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Kristalina Georgieva, directrice générale du Fmi: « Pour que l’économie mondiale prospère, l’Afrique doit prospérer »

Economie
Kristalina Georgieva se montre optimiste pour l’économie  mondiale sur les 100 prochaines années Kristalina Georgieva se montre optimiste pour l’économie mondiale sur les 100 prochaines années

La prospérité de l’économie mondiale au cours des prochaines décennies passera par celle de l’Afrique, estime Kristalina Georgieva, directrice générale du Fmi, qui insiste sur la lutte contre les inégalités pour un monde meilleur pour les générations à venir.

 

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 26 mars 2024 à 07h20 Durée 4 min.
#Kristalina Georgieva, directrice générale du Fmi

Dans les 100 prochaines années, l’économie mondiale se porterait mieux avec une croissance plus durable, plus équitable et  plus résiliente, ce qui permettra aux pays d’être mieux armés pour naviguer dans un monde davantage exposé aux chocs. C’est du moins la conviction de Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (Fmi) à travers son exposé « Les perspectives économiques pour mes petits-enfants », fait le 14 mars dernier au King’s College, Cambridge.

« Pour que l’économie mondiale prospère au XXIe siècle, l’Afrique doit prospérer», allègue-t-elle, insistant sur la nécessité de renforcer les dispositifs de protection sociale et l’autonomisation des femmes sur le plan économique, en vue de parvenir à une accumulation de capital humain plus juste. Abritant les populations les plus jeunes, le continent devrait accueillir 40 % de la population mondiale d’ici la fin du siècle, en raison de la forte croissance démographique, d’après les estimations.

Il importe de « corriger la plus grosse anomalie de ces 100 dernières années, à savoir la persistance d’importantes inégalités économiques », préconise la conférencière. Il est question de « trouver des moyens de mieux relier les abondantes ressources humaines de l’Afrique aux abondantes ressources financières des pays avancés et des principaux pays émergents», lance-t-elle.

Pour les pays africains, la clé est d’attirer les investisseurs à long terme et d’assurer la stabilité des flux commerciaux. Cela passe, indique la directrice générale, par la promotion d’une meilleure croissance avec l’amélioration du climat des affaires, l’augmentation des recettes ou encore la réduction des dépenses inefficaces. Cela dégagerait de la marge de manœuvre pour les dépenses sociales essentielles pour les pays qui composent déjà avec un budget serré et un endettement élevé, poursuit-elle.

Fondamentaux

« Si nous parvenions à combiner le bon type de soutien international avec le bon type de politiques intérieures, nous pourrions faire en sorte que l’Afrique attire des investissements, des technologies et du savoir-faire sur le long terme », estime Kristalina Georgieva qui plaide pour le renforcement du dispositif mondial de sécurité financière. Elle espère que les fondamentaux macroéconomiques et la saine stabilité financière que s’efforcent d’établir les dirigeants actuels seront protégés et améliorés. L’ouverture commerciale sera aussi cultivée en tant que moteur essentiel de la croissance, avec l’entrepreneuriat en tant que moteur essentiel de l’innovation et de l’emploi, ajoute-t-elle.

Un renforcement des capacités fiscales dans les pays à faible revenu se traduirait par une augmentation de leurs recettes annuelles pouvant atteindre

9 % du produit intérieur brut (Pib), ce qui permettrait d’aligner leur effort fiscal sur celui des pays émergents, selon une étude du Fmi. Le dispositif mondial de sécurité financière dans lequel le Fmi prend une part active, contribuerait à libérer tout le potentiel des jeunes africains. Par conséquent, cela créerait plus d’emplois en Afrique et freinerait l’émigration et augmenterait le rendement du capital, estime la Dg/Fmi. Ces ressources pourraient être utilisées dans les pays avancés, notamment pour améliorer la viabilité des systèmes de retraite. « Globalement, nous aurions une économie mondiale plus dynamique », projette-t-elle.

La conférencière tire son inspiration de l’essai de John Maynard Keynes, père de la macroéconomie moderne, intitulé Perspectives économiques pour nos petits-enfants, et fonde son optimisme sur deux scénarios possibles établis par les services du Fmi pour les prochaines décennies. Dans le premier dit « peu ambitieux », le Pib mondial est trois fois supérieur et le niveau de vie à l’échelle mondiale 2 fois supérieur aux niveaux actuels. Dans le second « très ambitieux » reposant sur les taux de croissance bien plus élevés, le Pib mondial est 13 fois supérieur et le niveau de vie 9 fois supérieur aux niveaux actuels. 

Trois domaines clés

« Notre responsabilité aujourd’hui n’est pas de leur (Ndlr : nos petits-enfants) laisser en héritage une inflation galopante, elle n’est pas d’accumuler des dettes en attendant d’eux qu’ils règlent l’addition et qu’ils surmontent les perspectives de croissance à moyen terme les plus moroses que nous avons vues depuis des décennies », laisse entendre la directrice générale du Fmi. «Notre mission, au Fmi, prône-t-elle, consiste à aider nos pays membres à entreprendre des réformes fondamentales pour améliorer la productivité, et rendre l’économie plus agile, plus durable et plus résiliente. »

Les perspectives prendront également appui sur la capacité à affecter les capitaux là où ils sont le plus nécessaires et où leur effet sera le plus bénéfique, et à coopérer, de manière à faire avancer les progrès technologiques et à en partager les bienfaits. Mme Georgieva identifie trois domaines d’investissement prioritaires à savoir le climat à travers la lutte contre le réchauffement de la planète, la prochaine révolution industrielle : les technologies dont l’Intelligence artificielle (IA) qui révolutionne les secteurs et les emplois et le capital humain à travers la santé et l’éducation.

Pour y parvenir, elle propose une coopération, tant sur le plan économique que social, qui devrait obéir à des principes de base. Ce « multilatéralisme du XXIe siècle » serait plus représentatif, avec un meilleur équilibre entre pays avancés, pays émergents et pays en développement, plus ouvert et plus à l’écoute, non seulement des voix officielles, mais aussi des voix non officielles fondées autour de l’intérêt commun et davantage axé sur les résultats, avec des objectifs plus concrets, insiste-t-elle.