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Escroquerie par voie électronique: Les cybercriminels face à la rigueur du Code du numérique (La nomenclature des peines encourues)

Droits et Devoirs

Le phénomène de la cybercriminalité a pris une ampleur vertigineuse ces dernières années. Les victimes se comptent par milliers. Les autorités béninoises ont renforcé la répression contre un mal que l’on tente de justifier par tous les moyens, faisant appliquer la loi de façon stricte. Le code du numérique prévoit des peines extensibles et exemplaires. 

Par   Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 28 avr. 2023 à 09h12 Durée 4 min.

De lourdes peines pour les cybercriminels au Bénin. C’est un constat qui suscite divers commentaires. D’aucuns y trouvent un abus. Mais c’est en application du code du numérique qui prévoit des peines qui s’appliquent, selon les circonstances, aux auteurs et complices. Dura lex, sed lex ! De quoi se rendent coupables en effet les cybercriminels ?
L’infraction commise dans le cas de la cybercriminalité est généralement qualifiée d’escroquerie par voie électronique. Les cybercriminels ont habituellement pour modus operandi, la duperie. Dans ses préliminaires consacrés aux définitions, le code du numérique définit l’escroquerie comme « le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation à décharge ». Mais c’est le titre X du code du numérique intitulé « Les infractions de droit commun commises en ligne » qui renseigne davantage sur l’escroquerie par voie électronique. L’article 566 présente l’infraction et pose les fondamentaux de la répression. Il en ressort ce qui suit : « Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses quelconques, se fait remettre ou délivrer des biens et valeurs par le biais d’un système informatique ou d’un réseau de communication électronique et a par un de ces moyens, escroqué tout ou partie de la fortune d’autrui est puni d’un emprisonnement de deux (02) ans à sept (07) ans et d’une amende égale au quintuple de la valeur mise en cause sans qu’elle soit inférieure à un million (1 000 000)
de francs Cfa ». De la même façon, « Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader de l’existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou de tout autre événement chimérique, ou pour abuser autrement de la confiance ou de la crédulité se sera fait remettre ou délivrer des données informatiques, et a par un de ces moyens escroqué tout ou partie de la fortune d’autrui, est puni d’un emprisonnement de deux (02) ans à sept (07) ans et d’une amende égale au quintuple de la valeur mise en cause sans qu’elle soit inférieure à un million (1 000 000) de francs Cfa ». Au regard de la peine fixée, 2 à 7 ans de prison, l’on est alors tenté de se demander pourquoi les peines des cybercriminels vont au-delà de 10 ans avec de fortes amendes dans le cadre des arrêts de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Le cas récent le plus frappant c’est celui du jeune homme de la trentaine, condamné pour cybercriminalité et blanchiment de capitaux, le lundi 27 mars dernier par la Criet, à 20 ans de prison et à une amende de plus de 300 millions de francs Cfa. Cette peine n’est pas aléatoire quand on sait que l’auteur a causé un préjudice de plus de 100 millions et le code du numérique prévoit une amende égale au quintuple de la valeur mise en cause. C’est donc dire que rien que par application stricte, l’amende dans le cas d’espèce pourrait atteindre 500 millions. Mais en outre l’auteur est coupable d’autres infractions qui ont présidé au cumul de peines privatives de liberté. En matière d’escroquerie par voie électronique, il existe des circonstances aggravantes qui suffisent à étendre la peine.

Des circonstances aggravantes

Les alinéas de l’article 566 du code du numérique en vigueur au Bénin énoncent les circonstances qui peuvent emporter l’aggravation des peines sus-mentionnées. Le législateur dispose : « Les peines d’emprisonnement sont portées de dix (10) ans à vingt (20) ans et l’amende au quintuple de la valeur mise en cause sans qu’elle soit inférieure à vingt-cinq millions (25 000 000) de francs Cfa lorsque l’escroquerie est réalisée : par un dépositaire de l’autorité publique ou un chargé de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions ; par une personne qui prend indûment la qualité de dépositaire de l’autorité publique ou chargé de service public ; par une personne ayant fait appel au public en vue de l’émission d’actions, obligations, bons, parts ou titres quelconques soit d’une société, soit d’une entreprise commerciale ou industrielle ; au préjudice d’une personne dont la situation de vulnérabilité en raison de l’âge, d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale était apparente ou connue de l’auteur des faits ». L’aggravation de peines est donc appliquée pour les personnes impliquées dans la cybercriminalité et qui sont des officiers ou agents de l’Etat, ou qui se prennent comme tels, ou qui se permettent de spolier des personnes vulnérables. Faut-il le rappeler, auteurs, complices et tentatives sont punis de la même peine. Les coupables de ces infractions peuvent aussi se voir prescrire une interdiction, à titre de peine complémentaire, par les tribunaux compétents. Par ailleurs, l’article 567 du code du numérique prévoit des peines pour les infractions voisines de l’escroquerie. Ainsi, est puni de trois millions (3 000 000)
de francs Cfa d’amende, le fait de vendre, d’offrir à la vente ou d’exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession au moyen d’un ou sur un réseau de communication électronique ou un système informatique, des titres d’accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur, ou du propriétaire des droits d’exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle. Sont indexés ici ceux qui cherchent à faire du profit dans le dos des initiateurs ou créateurs d’événements en organisant un commerce en ligne des titres d’accès (cartes, billets…) aux événements sans l’autorisation du producteur.

1 074 personnes déjà condamnées

La traque contre les cybercriminels au Bénin donne à voir des chiffres spectaculaires aussi bien en ce qui concerne le nombre de personnes interpelées et condamnées, que le préjudice financier qui en découle. Lors d’une émission spéciale sur le bilan de la lutte contre la cybercriminalité, le procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) et le commissaire de l’Office central de répression de la cybercriminalité (Ocrc) ont partagé avec l’opinion les données officielles. Il ressort du bilan de ces trois dernières années que 1188 personnes ont été placées dans les liens de la détention pour les faits de cybercriminalité avec un préjudice financier évalué à plus de deux milliards de fonds extorqués. Parmi les mis en cause, 1074 personnes ont déjà été condamnées. Mario Mètonou, procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) détaille : « Au cours de l’année judiciaire 2020-2021, nous avons eu 360 condamnations pour des questions de cybercriminalité. L’année judiciaire 2021-2022, nous en avons eu 451 et […] au cours de cette année judiciaire 2022-2023, qui est encore en cours, nous sommes à 263 condamnés ». Et le nombre de condamnés pourrait évoluer les jours à venir puisqu’il y a eu de nouvelles arrestations cette année. Faisant le bilan des interpellations, le commissaire de l’Office central de répression de la cybercriminalité (Ocrc) a annoncé l’arrestation de 251 personnes en octobre 2022, 36 personnes en janvier 2023, 108 en février 2023, 133 en mars 2023, et 132 cybercriminels début avril 2023. Le commissaire Donatien Sokou indique qu’en 2021, l’Office central de répression de la cybercriminalité a reçu 2 831
plaintes pour un préjudice évalué à 1 milliard 546 millions 436 mille 228 de francs Cfa. En 2022, l’Ocrc a enregistré 2188 plaintes liées à la cyber-escroquerie pour un préjudice estimé à 663 millions 544 mille 225 F.
« De janvier à 21 avril 2023, nous sommes à 495 millions 456 mille 27 F », ajoute Donatien Sokou. Cette année, les chiffres grimpent à une vitesse exponentielle.
Créé en 2013 pour lutter contre la cybercriminalité au Bénin, l’Ocrc, une unité spécialisée de la Police républicaine, fait preuve d’une performance remarquable ces dernières années. Mais l’efficacité de la lutte contre les cybercriminels est le résultat d’un équipement performant d’une part et d’une coopération renforcée entre plusieurs structures notamment la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) ; l’Office central de répression de la cybercriminalité (Ocrc) ; l’Agence des systèmes d’information et du numérique (Asin), d’autre part. Cette agence travaille en collaboration avec l’Ocrc pour identifier et interpeller les auteurs de cyber-escroquerie suite aux plaintes des victimes.