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Interopérabilité des services financiers numériques dans l’Uemoa: Avancées et défis de la réforme de la finance digitale

Economie
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 11 oct. 2019 à 14h44

Le projet d’interopérabilité initié par la Bceao pour accroître l’adoption des services financiers numériques dans l’Uemoa est en bonne voie. Le point à mi-parcours de sa mise en œuvre augure d’une réforme profonde de la finance digitale au profit aussi bien des utilisateurs que des fournisseurs.

Avec 62,9 millions de comptes ouverts pour 1907,7 millions de transactions et 23 533 milliards francs Cfa en 2018, les services financiers numériques sont en pleine croissance dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Le taux d’activité reste cependant faible : 37,77 %.
L’écosystème reste diversifié avec 148 établissements de crédit dont 129 banques et 19 établissements financiers, 33 initiatives d’émission de monnaie électronique et plus de 600 Systèmes financiers décentralisés (Sfd) et environ 40 sociétés de transfert rapide d’argent. Tel est l’état des lieux présenté dans le cadre de la concertation régionale pour la mise en œuvre de l’interopérabilité des services financiers numériques dans l’Uemoa, qui s’est tenue du 30 septembre au 3 octobre au siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) à Dakar au Sénégal.
L’espace communautaire est caractérisé par la multiplication des initiatives multiformes d’interopérabilité, l’inefficience et des risques liés aux mécanismes de compensation et de règlement des transactions ainsi que le coût élevé des services financiers offerts à la population. Toutes choses qui ont amené la banque centrale à initier le Projet d’interopérabilité des services financiers numériques, en vue d’accroître progressivement l’adoption des services financiers formels par tous les citoyens des pays de l’Union.
D’un coût global estimé à 9,6 millions de dollars US, soit environ 5,47 milliards F Cfa, ce projet lancé en avril 2017 pour trois ans, s’inscrit dans la vision de la banque centrale de mettre en place une infrastructure de paiement permettant les échanges de « compte à compte » quels que soient le type de compte (bancaire, non bancaire), l’instrument, le service et les canaux utilisés, ainsi que l’intégration de tous les prestataires de services financiers, via la plateforme du Groupement interbancaire monétique de l’Union
(Gim-Uemoa). Ainsi, le projet met l’accent sur l’accès à l’infrastructure de tous les émetteurs de paiement électronique, la diversification des services, la réduction des coûts et des délais des transactions, la mutualisation des investissements et réalisation d’économies d’échelle, la maîtrise des risques liés à la compensation et au règlement des opérations et la contribution à l’inclusion financière des populations et des petites entreprises.
Pour ce faire, une démarche structurée et participative est adoptée et implique les différentes parties prenantes. La concertation régionale qui s’est tenue à Dakar, fait suite aux rencontres spécifiques qui ont permis de sensibiliser quelque 130 dirigeants d’institutions aux objectifs et enjeux du projet ; ou renforcement des capacités de 600 acteurs sur les concepts clés et les principes fondamentaux de l’interopérabilité et aux travaux des groupes thématiques qui ont eu lieu en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Mali. Des échanges avec les pays non membres des groupes thématiques se sont déroulés par la suite au Bénin, au Burkina, en Guinée-Bissau, au Niger et au Togo.

Perspectives

La rencontre de Dakar annonce l’implémentation de la solution, la communication et la mise à jour du cadre réglementaire avant le déploiement des nouveaux services pour l’interopérabilité. A l’occasion, sont présentés l’état d’avancement du projet, les différentes activités réalisées, les préoccupations issues des missions itinérantes dans l’Uemoa et surtout les résultats de l’étude réalisée sur l’évaluation de la capacité technique de la plateforme du Gim-Uemoa à prendre en charge des transactions induites par l’interopérabilité et de celle sur la maturité du marché des Sfn.
Au nombre des recommandations faites par les acteurs pour la nouvelle plateforme interopérable, il est suggéré la promotion d’un identifiant unique des populations ; la révision de la réglementation sur les comptes dormants ; l’approfondissement des échanges avec les Autorités de régulation des télécommunications ; le renforcement de la capacité opérationnelle et technique du Gim-Uemoa. Un point d’honneur devrait être également mis sur l’accélération du processus de digitalisation des paiements des administrations et des grandes entreprises, la mise en place d’un modèle économique axé sur la réduction de la circulation de la monnaie fiduciaire et la promotion des paiements numériques.
Pour atteindre les objectifs, il est envisagé la modernisation des systèmes et de l’infrastructure numérique pour les petits acteurs tels que les Sfd, l’examen des coûts d’adhésion au Gim-Uemoa, la réglementation de l’Ussd (Service supplémentaire pour données non structurées) qui permettrait d’établir une infrastructure réglementaire solide pour les Sfn.
Il est également nécessaire, selon les experts, de mettre en place des incitations économiques pour les fournisseurs ainsi que pour les utilisateurs pour favoriser l’étendue et la portée des Sfn. Les banques, établissements de monnaie électronique (Eme), Sfd et services postaux sont appelés à mettre au goût du jour leurs systèmes et interfaces, leurs normes de messagerie, leurs délais de règlement et de rapprochement en conformité avec la norme commune.
L’atteinte des objectifs fixés passe, entre autres, par la définition des délais pour chaque étape du projet, du cadre de gouvernance du projet, du cadre juridique nécessaire pour l’interopérabilité des Sfn et d’activités connexes dans les pays de l’Uemoa. Aussi, s’agit-il de définir un modèle commercial viable aux niveaux opérationnel, managérial et technique pour le bon fonctionnement de l’approche de mise en œuvre retenue ainsi que les conditions opérationnelles et techniques préalables telles que la continuité des opérations, l’évolutivité technique, la conformité aux normes requises.