur général, par la voix de son titulaire, Michel Dognon, assisté de Raoul Atchikpa, Conseiller technique juridique du chef de l’Etat ont entretenu les auditeurs et journalistes de la substance du rapport d’audit. Au menu, irrégularités, réseaux mafieux, un vrai cocktail explosif…

Partager avec l’opinion le résultat définitif du rapport d’investigation du PPEA II commandité par le gouvernement du Bénin, c’est l’exercice auquel s’est livré Michel Dognon. Il renseigne que le rapport n’est arrivé à Cotonou que dans la nuit du jeudi au vendredi, ce qui a amené le gouvernement à s’y pencher dans la nuit même.
De prime abord, Michel Dognon a rappelé les conditions de recrutement du cabinet d’audit international, ainsi que le domaine d’intervention de la coopération néerlandaise au Bénin, dont le secteur de l’eau est une composante majeure. Ensuite, il a mis en relief l’étendue de la mission du cabinet recruté ainsi que les délais à lui assignés, notamment le 1er août au plus tard pour satisfaire aux attentes de la partie néerlandaise. En outre, Michel Dognon a rassuré du sérieux avec lequel le cabinet a fait son travail, émettant quand il le fallait, des requêtes auxquelles le Bénin a satisfait, et qui ont induit un report à la date butoir au 8 août.
En tout cas, ce qui justifie le recours à un cabinet, c’est que certaines personnes mises en cause avaient contesté le premier rapport au motif qu’elles n’avaient pas été écoutées, explique l’Auditeur général, assurant au passage qu’il est rarissime que les contre- observations des mis en cause remettent fondamentalement en cause le rapport initial.

Qu’a-t-on découvert ?

Le cabinet a découvert que tout ce que le rapport initial avait épinglé en termes de réserves et de limitation était confirmé. Pis, l’ampleur était plus importante qu’envisagée par le rapport initial !
En effet, énumère Michel Dognon, il y a eu un fractionnement systématique des marchés avec près de 20 contrats, au franc près, à la limite des 20 ou 60 millions FCFA autorisés suivant les cas. De même, on déplore des violations graves et répétées des règles d’exécution des dépenses publiques de connivence avec deux opérateurs privés qui, à eux seuls, auraient détourné, d’après le rapport, 2.300.000.000 sur les 2,6 milliards en cause ; dont 1,2 milliard pour le second Rock Saré Niéri. Le tout, sur la base d’un système bien réfléchi amenant les bénéficiaires de ces irrégularités à vider presque systématiquement leurs comptes bancaires dès que les transferts y sont effectués. Pis, pour la plupart des matériaux achetés, l’avis du comité de pilotage du projet n’aurait même pas été requis. Se dégage également du rapport des légèretés du genre de paiement ordonné le lendemain seulement de la passation des marchés, une célérité suspecte en somme. Aussi, le rapport met-il en cause l’efficacité des corps de contrôle, l’insuffisance du système d’alerte bancaire, les comptes en jeu étant exclusivement réservés à ces opérations…
Pour Michel Dognon, le rapport a épinglé sans les nommer, toutes les personnes responsables du projet, rattrapées par certaines transactions financières décelées par le cabinet. Mais, s’agissant de l’ex ministre Barthélémy Kassa, aucune transaction financière n’aurait été relevée entre lui et quiconque, même s’il est apparu au cabinet qu’il était au courant des fraudes. Le directeur de cabinet, le DRFM et autres responsables du projet seraient aussi, à des degrés divers, épinglés par le rapport. Et tous, assure Michel Dognon, seront poursuivis par le gouvernement. Car pour réaliser ce rapport de 800 pages, le cabinet s’est solidement armé pour traquer toutes sortes de fraudes, et le rapport contient des révélations inimaginables en la matière, un système huilé de fraude mais qui s’est avéré artisanal devant les moyens sophistiqués d’investigation mis en branle, des autorités au haut niveau ayant laissé des traces compromettantes de leur implication dans l’attribution des marchés, etc.

Quelles sanctions ?

C’est le conseiller technique juridique du chef de l’Etat qui s’est chargé d’entretenir l’auditoire sur les sanctions envisagées par le gouvernement. D’après lui, c’est dans le but de la manifestation complète de la vérité que cette forme de communication a été retenue. Insistant sur le caractère grave et affligeant des faits, il déplore le comportement déviant des personnes épinglées qui auront siphonné de si fortes sommes d’argent des caisses publiques, et exhorte le public à faire bloc derrière le gouvernement pour barrer la voie aux fossoyeurs de l’économie nationale. D’ores et déjà, informe-t-il, les ministres et le Secrétaire général du gouvernement ont été instruits pour la révocation pure et simple des personnes concernées, la saisine des tribunaux en vue de sanctions pénales à leur infliger et pour obtenir le remboursement des fonds détournés. S’agissant des opérateurs économiques impliqués, il s’agira de leur faire subir toutes sanctions administratives et pénales, ainsi que de les amener à rembourser les sommes en cause. L’ex ministre Barthélémy Kassa, quant à lui, devra être amené à répondre des faits qui lui sont reprochés devant la Haute cour de Justice. En plus de tout ceci, le chef de l’Etat joue convenablement sa partition, assure son conseiller technique, exhortant les autres institutions de la République à apporter leur contribution à cette œuvre de salubrité publique.
Par ailleurs, reprenant la parole, Michel Dognon met l’accent sur l’étendue des dégâts causés par les deux opérateurs économiques qui, suivant le cabinet, auraient réussi à prendre plus de 8 milliards FCFA au Trésor public en 2014 seulement. Ce qui implique qu’ils ont forcément d’autres sources, dont 17 pour le seul Rémy Kodo et 19 pour le sieur Rock Niéri.

Mesures correctrices

Pour pallier les insuffisances relevées, il est d’ores et déjà envisagé d’instituer systématiquement l’avis de non objection, de renforcer les capacités et moyens d’action des auditeurs afin de favoriser la prévention et d’aider le gouvernement à freiner ces techniques de fraude décelées. De même, il est préconisé par le ministère des Finances, le gel de tout décaissement au profit du ministère en charge de l’Eau ainsi que l’institution d’une cellule technique pour vérifier l’exécution des accords et contrats. L’Inspection générale d’Etat devrait détecter ces irrégularités mais ne l’a pas fait aussi il a été décidé de renforcer les structures d’inspection et d’audit. C’est dans ce cadre, entre autres, que le Bureau de l’Auditeur général a été mis en place, pour aller notamment au-delà de l’inspection, afin d’empêcher ou, à tout le moins, de freiner la propension aux fraudes.