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Crise économique au Nigeria et implications de gouvernance au Bénin: Des propositions de mesures pour sauvegarder l’économie béninoise

Economie
Par   Bruno SEWADE, le 08 déc. 2016 à 07h02

La dixième soirée politique de la Fondation Friedrich Ebert a été consacrée mardi 6 décembre dernier au thème « Conjoncture économique au Nigeria et implications de gouvernance pour le Bénin ». Animée par la journaliste Djamila Idrissou Souler, le débat a permis à quatre experts invités et au public de donner leurs opinions sur le sujet avant de faire des propositions de mesures pour que le Bénin tire son épingle de la crise.

«Les relations économiques entre le Bénin et le Nigeria ne sont pas une affaire de sentiment, mais une exigence d’existence ». Cette conclusion du professeur John Igué à la dixième soirée politique de la Fondation Friedrich Ebert mardi dernier amène à réfléchir profondément sur les mesures à prendre par le Bénin pour sauver son économie vis-à-vis du Nigeria qui connaît depuis un moment une crise économique. 

Pour planter le décor du débat, mardi dernier, autour du thème « Conjoncture économique au Nigeria et implications de gouvernance pour le Bénin», le professeur John Igué, ancien ministre de l’Industrie et des Petites et Moyennes entreprises, a rappelé que c’est depuis 1990 qu’il a donné l’alerte avec son livre « Le Bénin : l’Etat entrepôt ». Ce qui n’avait intéressé personne.
La crise qui secoue le Nigeria aujourd’hui, selon John Igué, a trois raisons fondamentales. D’abord, sur le plan mondial, il estime que le pétrole est en train de connaître une chute. Le Nigeria, estime-t-il, a désorganisé sa production dans les années 1969 à 1973 avec le pétrole. La deuxième raison est liée à la crise induite par la secte Boko Haram et la situation dans le Lac Tchad et le delta du Niger. La troisième raison évoquée par l’ancien ministre de l’Industries et des PME a rapport avec les premiers signes du président Muhammadu Buhari après son arrivée au pouvoir dans sa lutte contre la corruption. Ces signes ajoutés à la dévaluation du naïra qui est la conséquence de la récession des réserves de changes ont plombé le Nigeria dans la crise actuelle. Et face à la situation, le professeur John Igué estime que l’avenir n’est pas radieux.
Dans la même logique que John Igué, l’ancien ambassadeur du Bénin près le Nigeria Mouftaou Lalèyè estime que le géant de l’Afrique de l’Ouest vit les limites de son contrôle monétaire. Pour lui, les Nigérians n’avaient pas perçu très tôt ce qui leur est arrivé aujourd’hui. Ils comptaient trop sur le pétrole en négligeant les autres secteurs d’activités créateurs de richesse.
L’ancien ambassadeur du Bénin près le Nigeria explique que le pays de Muhammadu Buhari a compris qu’il faut, avec la chute du pétrole, commencer à regarder ailleurs. D’où, les mesures qui sont en train d’être prises actuellement pour relancer un pays qui économiquement n’avait rien à envier à beaucoup de pays sur le continent.
Pour sa part, Shegun Adjadi Bakary, un économiste qui était également sur le plateau a rappelé que le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria avait prédit la chute des réserves de changes au niveau la banque centrale. C’est ainsi qu’avec le président Muhammadu Buhari, ils s’étaient entendus par dévaluer le naïra.

Des propositions

Représentant le gouvernement dans le débat, Euloge Houngbo, un expert en commerce international, coordonateur du Programme intégré, indique que les flux informels du Bénin vers le Nigeria sont évalués à environ 4,9 milliards de francs CFA alors que le Produit intérieur brut du Bénin est de 9 milliards de francs CFA. Des ressources qui échappent donc au trésor public béninois. « Nous sommes actuellement dans une nouvelle dynamique avec le gouvernement du président Patrice Talon. Malheureusement, l’Etat béninois a perdu dans cette crise beaucoup sur la réexportation vers le Nigeria », souligne Euloge Houngbo.
Pour l’expert en commerce international, le Nigeria est un pays de plus de 179 millions d’habitants ; donc un grand marché que le Bénin n’arrive pas à satisfaire. Et pourtant des produits béninois comme le maïs, le gari, l’huile rouge, les cossettes de manioc, etc. quittent le Bénin vers le Nigeria d’une manière informelle. Face à la situation, le gouvernement est en train de prendre des mesures à travers les réformes afin de permettre aux opérateurs économiques béninois de pénétrer ce marché nigérian.
« Les réformes sont trop institutionnelles. Nos gouvernants n’ont qu’à cesser de faire la politique de l’autruche », rétorque le professeur John Igué qui estime qu’il faut faire émerger les vrais acteurs qui font des affaires avec le Nigeria pour que le Bénin trouve son compte. Il propose au gouvernement béninois de choisir des secteurs stratégiques à confier de vrais opérateurs économiques qu’il faut aider pour commercer avec le Nigeria.
L’économiste Shegun Adjadi Bakary propose que le gouvernement confie aux opérateurs économiques qui connaissent déjà le Nigeria les négociations pour que ces derniers entament les relations économiques qui puissent vraiment profiter au Bénin. « Beaucoup de Béninois font déjà des affaires mais de façon individuelle avec le Nigeria », souligne-t-il, pour dire que l’Etat doit jouer son rôle régalien en créant les conditions favorables aux opérateurs économiques que de prendre le devant des choses.
Pour l’économiste, ce qui augmentera la croissance du Nigeria dans deux ou trois ans, ce n’est plus le pétrole, mais l’agriculture, l’automobile et d’autres secteurs. Et le pays est en train de prendre des mesures dans ce sens. C’est pourquoi il invite le gouvernement béninois à prendre les dispositions en créant les conditions nécessaires pour que le Bénin ne soit pas surpris les années à venir.
« Le Nigeria est pour nous une école. Il faut que le Bénin aille à cette école », a conclu l’ancien ambassadeur du Bénin près le Nigeria, Mouftaou Lalèyè, qui estime que le gouvernement doit s’informer auprès de ceux qui connaissent bien le Nigeria pour sauvegarder l’économie béninoise face à la crise que traverse le géant de l’Afrique de l’Ouest?