La Nation Bénin...
Les phénomènes météorologiques extrêmes
accentuent les disparités de revenus en touchant plus fortement les foyers
ruraux pauvres, les femmes et les populations âgées, selon un nouveau rapport
de la Fao.
Les femmes chefs de famille dans les zones
rurales subissent des préjudices financiers dus au réchauffement climatique
nettement plus importants que leurs homologues hommes dans les pays à faible
revenu et à revenu intermédiaire, selon un nouveau rapport de l’Organisation
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao, 2024). Le document
réalisé par une équipe de la division de la Transformation rurale et de
l'égalité des sexes (Esp) de la Fao analyse les données socioéconomiques de
plus de 100 000 foyers ruraux, représentant plus de 950 millions de personnes
dans 24 pays.
Il indique qu’en cas de stress thermique, les
ménages dirigés par une femme accusent en moyenne une perte de revenu de 8 % de
plus que ceux dirigés par un homme; elle est de 3 % de plus en cas
d’inondation, d’après le document. La perte de revenu provoquée par le stress
thermique (soit une surexposition à des températures élevées) s’élève à 83
dollars Us par tête et par an et et celle due aux inondations à 35 dollars,
soit un total de 37 milliards de dollars et de 16 milliards de dollars par an
respectivement pour l’ensemble des pays à faible revenu et à revenu
intermédiaire, précise le rapport intitulé Unjust Climate (Le climat est
injuste) et sous-titré « Mesurer les impacts du changement climatique sur les
ruraux pauvres, les femmes et les jeunes ».
Les foyers ruraux classés comme pauvres
subissent des pertes supérieures de 5 %, soit 17 dollars par personne, à celles
de leurs voisins mieux lotis en cas de stress thermique. Les températures
extrêmes se traduisent par une intensification du travail des enfants et
augmentent la charge de travail non rémunéré des femmes dans les foyers
pauvres. Elles accroissent le degré de dépendance des ménages pauvres à l’égard
d’une agriculture sensible au climat.
Situation préoccupante
Une augmentation de 1 °C des températures
moyennes se traduit par une augmentation de 53 % de la part agricole des
revenus des ménages pauvres et par une baisse de 33 % de la part non agricole
de leur revenu par rapport aux ménages non pauvres, selon l’étude. A long
terme, cette hausse est associée à une réduction de 34 % du revenu total des
ménages dirigés par une femme, par rapport à ceux des ménages dirigés par un
homme.
Quant aux inondations, elles se traduisent par
un recul de l’enveloppe des revenus des ménages pauvres de 4,4 % par rapport
aux ménages plus aisés.
« Les différences sociales que créent la
situation géographique, le niveau de ressource, le sexe et l’âge ont une forte
incidence, encore mal comprise, sur la vulnérabilité des populations rurales
aux effets de la crise climatique », selon Qu Dongyu, directeur général de la
Fao.
En revanche, les foyers dirigés par des jeunes éprouvent moins de difficultés que les foyers de personnes plus âgées qui ont du mal à trouver un emploi hors de l’agriculture lors des périodes marquées par des extrêmes météorologiques. Ce qui rend les revenus des plus jeunes moins susceptibles de pâtir de ces événements climatiques. En moyenne, les foyers dirigés par des jeunes voient l’enveloppe de leurs revenus croître de 3 % en cas d’inondations, et de 6 % en cas de stress thermique, par rapport aux autres foyers en une année. Les jeunes foyers ruraux des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont amenés à augmenter leur part de revenu non agricole de 47 milliards de dollars Us par rapport à celle des autres ménages, dans les cas de stress thermique.
Par ailleurs, les températures extrêmes
poussent les enfants à prolonger leurs heures de travail hebdomadaires de 49
minutes par rapport aux adultes dans la force de l’âge, principalement dans le
secteur non agricole.
Les sécheresses et les inondations réduisent
davantage les revenus des foyers pauvres, en les obligeant au bradage de têtes
de bétail et à une réaffectation des dépenses nécessaires à l’exploitation
agricole, toutes choses qui accentuent leur vulnérabilité au changement
climatique sur le long terme.
Le rapport montre aussi que dans les
Contributions déterminées au niveau national (Cdn) et les plans d’adaptation
des 24 pays analysés, seulement 6 % des 4 164 actions climatiques proposées
mentionnent les femmes, alors que moins de 1 % des actions s’adressent aux
pauvres et 6 pour cent font référence aux agriculteurs des communautés rurales.
Mesures d’adaptation
Fort de ces constats, le rapport de la Fao
suggère de répondre aux défis par des interventions ciblées visant à doter les
différentes populations rurales des moyens d’engager des mesures d’adaptation
au climat. Les conclusions de l’étude font ressortir l’urgence de « consacrer
de plus amples ressources financières et d’accorder un soin politique
particulier aux questions d’inclusion et de résilience dans les actions
climatiques mondiales et nationales », estime Qu Dongyu, directeur général de
la Fao.
« Nous ne pouvons pas éliminer la pauvreté et
mettre fin à la faim sans aborder les impacts du changement climatique sur les
moyens de subsistance des populations rurales marginalisées et les communautés
», estime Maximo Torero Cullen, économiste en chef de la Fao. « La communauté
mondiale doit faire davantage pour lutter contre les impacts du changement
climatique sur les populations rurales et concentrer les ressources et le
soutien politique sur les besoins spécifiques des populations marginalisées »,
ajoute-t-il.
Car, des normes et des politiques
discriminantes font peser un fardeau disproportionné sur les femmes en matière
de responsabilités et de soins domestiques, puis limitent leurs droits
fonciers. Elles les empêchent de prendre des décisions concernant leur travail
et gênent leur accès aux informations, aux financements, aux technologies et à
d’autres services essentiels, fait remarquer la Fao.
Les experts appellent alors à investir dans des
politiques et programmes qui s’attaquent aux vulnérabilités
multidimensionnelles des habitants des campagnes face au climat, ainsi qu’aux
difficultés qui leur sont propres, notamment leur jouissance limitée des
ressources productives. Ils recommandent d’arrimer des programmes de protection
sociale aux services de conseil rural afin d’encourager à l’adaptation et de
dédommager les agriculteurs pour les préjudices subis. Il s’agit également de
s’attaquer à la discrimination persistante qui empêche souvent les femmes
d’exercer pleinement leur rôle dans les décisions économiques ayant une
incidence sur leur vie.