La Nation Bénin...
Alors
que la pratique du conte oral semble s'effacer, même dans les villages
autrefois gardiens de cette tradition, les nouvelles technologies offrent de
nombreuses voies pour la préservation, la promotion et la diffusion du conte
oral.
Les
plateformes numériques interagissent pour éveiller l'intérêt du public pour le
conte. Toutefois, l'on se demande si cette adaptation peut se faire sans influencer
l'authenticité du conte oral. Présent dans toutes les cultures du monde, le
conte oral est une forme de narration qui tire ses origines des anciennes
traditions des différents peuples, à une époque où l'écriture n'était pas
encore développée. Ainsi, les communautés se réunissaient chaque soir autour
d'un feu pour écouter les récits d'un conteur communément appelé griot dans
certaines cultures africaines. Peu importe son contenu qui peut être mythique,
héroïque ou merveilleux, le conte oral joue un rôle crucial dans la
transmission des savoirs et des valeurs culturelles, éducatives et religieuses.
Chez les griots, cela se présente comme un travail de mémoire et
d'improvisation au service du bel art, sans support écrit. A travers sa
narration, le conteur aborde le bien et le mal, la justice, la ruse, le
courage, l'amour, la vengeance, l'avarice, l'ethnocentrisme et bien d'autres
thèmes pour donner des leçons de morale. Il peut parfois modifier des détails
selon les attentes de son public. Dans cette logique, le professeur Romain
Hounzandji, metteur en scène, affirme que deux enjeux sont à considérer quand
on parle de Conte oral.
« Un enjeu du point de vue de ce que ce conte transporte comme valeurs patrimoniales, comme valeurs éducatives et autres et un enjeu de l'art lui-même, l'art du conte oral, qui doit être transmis », a-t-il détaillé. Pour ce faire, l'artiste prête vie, parole et action à des personnages imaginaires nécessaires au bon déroulement de son histoire. L'un des avantages dont bénéficie le conte oral est sa capacité à s'adapter aux exigences de chaque génération. Cependant, les réalités de la modernité et l'affluence des nouvelles technologies ont fait perdre une audience considérable au conte oral ; une audience qui, désormais, paraît absorbée par d'autres contenus publiés sur les plateformes numériques. Parlant de plateformes numériques, les plus abondées à cette ère sont : Facebook, YouTube, Tiktok et les podcasts. Ces différents réseaux sociaux occupent aujourd'hui une place très importante dans le quotidien des différentes communautés.
Restrictions
Autrefois
transmis d'une génération à une autre, le conte oral, même n'étant pas
moribond, pourrait perdre tout ce qu'il lui reste comme audience. Si l'ère du
multimédia est une opportunité pour le conte oral, c'est parce que les
multimédias, toutes catégories confondues, constituent un atout précieux pour
l'épanouissement de ce genre de la littérature orale. Ils assurent la
préservation, la promotion et la diffusion du conte oral. En effet, le
numérique favorise la conservation des contes à travers leur enregistrement et
leur archivage sous forme d'audio ou de vidéo. De cette manière, les
générations à venir bénéficieront d'une bibliothèque numérique riche en contes
oraux, une véritable source de la version authentique des faits. Également, les
plateformes numériques donnent une grande visibilité aux différentes activités
qui y sont publiées. Il ne s'agit plus là d'une communauté restreinte mais d'un
public mondial intéressé par les valeurs culturelles africaines. Ainsi, depuis
leurs pays respectifs, les amateurs de la culture africaine parviennent à en
apprendre davantage sur la littérature orale de ce continent. En plus, la
possibilité de traduire automatiquement les contenus d'une langue à une autre
reste un facteur très important dans la transmission des messages véhiculés par
chaque contenu mis en ligne. En parlant des opportunités du numérique pour le
conte oral lors d'une soirée scientifique et culturelle, Fernand Nouwligbeto, metteur
en scène et chef du département des lettres modernes de l'Université
d'Abomey-Calavi, a évoqué le film "Kirikou et la Sorcière", un
exemple de conte africain tiré d'un recueil de contes écrit par l'écrivain
nigérien Boubou Hama et développé par Michel Ocelot. Ce film inspiré d'un conte
africain a fait le tour du monde, marqué de nombreux esprits et a, de la même
manière, provoqué d'énormes retombées économiques.
Le conte oral peut être imaginé par les hommes eux-mêmes afin d'expliquer certains phénomènes de la nature. A cet effet, Adam Idrissou, artiste conteur et médiateur culturel, souligne lors d'une intervention sur le sujet qu'il s'agit d'un travail qui nécessite de l'expérience et de la passion. « Il faut qu'on soit d'abord artiste avant de se lancer dans l'écriture du conte ; participer à des ateliers de conte pour avoir quand même la base en adaptation aux réalités d'aujourd'hui », fait-il savoir. Cela est si logique qu'on ne peut s'empêcher de soutenir qu'imaginer et écrire un conte qui sera oralement exécuté, exige une bonne connaissance de la littérature et une grande curiosité. Cela reste une preuve de ce que l'on peut développer sur une centaine de pages un simple conte d'une page, tout en l'adaptant aux nouvelles exigences de son époque. En dépit de ces avantages qu'offrent les nouvelles technologies, il urge de s'intéresser à l'impact du numérique sur le caractère authentique du conte oral.
L'urgence d'un synopsis
Il serait difficile de le nier. Les plateformes numériques, malgré les nombreux avantages qu'on leur reconnaît, sont en grande partie envahies par des contenus plutôt distractifs et peu éducatifs. Il y a certes de ces vidéos instructives mais il faut y noter le faible engouement du citoyen du net. A cet effet, la question de l'adaptation du conte oral aux nouvelles technologies reste posée. Jean-Louis Mahouto Kedagni, conteur, artiste comédien, humoriste et directeur du Festival scolaire et universitaire du théâtre et de chorégraphie (Festhec), affirme à ce sujet que quelles que soient les péripéties et ce qu'on dira, le conte oral existera toujours. Mais il ne pourra jamais susciter les mêmes émotions lorsqu'il est raconté sur un CD ou quelque part. Il soulève ainsi l'aspect selon lequel le conte dit en ligne ne peut avoir les mêmes effets que le récit oral d'un griot, fait autour d'un feu et devant un public curieux et admirateur. Aussi, force est de constater que les courtes vidéos sont plus suivies. La mise en ligne des contes oraux, qui devront être réduits pour s'adapter à ces principes, risque de leur faire perdre leur authenticité. Les plateformes numériques, malgré tout ce que l'on peut leur reprocher, offrent une kyrielle d'opportunités indispensables à l'essor de ce genre de la littérature orale à l'échelle planétaire. Il ne suffit donc pas de déplorer le caractère moribond du conte oral, qui d'ailleurs ne saurait disparaître, mais plutôt d'œuvrer à l'essor de cet art dit afin que tout le monde en tire plein profit. « C’est une grosse erreur d’oublier le conte. Nous devons faire en sorte que cet art revienne dans les collèges», suggère Jean-Louis Mahouto Kedagni.