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Pleins feux sur Aurel Sylvanus Adjivon: Vano Baby : face et envers d’un artiste incompris

Culture
Par   Josué F. MEHOUENOU, le 25 août 2017 à 04h32

Sa musique est aimée. Les paroles de ses chansons sont contestées. Sa personnalité est critiquée, ses actes sont l’objet de polémique. Paradoxalement, ses concerts drainent du monde et son audience ne cesse de croître. Aurel Sylvanus Adjivon, Vano Baby de son nom d’artiste, se révèle un des chanteurs béninois les plus en vue depuis un moment. Une énigme dont la face et l’envers sont loin d’être identiques.

C’est après une série de rendez-vous manqués, réorganisés et reprogrammés que le face-à-face avec Vano (pour faire court) finit par se tenir. Un lundi matin dans une villa modeste du quartier Fidjrossè à Cotonou, l’artiste se rend disponible. La veille, un ultime rendez-vous raté à la dernière minute. « Il est fatigué, il a trop presté dernièrement. Il a dû s’endormir parce qu’il ne répond plus aux appels », finit par lâcher tard dans la soirée un membre de son staff managérial. Mais ce lundi, tout semble au point.
Et à la sonnerie du portail, c’est l’artiste lui-même qui vient ouvrir. Pantalon en sagging, cheveux mouillés, débardeur et pull sur mesure. Salutations, bref échange, puis, il s’excuse pour les rendez-vous manqués avant de nous introduire dans l’appartement modeste qui nous servirait de cadre pour la discussion. Habite-t-il en ses lieux ? Difficile à dire. Mais toujours est-il qu’il s’y sentait à son aise et suivait la chaîne de musique panafricaine Trace Tv. L’aise se fera sentir davantage quand il nous servira de l’eau. En somme, un accueil chaleureux et poli, pour le moins en contradiction avec l’image que se fait le Béninois lambda de cet artiste. Au fond, le géniteur de « Adigoué gbohoun gbohoun » (littéralement : les fesses grosses ou extravagantes) est vu comme un bad boy, un petit mal élevé qui allie vulgarité et perversité. Mais l’est-il véritablement ? Toujours est-il qu’entre Aurel Sylvanus Adjivon et l’artiste Vano Baby, c’est comme le jour et la nuit.

Un parcours qui force l’admiration

Il n’était pas si connu du grand public. Mais dans son cercle d’amis, le talent couvait. Dans son entourage, composé il y a quelques années, de jeunes de son âge, beaucoup le voyaient venir. Ces compères ne tarderont pas à lui offrir un surnom qui finira par le révéler : Azéto Gbèdé, entendez « le sorcier vivant ». Aurel Sylvanus Adjivon voit ainsi s’attribuer un surnom hors du commun. Le jeune Popo va finalement se révéler a l’occasion du festival Hip hop Mtn Bénin découverte talent 2015. Il en sort grand gagnant. Le sorcier sort de sa cabane. Cette victoire qu’il raconte, non sans émotion, n’aura été en réalité que le point de départ d’une autre aventure. Sinon, le rap et Vano, c’est une longue histoire. « J’ai connu le rap grâce à un grand frère à moi. Aujourd’hui, il est pharmacien à l’extérieur du pays et après, j’ai écouté d’autres musiques et voilà, j’ai juste compris que j’aimais ça et après, j’ai senti que j’étais fait pour ça », raconte-t-il. Ses débuts au rap remontent à plus de treize ans. Il a écrit ses premiers textes en classe de 6e. « J’ai mis pied dans un studio en 2008 pour la première fois. Et ça fait plus ou moins quatre ans que le public béninois a commencé à m’accepter. Mais, c’est véritablement en 2015 que ma carrière a fait boom ». Boom ! Sans doute. Mais avec tout ce qui va avec. Très peu d’artistes béninois ont connu la contestation dont fait l’objet le jeune rappeur.
Vano n’est pas non plus un échec scolaire. S’il est venu au rap, c’est par passion et surtout par ambition, se défend-il. Son niveau d’étude, un mythe. « En général, je n’aime pas répondre à cette question. J’aime garder le suspens. Ce qui est sûr, j’ai été à l’école jusqu’au moment où j’ai compris que je n’étais pas fait pour ça quand bien même je n’étais pas mal », nous a-t-il expliqué. En fait, poursuit-il, « je n’aime pas la routine ça me fatigue ».
Les cahiers et lui, « une vieille histoire », mais bien avant que sa carrière musicale ne décolle. « Il ne faut pas croire que c’est quand la musique a commencé à prendre pour moi que j’ai laissé tomber les études. J’ai laissé les cours bien avant pour me consacrer d’abord à la production parce qu’à la base j’ai toujours voulu être producteur et c’est dans ce domaine que je voulais me perfectionner et à force de vouloir apprendre à produire des artistes, je me suis retrouvé en train de me produire tout simplement », nuance l’artiste. « Après mon stage, j’ai compris que je ne veux pas me réveiller tous les jours tôt et aller travailler pour quelqu’un toute la semaine et pendant trente ans de ma vie. C’est ce que j’ai vite compris et après, j’ai décidé de me consacrer à ce que j’aimais faire qui est la musique et qui me rendait heureux », conclura d’un air sérieux le jeune artiste.

Un père de famille exemplaire

L’artiste dont les prestations sont adulées et dont certains comportements sont parfois osés, obscènes et très critiqués, est néanmoins un bon père de famille. Pour sa fille aujourd’hui âgée de six ans, il rêve d’être le meilleur père au monde. Il se bat et y travaille. « Je sais qu’elle m’adore. Quand je suis là, elle est super-contente. Mais, quand je ne suis pas là, elle m’appelle pour me dire qu’elle veut me voir », confesse, paternel, l’artiste. Son amour et son attachement pour les enfants, il ne les cache pas et les témoignes vertement. A sa fille, il compte offrir le meilleur. Raison pour laquelle, pour l’instant, il n’est pas prêt d’avoir un autre enfant. « J’aime beaucoup les enfants. Mais, je préfère être sûr de ce que je fais. Aujourd’hui, je n’ai pas beaucoup de temps pour elle. Et, j’ai en projet de la faire sortir du pays pour le reste du temps », nous a confié Vano. Ce choix, il le justifie par sa volonté de voir son enfant réussir et briller partout où elle passe. Si bon père il est, il n’est pas moins un bon conjoint ou tout au moins compagnon. Quand il se résout à parler de sa « chérie », c’est avec amour et passion. Aimable et amoureux, il semble l’être aussi et consacre chaque fois qu’il est au pays et pas occupé, son temps au bonheur de sa famille.

Il ne boit pas, croit en Dieu, mais ne va pas à l’église !

«Tu vas à l’église ? » A cette interrogation, la réponse de l’artiste ne se fait pas attendre. C’est non. « Toute ma famille est chrétienne sauf moi. Tout le monde a communié sauf moi. Parce que je ne veux pas perdre mon temps. Ce n’est pas pour dire que Dieu, c’est une perte de temps, non. Mais il faut croire en quelque chose d’abord. Je ne me vois pas en train de me lever tous les jours et d’aller m’asseoir quelque part. Chez moi, quand ça ne va pas, et que j’ai des problèmes, je m’adresse à quelqu’un parce que je suis venu de quelqu’un et je sais que ce quelqu’un m’écoute. C’est cela ma plus grande croyance », révèle l’artiste. Pour lui, « Dieu existe forcément. On n’est pas tombé de nulle part. Il y a forcément quelque chose de suprême. Et il faut y croire !», s’exclame-t-il.
Sa distraction préférée, c’est la télé et la PlayStation. « Il m’arrive de fumer. Je n’aime pas les sorties, les trucs bizarres. C’est le contraire chez les autres artistes. Moi, je peux être dans ma chambre et ne pas sortir pendant des jours. Ça, c’est ma vie. Rester devant un film pendant des heures. Tout le monde ne peut pas comprendre », laisse entendre l’artiste en pleine confession sur son vécu quotidien. Mais autant il ne va pas à l’église, autant il n’aime pas les boîtes de nuit. Ce n’est pas son univers, semblait-il dire. Autre révélation, Vano Baby ne boit pas. L’alcool et lui, ça ne fait pas bon ménage.

Tout sauf un vulgaire !

Il chante le sexe, adore les fesses, aime faire l’amour, parle de sexualité avec des jeunes de son âge, mais refuse de porter la casquette du vulgaire. Etonnant tout de même, quand on sait qu’il y a quelques jours, au cours d’une prestation, il a créé l’incident en se frottant sur scène contre des fesses nues d’une spectatrice surchauffée. Ce geste de l’artiste a fait l’objet de nombreux commentaires et interprétations. Lesquels semblent le laisser de marbre.
« Je fais ma musique d’abord pour mon plaisir. La musique que je fais aujourd’hui, c’est le genre de musique que j’ai toujours voulu écouter. Après, quand j’ai commencé, je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de personnes qui voulaient écouter la même chose que moi. On ne fait pas de la musique juste pour le plaisir de le faire. Mais, on le fait pour quelque chose de plus important », confie l’artiste. Pour lui, l’apologie du sexe ou du moins de la vulgarité qu’on lui impute à travers ses œuvres est une fausse question. Car lui, il s’y plaît.
Et avec lui, bien des gens. « C’est le genre de choses dont je discute la plupart du temps avec mes amis. C’est le genre de milieu que je fréquente. On parle du sexe, on parle de business. On parle de comment cela s’était passé avec ‘’la go’’ de la dernière fois. Ce ne sont pas des choses qu’on va chercher juste pour faire un clip », révèle l’artiste quelque peu exaspéré. « C’est ma personnalité même qui s’exprime », se reprend-il au bout de trente secondes de silence. « Adigoué gbohoun gbohoun a été très critiqué. Mais les mêmes qui ont critiqué le morceau ont fini par l’aimer et ne font que le chanter. Pareil pour « Man zéwé do charge » avec beaucoup de polémiques. En réalité, c’est un morceau pour les couples : un homme qui échange avec sa moitié ou avec sa compagne et qui lui dit des choses qu’on peut écrire à une chérie ou à sa chérie : « J’ai envie de te faire ci… de te faire ça… Je sais que tu aimes ci ou ça… ce soir, je vais te mettre bien », s’explique-t-il n