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Ernest Gbaguidi, président de « Bénin Santé et Survie du Consommateur »: « La production locale est de qualité »

Economie
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 07 oct. 2020 à 10h24
Accroître la production et la transformation tout en mettant l’accent sur les règles d’hygiène, constitue la clé pour favoriser l’essor des produits locaux au détriment des produits importés, selon Ernest Gbaguidi, président de l’Ong « Bénin Santé et Survie du Consommateur», une organisation de défense des droits des consommateurs au Bénin. Interview… La Nation : Comment appréciez-vous l’initiative « Octobre, Mois du Consommons local » du ministère de l’Industrie et du Commerce ? Ernest Gbaguidi : C’est à saluer. La meilleure manière de consommer un produit de qualité, c’est de consommer ce qui est produit et transformé chez soi. C’est la meilleure façon d’accompagner l’économie de son pays. La meilleure façon de créer de l’emploi, c’est accompagner les entreprises locales à rentrer dans la transformation et à faire consommer leurs produits. Qu’est-ce qui explique la tendance du consommateur béninois à se porter vers les produits étrangers ? Le consommateur béninois n’est pas suffisamment informé que le produit de chez lui est de qualité et ne coûte vraiment pas plus cher que le produit étranger qui est fait dans des conditions qu’il ignore totalement. Nous comprenons de mieux en mieux que le produit débarqué sur le territoire est parfois un produit à risque. Mais pendant longtemps, nous avions mis dans la tête du consommateur que le produit local n’est pas de qualité ; ce qui est faux. Nous n’avons pas pu donner de la valeur à nos produits. Et le produit étranger vient faire une concurrence déloyale avec le produit local, et au regard de son faible pouvoir d’achat, le consommateur se porte vers ce qui vient de l’extérieur, qui présente plus d’esthétique et dont le coût est moindre. Cela pose un problème. Il y a aussi que le produit local a un coût élevé parce que le coût de production est assez élevé. Quand on prend les structures, en termes de qualité: les organismes d’évaluation de conformité, de métrologie, de normalisation, quel est leur accompagnement ? Combien faut-il débourser pour qualifier son produit ? C’est un ensemble de choses qui viennent alourdir le coût de production et nos produits ne semblent pas très accessibles au consommateur. Que faire pour gagner le pari de la consommation locale ? Il y a lieu que l’Etat accompagne tous les acteurs pour que nous puissions gagner le pari d’accroître la production. Il faut que les structures de qualité qui doivent accompagner l’entreprise soient opérationnelles et que leur accompagnement soit à un coût abordable. Il faut subventionner à un niveau donné les produits locaux, ne serait-ce qu’enlever la taxe sur la valeur ajoutée (Tva) sur le produit local par exemple. Il faut également accompagner les transformateurs dans l’accès au crédit et aux matières premières à bon coût, tout cela pour réduire le coût de production. Ainsi, le marché sera suffisamment inondé de produits locaux. Car, c’est à ce niveau qu’on constate que le produit local n’est pas concurrentiel. Il est question de remettre dans la tête du Béninois que le produit local n’a rien à voir avec ce qui est importé, si ce n’est peut-être qu’au niveau esthétique. Il faut reconnaître que la question de présentation, d’emballage du produit local se pose aussi. Nous avons encore des formes d’emballages qui, au plan alimentaire, au plan médicamenteux, nous aident beaucoup. L’akassa qui est emballé dans des feuilles de bananier ou de teck, il y a deux valeurs ajoutées : l’essence de ces feuilles et l’arôme. Il n’est pas question qu’on change radicalement d’emballage mais d’assurer la propreté, d’insister sur l’hygiène et le traitement approprié pour garantir la santé du consommateur. Nos produits ont de véritables recettes sur le plan nutritionnel que nous ignorons. Nos recettes culinaires sont gorgées de variétés. Il revient à tous les acteurs de les promouvoir et de les rendre accessibles au consommateur béninois. En tant que responsable d’organisation de défense des droits des consommateurs au Bénin, quelle part prenez-vous dans ce challenge ? C’est notre rôle au quotidien de sensibiliser le consommateur. Nous n’avons toujours pas compris comment nos marchés sont inondés de produits qui ne sont pas toujours contrôlés. C’est le combat que nous avons mené tout le temps. Pour ce qui est produit localement, nous avons la possibilité d’aller vérifier ce qui se passe dans l’entreprise, dans l’industrie, à l’opposé de ce qui nous vient de l’extérieur et qui échappe au contrôle. Donc, la meilleure façon de sécuriser la chaîne alimentaire, c’est d’augmenter la production au niveau local et de permettre au consommateur d’aller toucher du doigt ce qu’on lui présente. La sensibilisation à ce niveau, nous sommes partie intégrante : c’est le rôle de notre organisation d’attirer l’attention du consommateur sur un choix éclairé et de dénoncer les poches de distribution des produits non conformes qui pourraient l’exposer à des nuisances sanitaires.