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Encadrement des prix des produits vivriers: Les mises au point du président de la Chambre nationale d’Agriculture

Economie
Imali Djetta Persident de la chambre d'Agriculture du Bénin Imali Djetta Persident de la chambre d'Agriculture du Bénin

Les prix des produits de première nécessité connaissent des variations régulières sur le marché, parfois au détriment du consommateur. A qui imputer la responsabilité ? Dans cet entretien, Imali Hermann Djetta, président de la Chambre nationale d’Agriculture du Bénin (Cnab), fait certaines mises au point en ce qui concerne le contrôle et l’encadrement des prix des produits vivriers sur le marché au Bénin.

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 21 mai 2024 à 01h21 Durée 3 min.
#Encadrement des prix des produits vivriers

La Nation : Comment se porte le secteur de l’agriculture au Bénin ?

 L’agriculture béninoise se porte bien même si nous avons encore beaucoup de choses à améliorer. Avec tous les efforts déployés ces dernières années par le gouvernement, la production et la productivité augmentent. La preuve, c’est le maïs. Nous avons produit plus de 2 000 000 de tonnes alors qu’on a besoin à peine de la moitié pour nos populations. Il faut alors trouver un débouché pour l’excédent. 

Et si les populations crient aujourd’hui à la cherté de la vie, c’est parce que la demande est forte actuellement. Cette forte demande vient des pays voisins qui n’ont pas pu produire comme nous. C’est ce qui explique cette flambée actuelle des prix des produits de première nécessité dont principalement le maïs. Mais la faute n’est pas au producteur puisque lui, il est à la quête du profit. Le producteur aussi crie lorsque les intrants et autres matières entrant dans sa production coûtent cher. Les facteurs de production surtout les intrants ont flambé depuis la crise liée à la covid-19 et par la suite la guerre russo-ukrainienne, à telle enseigne que les producteurs ne sont pas capables d’acheter les intrants aux nouveaux prix.

D’où l’importance de l’intervention de l’Etat pour subventionner les intrants, que ça soit pour les productions vivrières ou les cultures de rente, afin que le producteur puisse tirer son épingle du jeu.

On ne peut pas accuser les agriculteurs d’avoir choisi d’exporter une partie de leur production alors même que cette production est en excès. Le coût de production n’est pas une mince affaire, c’est un vrai investissement. Nous devons juste éviter de vendre à l’extérieur au-delà d’une limite donnée. Il ne faut pas qu’on soit attiré par le gain au point de vendre au-delà de la limite et nous retrouver le lendemain à courir pour acheter cher le même produit qu’on a vendu à l’extérieur.

 La recommandation des autorités invitant les producteurs à doubler leurs productions pour réduire quelque peu la cherté des produit, a-t-elle reçu un écho favorable auprès des producteurs?

 Les producteurs sont engagés dans ce sens. Lorsqu’on produit beaucoup, nous avons ce qu’il faut pour couvrir nos besoins et le reste on peut le vendre comme on le veut et se faire de l’argent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous produisons. Nous, agriculteurs, ne produisons pas uniquement pour manger mais pour vendre. En dehors de cela, le Bénin dispose aujourd’hui des industries de transformation de certains produits tels que l’anacarde, le soja, le coton. Ces usines installées à Glo-Djigbé ont une grande capacité et ont besoin d’une grande quantité de matières premières pour fonctionner. L’installation de ces usines est un grand marché pour nous les producteurs. Nous n’avons plus d’inquiétudes à nous faire en ce qui concerne nos productions et le marché d’écoulement. Nous devons produire assez pour alimenter les usines et augmenter nos revenus. Ce sont des opportunités que l’Etat donne aux producteurs de chaque filière pour mieux se prendre en charge et il faut les saisir sans hésiter.

 Les producteurs s'inscrivent-ils dans la logique du contrôle et de l’encadrement des prix par les services de l’Etat ?

 Lorsque je prends une filière comme le coton qui est bien organisée et qui est dans un régime d’interprofession, ce sont les acteurs qui s’asseyent et fixent le prix en tenant compte du champ d’exploitation de chacun et l’Etat vient arbitrer. L’interprofession cotonnière est composée de deux familles. La famille des producteurs et la famille des égreneurs. Lorsque l’Etat, en arbitrant, trouve que les producteurs demandent trop aux transformateurs du coton, il intervient pour recadrer. Et vice versa. Lorsque je prends par exemple les trois dernières campagnes cotonnières, l’Etat dans son arbitrage a trouvé que le producteur ne peut pas acheter les intrants au prix fixé par le fournisseur qui, lui aussi, estime qu’il ne peut pas vendre en dessous de ce prix. Dans ce cas, l’Etat a subventionné l’écart entre les prix voulus par chacun pour régler le problème. C’est ce qu’on appelle subvention. A titre d’exemple, l’Etat a subventionné pour près de 50 milliards la campagne cotonnière dernière. C’est le cas encore cette année avec plus de 24 milliards investis par l’Etat pour subventionner la filière. Ce n’est donc pas l’Etat qui devrait normalement fixer les prix. L’Etat le fait pour les filières qui ne sont pas bien organisées et là encore, ce sont des prix planchers. L’Etat fixe une borne inférieure sous laquelle les prix ne doivent pas descendre. C’est pour dire qu’on peut vendre à partir d’un prix donné mais il n’y a pas une borne supérieure à ne pas dépasser. Puisque les prix évoluent selon la demande. Lorsque la demande croît, le prix aussi croît. Les intermédiaires viennent souvent tromper les producteurs, leur faisant croire que l’Etat a fixé un prix donné ; alors qu’il s’agit du prix plancher. Mais depuis que les producteurs ont commencé à donner de la voix, l’Etat a décidé de laisser les acteurs fixer leur prix. C’est le cas, cette année, avec le prix du maïs et du soja. Et les conséquences ont été immédiates avec des prix anarchiques sur le marché puisque les acteurs ne sont pas encore bien organisés.

 Quel système arrange finalement le producteur que vous êtes ?

 C’est de fixer les prix entre acteurs, et l’Etat vient arbitrer comme c'est le cas dans les autres filières organisées. C’est pour cela que la Chambre nationale d’Agriculture du Bénin s’est attelée à organiser les filières phares en interprofession. D’ici la fin du mois de juillet 2024, les filières du soja et de l’anacarde seront organisées. C’est ce qu’on doit faire en amont. Lorsque cela est fait, ils vont désormais s’assoir entre acteurs et fixer leur prix et l’Etat viendra arbitrer et homologuer simplement. Après cela l’Etat peut intervenir pour subventionner la filière lorsque le prix fixé n’arrange pas le producteur.

Aujourd’hui, l’Etat est dans la vision d’amener les producteurs à avoir de meilleurs rendements. Il y a une agence créée qui s’occupe désormais des semences et les met à disposition des producteurs. Il revient aujourd’hui aux producteurs de saisir ces opportunités. Que ça soit dans la filière maïs, riz, soja, nous avons des semences à haut rendement et nous encourageons les producteurs à ne pas rester en marge de cette volonté de la Chambre, et à aller vers l’interprofession. J’invite les producteurs à être perméables aux innovations et à faire foi aux techniciens de l’Etat qui sont sur le terrain et nous accompagnent.