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Flux financiers illicites: Un boulet au pied des économies des pays de l’Afrique de l’Ouest

Economie
Par   Bruno SEWADE, le 01 mars 2018 à 08h23

Les flux financiers illicites en Afrique de l’Ouest sont considérés comme un boulet au pied des économies des pays de la sous région. C’est la substance du rapport que vient de publier l’Organisation de coopération et de développement (Ocde). Un rapport qui dresse l’état de l’économie de la sous-région ouest-africaine, les causes et impacts de cette situation, et propose des mesures pour l’élimination de ces flux financiers illicites, selon l’hebdomadaire Ecofinance.

 L’Afrique de l’Ouest est le terreau fertile des flux financiers illicites (Ffi). C’est ce que révèle le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement (Ocde). Selon ce document dont a fait cas l’hebdomadaire Ecofinance, l’Afrique de l’Ouest est non seulement la région la plus prolifique du continent en termes de mouvements de fonds illicites, mais également celle qui souffre le plus sévèrement de leurs impacts. Selon le rapport, cette situation peut s’expliquer par les inégalités sociales entre les plus pauvres et les plus riches et la prédominance du secteur informel dans la région.
En effet, les disparités sociales profondes dans la région ont entraîné une tendance chez les plus pauvres à se tourner vers le commerce informel. L’incapacité de la plupart des Etats ouest-africains à fournir une alternative légale et licite à ce phénomène a également favorisé la prolifération du commerce informel, qui est l’une des premières sources des Ffi.
Le document indique également que les flux financiers illicites sont favorisés par la structure trop extravertie du commerce international de la région. Selon les chiffres avancés, les exportations de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) vers les marchés régionaux n’occupent qu’entre 10 % et 15 % des exportations totales. Cette hyper-extraversion se traduit par le fait que la plupart des échanges internationaux des pays de la sous-région, se font hors continent africain. A cet effet, le rapport explique que la Chine (qui est devenue lors de la dernière décennie le premier exportateur vers la Cedeao) est le plus grand fournisseur de la région en produits contrefaits. Ces produits contrefaits pénètrent facilement le tissu économique sous-régional grâce à leur facilité à se dissimuler dans les flux commerciaux légitimes. Cette situation est favorisée notamment par l’incapacité des Etats à prendre des mesures idoines pour endiguer le phénomène, ainsi que la corruption existant à tous les niveaux de la hiérarchie administrative.
L’évasion fiscale, favorisée notamment par la faiblesse du système d’imposition des entreprises étrangères exerçant leurs activités dans la sous-région, (plus précisément celles spécialisées dans l’extraction des ressources naturelles) est également l’une des causes de la prolifération des flux financiers illicites.

Source des Ffi, les élections

Enfin, le faible accès de la population aux services financiers permet également l’accroissement des flux financiers illicites. Selon les études menées par le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba), seul 20 % de la population de la sous-région a accès aux services financiers. De même, une bonne partie des transferts de fonds depuis l’étranger est réalisée en passant outre le système bancaire formel.
Selon le rapport, l’une des plus grandes sources de flux financiers illicites en Afrique de l’Ouest reste les élections. Ces événements censés traduire la stabilité et la puissance de l’Etat sont pourtant des pourvoyeurs de flux financiers illicites dans la plupart des économies de la sous-région, via les « groupes d’influence ».
Le rapport indique que face à l’inexistence de règlementations étatiques par rapport aux financements des campagnes électorales, la plupart des acteurs politiques se tournent vers des « bailleurs de fonds » parmi les plus illégaux, tels que les trafiquants de drogue ou encore de grosses entreprises pouvant financer ce genre d’événement. En contrepartie, une fois élus, ces acteurs politiques ferment les yeux sur certaines activités illégales et/ou illicites de ces groupes, ou font preuve de clientélisme dans la distribution de l’accès aux ressources.
Le rapport fait également état des revenus d’origine criminelle dans la région ouest-africaine qui représenteraient 3,6 % du Produit intérieur brut (Pib) mondial. Les revenus de la criminalité organisée transnationale résultant du trafic de drogue, de contrefaçons et de personnes, ainsi que du détournement de pétrole, de la criminalité environnementale, du trafic d’armes et d’autres trafics, représentent environ 1,5 % du Pib. A ces éléments s’ajoutent les rançons versées à la suite d’enlèvement, la
cybercriminalité (12,7 milliards $ de perte pour le continent en 2013) et le trafic des migrants.
Tous les bénéfices illicites générés par ces économies criminelles quittent l’économie formelle par différents moyens, sous forme de flux financiers illicites.