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Production halieutique nationale: Sauver la pêche continentale

Economie
Par   LANATION, le 17 août 2017 à 05h55

La pêche continentale est sinistrée au Bénin. L’ensablement et la surexploitation des lacs exigent aujourd’hui une réponse politique forte pour sortir les poissons de ces eaux troubles.

Il suffit d’un tour au marché de poisson de Tokpa, embarcadère d’Abomey-Calavi pour se convaincre du drame que vivent les pêcheurs continentaux béninois. Le poisson se fait rare dans nos eaux, au point où les marchés de poisson ne sont animés que de menus fretins. En cette période de mousson, d’aucuns pourraient attribuer ce constat à l’amorce de la montée des eaux qui, habituellement freine le rythme de la pêche artisanale. Mais le mal est beaucoup plus structurel. Cela fait des décennies que les lacs sont victimes de l’ensablement. De nombreuses études ont recommandé l’urgence du dragage. Les déclarations d’intention ont marqué les discours des gouvernements successifs. Aucun acte concret n’a suivi. Que ce soit le Nokoué, l’Ahémé ou encore le Toho, ces cours d’eau étaient considérés comme de véritables trous à poissons dont les produits alimentaient les marchés de Cotonou et environs. Les crevettes pêchées dans ces eaux ont longtemps animé le commerce extérieur jusqu’à la prise de mesure auto-suspension des exportations vers l’Union européenne par l’Etat béninois en 2003. En dépit des efforts consentis grâce à l’appui des Ptf pour améliorer l’environnement de la pêche continentale, les projets structurants ont manqué à l’appel. En 2014, le Gouvernement avait commandité une étude de faisabilité de la réhabilitation du lac Ahémé et ses chenaux. Les résultats de cette étude sont rangés dans les placards.
Aujourd’hui, les eaux continentales ont épuisé leurs positions et attendent des investissements humains pour se régénérer.
Le drame du sous-secteur de la pêche continentale découle en réalité du peu d’entrain pour son développement. Alors qu’on parle du ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, il s’est toujours observé une tendance lourde qui consiste à consacrer la priorité à la production agricole, alors que le secteur halieutique constitue un maillon essentiel pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Pourtant, la pêche continentale contribue pour 75 à 80% des débarquements totaux de poissons et fait vivre plus de 300 000 personnes. Elle est demeurée, malgré tout, le parent pauvre du développement rural et ne survit que grâce à quelques projets que déploient des pays comme le Japon et le Royaume de Belgique. Dans le même temps, les documents de stratégies nationales consignent souvent que le sous-secteur de la pêche joue un rôle très important dans l’économie d’autant qu’elle procure de nombreux emplois et contribue pour 40% à la consommation nationale en protéines animales.

Exode massif

Le désespoir dans les activités de pêche continentale a contraint beaucoup de jeunes lacustres à l’exode. Bon nombre de conducteurs de taxi-moto dans les villes de Cotonou, Abomey-Calavi ou Porto-Novo viennent des Aguégués, Sô-Ava ou encore de Ganvié, obligés parfois de dormir à la belle étoile. Ceux qui restent n’ont d’autres choix que d’utiliser les engins prohibés pour ratisser les menus fretins, une surexploitation qui n’est pas sans conséquences sur l’écosystème.
Il est admis en effet que la surexploitation a non seulement des répercussions sur l’écologie, mais elle amenuise également la production halieutique, avec des effets négatifs d’ordre social et économique. Les données indiquent que les pêcheries du Sud-Bénin ont atteint un niveau de surexploitation qui fait froid aux yeux. La densité moyenne des pêcheurs au Sud -Bénin est de 117 pêcheurs/km², largement supérieur à la moyenne de 9 pêcheurs/Km² établie pour l’ensemble des milieux de type lagunaire et/ou estuariens de l’Afrique de l’Ouest et du golfe de Guinée, ainsi que des 12 à 13 pêcheurs/km² généralement admis dans ce type de milieu. La conséquence en est la forte paupérisation des villages de pêcheurs en est alors une illustration. Les divers appels de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) pour une pêche responsable ne reçoivent pas d’écho favorable dans les communautés de pêche continentale, car l’usage des engins prohibés, notamment les filets à mailles fines, répond à un instinct de survie.
La réponse à la situation tarde à venir alors que le Bénin a encore de pas de géants à faire pour garantir l’autosuffisance. Le pays reste encore dépendant de l’extérieur en matière de consommation de protéine animale. Le poulet ou le poisson congelé prend du volume dans le plat des Béninois aux dépens du poisson des eaux continentales dont le prix devient onéreux en raison de sa rareté. La pêche continentale est sinistrée et il faut des réponses fortes pour sauver les poissons de ces eaux troubles.