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Difficultés de clôture des opérations de lotissement: Des géomètres et urbanistes indélicats sanctionnés

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A la base des difficultés d’achèvement et de clôture des opérations de lotissement, depuis novembre dernier, certains géomètres et urbanistes seront sanctionnés par les différents ordres professionnels dont ils sont membres. Mais avant, le gouvernement vient de prononcer leur exclusion de tous les marchés publics.

Par   Joël C. TOKPONOU, le 08 juin 2023 à 05h08 Durée 4 min.

Si le processus de lotissement n’a pas été clôturé ou poursuivi et achevé dans certaines localités, la responsabilité incombe à certains géomètres et urbanistes. Ces derniers résistent toujours à mettre à disposition les documents qui sont à leur niveau afin que le comité mis en place puisse accomplir les diligences qui s’imposent. Face à ce tableau sombre qui ne permet pas au gouvernement de déployer certains projets qu’il a initiés, des mesures fortes sont prises contre les géomètres et urbanistes fautifs. Ils sont suspendus jusqu’à nouvel ordre de toute participation aux marchés publics d’aménagement foncier notamment les lotissements et/ou les remembrements urbains. Le Conseil des ministres de ce mercredi 7 juin a aussi instruit le ministre chargé du Cadre de vie à l’effet de solliciter, auprès des différents ordres professionnels concernés, des sanctions à l’encontre de leurs membres fautifs, pour manquement grave à leurs obligations.
En fait, tout est parti du Conseil des ministres du 24 juin 2020 qui a décidé de la suspension de la cession du patrimoine foncier des communes et la prise en charge du financement des opérations de lotissement en République du Bénin. Cette décision a induit également la suspension de la cession, par les maires, de toute parcelle du domaine privé de la commune. Dans la foulée et dans le souci de trouver une solution durable aux nombreux problèmes liés au foncier, le Conseil des ministres du mercredi 2 décembre 2020 a adopté des mesures pour l’assainissement, l’achèvement et la clôture des opérations de lotissement et de remembrement foncier urbain en cours sur l’ensemble du territoire béninois, avec des tâches confiées à un comité interministériel ad hoc. Ce comité a conduit à terme ses travaux avec des recommandations contenues dans un rapport examiné en Conseil des ministres du mercredi 22 novembre 2022.

Contenu du rapport

Les traveaux de ce comité ont confirmé les maux qui ont motivé la décision du gouvernement du mercredi 2 décembre 2020, d’autant que lesdits travaux ont permis de traiter 1 599 dossiers d’opérations foncières ayant révélé de nombreuses irrégularités aussi bien au plan technique que financier. Au total, ce sont 1 599 dossiers d’opérations de recasement qui ont été étudiés par le comité technique ayant travaillé pour l’adoption de mesures pour l’assainissement, l’achèvement et la clôture des opérations de lotissement et de remembrement foncier urbain en cours sur l’étendue du territoire national.
Selon les résultats du rapport, 11 % des opérations, soit 178 dossiers sur les 1 599 sont à clôturer, 38 % des opérations, soit 615 dossiers sont à achever et 51 % des opérations, soit 806 dossiers sont à annuler. Selon le rapport, Bassila est la seule ville où la totalité des 25 opérations amorcées sont à clôturer. A Abomey-Calavi où 191 dossiers de lotissement ont été passés en revue par le comité technique constitué d’experts du domaine et de représentants de l’administration publique, 34 sont à clôturer, 22 sont à auditer et poursuivre et deux procédures sont à arrêter et à annuler. De la même manière, dans cette commune, pour dix lotissements en cours, il faudra réviser le contrat du géomètre pour limiter l’opération à l’état des lieux ou l’annuler si le géomètre n’est pas inscrit à l’Ordre des géomètres et experts, arrêter 97 procédures et limiter les opérations à l’état des lieux, solliciter l’autorisation de lotir et achever 26 opérations en six mois. Dans des communes comme Toffo, Zè, Gogounou, Kandi, Ségbana et Banikoara, Tchaourou, Glazoué, Djougou, aucune opération de lotissement n’est à clôturer. Par contre, à Malanville, 10 opérations de lotissement sont à clôturer sur les 11 engagées. La seule restante est à arrêter et à annuler.

Retour sur les irrégularités

Selon le rapport du comité, à l’examen des dossiers, de nombreuses irrégularités avaient été relevées sur les plans technique et financier. Sur le plan technique, indiquait le rapport, beaucoup d’opérations avaient été engagées au mépris des textes en vigueur notamment le code foncier domanial et l’arrêté n°038 /Muha/Mdglaat/Merpmeder/Mctic/Dc/Sgm/Dgdu/Ddfcc/Dual/Df/Sa du 12 mai 2015. Il a été aussi relevé que des opérations ont été engagées sans une autorisation administrative préalable, et sur des périmètres comportant des zones impropres à l’habitation. De même, des opérations sont exécutées par des techniciens non qualifiés aussi bien sur les profils de géomètre que d’urbaniste. Sur le plan financier, il a été dénoncé le manque de comptabilité liée à la grande majorité des opérations et l’absence totale de visibilité sur les points financiers relatifs aux opérations.
Ces réalités viennent confirmer les soupçons du gouvernement lors du Conseil des ministres du 20 décembre 2020. « Les opérations de lotissement sont souvent exécutées pour la régularisation de l’occupation anarchique par les populations, des zones urbaines et péri-urbaines. Elles ne respectent pas les prescriptions minimales en la matière ; d’où des problèmes graves impactant le cadre de vie en milieu urbain.
En outre, il est courant que ces opérations ne sont pas conduites à leur terme et génèrent de nombreux litiges fonciers avec pour corollaire, des souffrances infligées aux populations en quête d’une sécurité foncière pour leur patrimoine immobilier», remarquait le gouvernement. Dans les détails, il était observé que le diagnostic du secteur révèle que les opérations de lotissement et la gestion des réserves administratives sont gangrenées par des insuffisances de diverses sources ainsi que des pratiques peu orthodoxes. Au nombre de celles-ci, figurent l’intervention de techniciens non qualifiés, l’étalement non justifié et anarchique des opérations, le défaut et/ou l’insuffisance de provision budgétaire pour faire face aux honoraires des prestataires, le manque de transparence dans la gestion des frais de lotissement, les interférences de groupes d’intérêts et comités de lotissement, la complaisance, voire la complicité des acteurs, l’affairisme dû à la vente illégale de parcelles et le morcellement puis le bradage des réserves administratives ■