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Mobilisation autour de la bande dessinée à Cotonou: Nouveau cap pour la BD africaine et ses acteurs

Culture
La génération émergente de la Bd ... La génération émergente de la Bd ...

La bande dessinée africaine connait des jours meilleurs. Sa visibilité va croissante et ses auteurs gagnent du terrain. Mais le débat s’ouvre péniblement sur le neuvième art. Ses acteurs, en manque d’espace de communion, ont trouvé récemment à Cotonou, grâce à Laboratorio arts contemporains, une aubaine non seulement pour présenter leur travail, mais aussi pour s’ouvrir au public.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 04 avr. 2024 à 06h32 Durée 3 min.
#culture #art

Cotonou s’est voulue au cœur d’une série d’activités liées à la bande dessinée africaine et francophone ces jours-ci. Plusieurs acteurs du neuvième art ont pris quartier dans la ville à l’occasion de la deuxième édition des Rencontres internationales de la bande dessinée sur le thème « Avatars et identités de la bande dessinée francophone: la génération émergente ». Deux activités retiennent particulièrement l’attention. Il s’agit de l’exposition « Bande dessinée en Afrique: une génération émergente » et de la conférence animée par Zineb Benjelloun et Catemouss James, deux bédéistes en pleine ascension dont le parcours et le style de travail ont inspiré plus d’un.

Zineb est dessinatrice et scénariste de bande dessinée. La langue française est l’un de ses outils de travail et c’est son rapport avec cet outil qu’elle expose à l’occasion des débats. Elle y a développé un « rapport assez particulier, très fort même». C’est cela qui lui permet de dépasser des frontières. «Personnellement, ça me permet de faire de la bande dessinée, de raconter chez moi avec cette langue que beaucoup d’autres peuvent comprendre », soutient-elle. Et même si le français est une langue héritée de l’histoire entre le Maroc et la France, il est devenu, pour la jeune bédéiste, « un moyen de raconter des histoires, de réfléchir par le texte et le dessin sur des thématiques qui nous importent, qui nous touchent et qui, on pense, peuvent interroger d’autres personnes notamment par la langue ».


...en Afrique donne à apprécier des œuvres fascinantes 

Sources et connexions

 

Le sujet « Langue » la passionne tout particulièrement, car au-delà d’un outil de communication, la langue prend une place importante dans l’art de Zineb. « En tant que personne, individu et en tant que société, je ne sais pas si c’est un refuge, mais en tout cas, c’est un vrai moyen d’introspection, un moyen de faire des recherches et de partager ses recherches avec des lecteurs et lectrices, et qui dépasse les frontières, qu’elles soient du Maroc ou au-delà », précise-t-elle. L’avantage de la langue, ajoute la bédéiste, c’est qu’elle permet que son travail soit lu et su au Bénin, au Sénégal, en Guadeloupe. A cet attachement à la langue, elle ajoute l’histoire. C’est l’autre pan de son travail. Elle y consacre du temps, s’adonne à la recherche pour rendre à travers son œuvre, des témoignages sur elle, sa famille, son pays et bien au-delà.

La Malgache Catemouss James était aussi de la discussion. Cette autre bédéiste épouse les arguments de Zineb et les appuie par l’exemple de son pays. Dans son Madagascar natal où les personnes instruites sont peu nombreuses, partager son art n’est pas moins un challenge et là encore, la langue devient à la fois un outil et un challenge. Mais elle est surtout une source de contournement. La bédéiste se réfugie bien souvent derrière son art pour contourner les interdits et la censure, exposer les faits qui passent difficilement, confesser certaines émotions et se lâcher comme qui dirait. La Bd pour Catemouss devient donc plus qu’un art, mais un moyen de subsistance et même de résistance.

Cette conférence autour de l’imaginaire linguistique dans la bande dessinée en Afrique francophone a eu l’avantage, résume Jérôme Tossavi, de passer en revue diverses perceptions sur ce genre à travers le temps et l’espace dans le contexte du conte africain. Elle a aussi évoqué, énonce-t-il, les rapports à la langue, comment les imaginaires puisés des réalités africaines nourrissent le travail au quotidien en termes d’esthétique, de couleur, de thématique… Les références culturelles, le répertoire traditionnel notamment les proverbes, les devises, les chansons et autres constituent également une source dans laquelle les bédéistes vont puiser pour nourrir leur travail.

 

Quid de l’exposition ?

 

L’exposition sur la Bd en Afrique présente le travail de treize auteurs africains. Depuis une dizaine d'années, la Bd en Afrique connaît une période favorable, bénéficiant de la baisse des coûts d'impression, d'une diffusion plus maîtrisée, de l'émergence de micro-éditeurs locaux et d'un marché local très dynamique. Ce constat est renforcé par la visibilité de plus en plus importante des auteurs africains en Europe. Progressivement, des marchés se créent, des artistes se révèlent et une industrie du neuvième art émerge doucement. En effet, face à une situation compliquée par la quasi-disparition des éditeurs traditionnels du paysage du neuvième art, les auteurs font de plus en plus recours à des stratégies alternatives pour être édités. Cette exposition, en plus de présenter l’histoire de la Bd francophone en Afrique fait un focus sur certains de ses acteurs et pas des moindres. Elle donne à voir dans les locaux des Ateliers Sikart à Akogbato, le neuvième art sous diverses facettes avec des réalisations et thématiques diversifiées.