La Nation Bénin...
La
bande dessinée africaine connait des jours meilleurs. Sa visibilité va
croissante et ses auteurs gagnent du terrain. Mais le débat s’ouvre péniblement
sur le neuvième art. Ses acteurs, en manque d’espace de communion, ont trouvé
récemment à Cotonou, grâce à Laboratorio arts contemporains, une aubaine non
seulement pour présenter leur travail, mais aussi pour s’ouvrir au public.
Cotonou
s’est voulue au cœur d’une série d’activités liées à la bande dessinée
africaine et francophone ces jours-ci. Plusieurs acteurs du neuvième art ont
pris quartier dans la ville à l’occasion de la deuxième édition des Rencontres
internationales de la bande dessinée sur le thème « Avatars et identités de la
bande dessinée francophone: la génération émergente ». Deux activités
retiennent particulièrement l’attention. Il s’agit de l’exposition « Bande
dessinée en Afrique: une génération émergente » et de la conférence animée par
Zineb Benjelloun et Catemouss James, deux bédéistes en pleine ascension dont le
parcours et le style de travail ont inspiré plus d’un.
Zineb est dessinatrice et scénariste de bande dessinée. La langue française est l’un de ses outils de travail et c’est son rapport avec cet outil qu’elle expose à l’occasion des débats. Elle y a développé un « rapport assez particulier, très fort même». C’est cela qui lui permet de dépasser des frontières. «Personnellement, ça me permet de faire de la bande dessinée, de raconter chez moi avec cette langue que beaucoup d’autres peuvent comprendre », soutient-elle. Et même si le français est une langue héritée de l’histoire entre le Maroc et la France, il est devenu, pour la jeune bédéiste, « un moyen de raconter des histoires, de réfléchir par le texte et le dessin sur des thématiques qui nous importent, qui nous touchent et qui, on pense, peuvent interroger d’autres personnes notamment par la langue ».
...en Afrique donne à apprécier des œuvres fascinantes
Sources
et connexions
Le
sujet « Langue » la passionne tout particulièrement, car au-delà d’un outil de
communication, la langue prend une place importante dans l’art de Zineb. « En
tant que personne, individu et en tant que société, je ne sais pas si c’est un
refuge, mais en tout cas, c’est un vrai moyen d’introspection, un moyen de
faire des recherches et de partager ses recherches avec des lecteurs et
lectrices, et qui dépasse les frontières, qu’elles soient du Maroc ou au-delà
», précise-t-elle. L’avantage de la langue, ajoute la bédéiste, c’est qu’elle
permet que son travail soit lu et su au Bénin, au Sénégal, en Guadeloupe. A cet
attachement à la langue, elle ajoute l’histoire. C’est l’autre pan de son
travail. Elle y consacre du temps, s’adonne à la recherche pour rendre à
travers son œuvre, des témoignages sur elle, sa famille, son pays et bien
au-delà.
La
Malgache Catemouss James était aussi de la discussion. Cette autre bédéiste
épouse les arguments de Zineb et les appuie par l’exemple de son pays. Dans son
Madagascar natal où les personnes instruites sont peu nombreuses, partager son
art n’est pas moins un challenge et là encore, la langue devient à la fois un
outil et un challenge. Mais elle est surtout une source de contournement. La
bédéiste se réfugie bien souvent derrière son art pour contourner les interdits
et la censure, exposer les faits qui passent difficilement, confesser certaines
émotions et se lâcher comme qui dirait. La Bd pour Catemouss devient donc plus
qu’un art, mais un moyen de subsistance et même de résistance.
Cette
conférence autour de l’imaginaire linguistique dans la bande dessinée en
Afrique francophone a eu l’avantage, résume Jérôme Tossavi, de passer en revue
diverses perceptions sur ce genre à travers le temps et l’espace dans le
contexte du conte africain. Elle a aussi évoqué, énonce-t-il, les rapports à la
langue, comment les imaginaires puisés des réalités africaines nourrissent le
travail au quotidien en termes d’esthétique, de couleur, de thématique… Les
références culturelles, le répertoire traditionnel notamment les proverbes, les
devises, les chansons et autres constituent également une source dans laquelle
les bédéistes vont puiser pour nourrir leur travail.
Quid
de l’exposition ?
L’exposition
sur la Bd en Afrique présente le travail de treize auteurs africains. Depuis
une dizaine d'années, la Bd en Afrique connaît une période favorable,
bénéficiant de la baisse des coûts d'impression, d'une diffusion plus
maîtrisée, de l'émergence de micro-éditeurs locaux et d'un marché local très
dynamique. Ce constat est renforcé par la visibilité de plus en plus importante
des auteurs africains en Europe. Progressivement, des marchés se créent, des
artistes se révèlent et une industrie du neuvième art émerge doucement. En
effet, face à une situation compliquée par la quasi-disparition des éditeurs
traditionnels du paysage du neuvième art, les auteurs font de plus en plus
recours à des stratégies alternatives pour être édités. Cette exposition, en
plus de présenter l’histoire de la Bd francophone en Afrique fait un focus sur
certains de ses acteurs et pas des moindres. Elle donne à voir dans les locaux
des Ateliers Sikart à Akogbato, le neuvième art sous diverses facettes avec des
réalisations et thématiques diversifiées.