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Crise climatique: Les phénomènes extrêmes aggravent les disparités de revenus

Economie
L’étude révèle des différences importantes de productivité et de salaire dans l’agriculture entre  les femmes et les hommes L’étude révèle des différences importantes de productivité et de salaire dans l’agriculture entre les femmes et les hommes

Les phénomènes météorologiques extrêmes accentuent les disparités de revenus en touchant plus fortement les foyers ruraux pauvres, les femmes et les populations âgées, selon un nouveau rapport de la Fao.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 07 mars 2024 à 08h14 Durée 3 min.
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Les femmes chefs de famille dans les zones rurales subissent des préjudices financiers dus au réchauffement climatique nettement plus importants que leurs homologues hommes dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, selon un nouveau rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao, 2024). Le document réalisé par une équipe de la division de la Transformation rurale et de l'égalité des sexes (Esp) de la Fao analyse les données socioéconomiques de plus de 100 000 foyers ruraux, représentant plus de 950 millions de personnes dans 24 pays.

Il indique qu’en cas de stress thermique, les ménages dirigés par une femme accusent en moyenne une perte de revenu de 8 % de plus que ceux dirigés par un homme; elle est de 3 % de plus en cas d’inondation, d’après le document. La perte de revenu provoquée par le stress thermique (soit une surexposition à des températures élevées) s’élève à 83 dollars Us par tête et par an et et celle due aux inondations à 35 dollars, soit un total de 37 milliards de dollars et de 16 milliards de dollars par an respectivement pour l’ensemble des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, précise le rapport intitulé Unjust Climate (Le climat est injuste) et sous-titré « Mesurer les impacts du changement climatique sur les ruraux pauvres, les femmes et les jeunes ».

Les foyers ruraux classés comme pauvres subissent des pertes supérieures de 5 %, soit 17 dollars par personne, à celles de leurs voisins mieux lotis en cas de stress thermique. Les températures extrêmes se traduisent par une intensification du travail des enfants et augmentent la charge de travail non rémunéré des femmes dans les foyers pauvres. Elles accroissent le degré de dépendance des ménages pauvres à l’égard d’une agriculture sensible au climat.

Situation préoccupante

Une augmentation de 1 °C des températures moyennes se traduit par une augmentation de 53 % de la part agricole des revenus des ménages pauvres et par une baisse de 33 % de la part non agricole de leur revenu par rapport aux ménages non pauvres, selon l’étude. A long terme, cette hausse est associée à une réduction de 34 % du revenu total des ménages dirigés par une femme, par rapport à ceux des ménages dirigés par un homme.

Quant aux inondations, elles se traduisent par un recul de l’enveloppe des revenus des ménages pauvres de 4,4 % par rapport aux ménages plus aisés.

« Les différences sociales que créent la situation géographique, le niveau de ressource, le sexe et l’âge ont une forte incidence, encore mal comprise, sur la vulnérabilité des populations rurales aux effets de la crise climatique », selon Qu Dongyu, directeur général de la Fao.

En revanche, les foyers dirigés par des jeunes éprouvent moins de difficultés que les foyers de personnes plus âgées qui ont du mal à trouver un emploi hors de l’agriculture lors des périodes marquées par des extrêmes météorologiques. Ce qui rend les revenus des plus jeunes moins susceptibles de pâtir de ces événements climatiques. En moyenne, les foyers dirigés par des jeunes voient l’enveloppe de leurs revenus croître de 3 % en cas d’inondations, et de 6 % en cas de stress thermique, par rapport aux autres foyers en une année. Les jeunes foyers ruraux des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont amenés à augmenter leur part de revenu non agricole de 47 milliards de dollars Us par rapport à celle des autres ménages, dans les cas de stress thermique.

Par ailleurs, les températures extrêmes poussent les enfants à prolonger leurs heures de travail hebdomadaires de 49 minutes par rapport aux adultes dans la force de l’âge, principalement dans le secteur non agricole.

Les sécheresses et les inondations réduisent davantage les revenus des foyers pauvres, en les obligeant au bradage de têtes de bétail et à une réaffectation des dépenses nécessaires à l’exploitation agricole, toutes choses qui accentuent leur vulnérabilité au changement climatique sur le long terme.

Le rapport montre aussi que dans les Contributions déterminées au niveau national (Cdn) et les plans d’adaptation des 24 pays analysés, seulement 6 % des 4 164 actions climatiques proposées mentionnent les femmes, alors que moins de 1 % des actions s’adressent aux pauvres et 6 pour cent font référence aux agriculteurs des communautés rurales.

Mesures d’adaptation

Fort de ces constats, le rapport de la Fao suggère de répondre aux défis par des interventions ciblées visant à doter les différentes populations rurales des moyens d’engager des mesures d’adaptation au climat. Les conclusions de l’étude font ressortir l’urgence de « consacrer de plus amples ressources financières et d’accorder un soin politique particulier aux questions d’inclusion et de résilience dans les actions climatiques mondiales et nationales », estime Qu Dongyu, directeur général de la Fao.

« Nous ne pouvons pas éliminer la pauvreté et mettre fin à la faim sans aborder les impacts du changement climatique sur les moyens de subsistance des populations rurales marginalisées et les communautés », estime Maximo Torero Cullen, économiste en chef de la Fao. « La communauté mondiale doit faire davantage pour lutter contre les impacts du changement climatique sur les populations rurales et concentrer les ressources et le soutien politique sur les besoins spécifiques des populations marginalisées », ajoute-t-il.

Car, des normes et des politiques discriminantes font peser un fardeau disproportionné sur les femmes en matière de responsabilités et de soins domestiques, puis limitent leurs droits fonciers. Elles les empêchent de prendre des décisions concernant leur travail et gênent leur accès aux informations, aux financements, aux technologies et à d’autres services essentiels, fait remarquer la Fao.

Les experts appellent alors à investir dans des politiques et programmes qui s’attaquent aux vulnérabilités multidimensionnelles des habitants des campagnes face au climat, ainsi qu’aux difficultés qui leur sont propres, notamment leur jouissance limitée des ressources productives. Ils recommandent d’arrimer des programmes de protection sociale aux services de conseil rural afin d’encourager à l’adaptation et de dédommager les agriculteurs pour les préjudices subis. Il s’agit également de s’attaquer à la discrimination persistante qui empêche souvent les femmes d’exercer pleinement leur rôle dans les décisions économiques ayant une incidence sur leur vie.