Responsabilité sociétale des entreprises: Entre quête du profit et principes de croissance durable
Economie
Par
Claude Urbain PLAGBETO, le 18 sept. 2020
à
08h54
Dans un contexte de mondialisation et de dérèglement climatique, la Responsabilité sociétale des entreprises (Rse) prend tout son sens. Elle requiert de l’entreprise, au-delà de la maximisation du profit, la prise en compte des préoccupations environnementales, sociales et économiques dans sa gouvernance en vue d’un développement durable et équitable.
Satisfaire les besoins actuels de développement sans compromettre les générations futures grâce à une approche consciente. Telle est la responsabilité qui incombe aux humains, aux gouvernements, aux organisations, et particulièrement aux entreprises dont les activités impactent la société et l’environnement.
L’entreprise est astreinte non seulement à assurer le plein épanouissement de son personnel et protéger les intérêts de ses clients, mais aussi faire preuve d’éthique et d’intégrité, œuvrer en faveur de l’environnement et du climat et soutenir le développement de sa communauté. Cette démarche connue sous la dénomination de Responsabilité sociale des entreprises ou Responsabilité sociétale des entreprises (Rse) implique un mode de gouvernance qui prend en compte les intérêts et contraintes de toutes les parties prenantes : partenaires, collaborateurs, clients, actionnaires et société civile.
Elle reste une orientation stratégique laissée au choix des managers et qui devra être déclinée en engagements. Conformément à la norme ISO 26000 qui définit les lignes directrices en matière de responsabilité sociétale, et suivant les recommandations des Objectifs de développement durable (Odd) adoptés par l’Organisation des Nations Unies en 2015, la mise en application de la Rse engage l’entreprise à rendre compte à ses parties prenantes des efforts et résultats en la matière à travers un rapport.
La politique Rse inclut un mode de gestion puis induit un plan d’actions visant à limiter les effets négatifs et bonifier les effets positifs des activités des sociétés sur les parties intéressées et sur le développement durable. Ainsi, tout en axant sa gouvernance sur les bases d’une croissance soutenue et équitable, l’entreprise s’oblige librement à prendre en compte et à gérer les effets sociaux, environnementaux et économiques dans la production des biens et services de façon responsable et suivant les attentes du public.
Contraintes
Dans la mise en œuvre des projets et des activités de développement humain durable, la gestion des risques et effets environnementaux et sociaux s’avère une question non négociable. La sauvegarde de l’environnement est une exigence juridique encadrée au Bénin par plusieurs lois, indique Mensah G. Agbidinoukoun, spécialiste en sauvegarde environnementale. Il cite, entre autres, la loi-cadre sur l’environnement, la loi portant régime des forêts, faune, etc., le décret n° 2017-332 du 7 juillet 2017 portant organisation des procédures d’évaluation environnementale en République du Bénin. D’autres textes : conventions, accords et protocoles internationaux ratifiés, notamment sur les changements climatiques, la biodiversité, la désertification, l’accord de Paris, mettent également l’accent sur les mécanismes d’identification et de gestion des impacts négatifs des activités, projets et programmes sur l’environnement.
La stratégie en la matière, souligne Mensah Agbidinoukoun, consistera en une veille environnementale continue, des renforcements de capacités et des séances de sensibilisation, la diffusion adéquate des documents de sauvegarde environnementale et sociale auprès de tous acteurs impliqués dans la mise en œuvre du projet dès son démarrage. A cela s’ajoute la sélection environnementale systématique (Tri préliminaire Screening) qui se décline en l’identification participative des risques potentiels, l’analyse de ces risques, la détermination du travail environnemental nécessaire, etc.
Il s’avère nécessaire que le plan d’affaires fasse l’objet d’une évaluation environnementale préalable. De même, il faut mettre en place les outils relatifs aux mesures d’hygiène, de santé et de sécurité individuelle et collective. Entre autres, indique M. Agbidinoukoun, la sauvegarde environnementale se traduira par la réalisation du Plan de gestion environnemental simplifié (Pges), des notices environnementales, la conduite des processus de réalisation des études d’impacts pour les sous-projets assujettis, l’intégration des coûts des mesures de sauvegarde contenues dans les différents Pges. L’entreprise veillera à la mise en œuvre des Pges des sous-projets, avec un accent particulier sur la surveillance et le suivi environnemental interne, en vue de préserver le cadre de vie. A ce propos, il faut veiller à la réduction de la pollution (nuisances des déchets solides et ménagers, les eaux usées, pollution sonore, etc.), la préservation de l’énergie, la prévention des dangers résultants de l’utilisation des produits.
Normes sociales
Les questions de genre et développement et de la sauvegarde sociale sont des aspects à intégrer dans le processus de sélection et de mise en œuvre des projets et des activités, préconise Sabine T. Toungakouagou Sama, socio-anthropologue et spécialiste en développement social. Les responsables d’entreprises doivent avoir à l’esprit d’accorder une place prépondérante aux jeunes, aux femmes et aux couches vulnérables pour un développement durable.
L’idéal, c’est que l’effectif de ces derniers, aussi bien dans le personnel permanent que dans le personnel occasionnel, atteigne au moins 40 %, précise-t-elle. « Un intérêt à porter aux jeunes, parce que par rapport à l’entrepreneuriat, ils ont encore de l’énergie, ont l’initiative et la capacité d’entreprendre pendant longtemps et de conduire leurs activités jusqu’à terme ;
les personnes vulnérables parce qu’étant aussi des acteurs du développement, il faut également exploiter leurs potentialités », explique-t-elle.
Sabine Toungakouagou Sama fait aussi mention de la nécessité d’instaurer des rapports harmonieux de collaboration dans l’entreprise à travers le respect des règles de cohabitation harmonieuse avec les acteurs proches de l’unité de production. Cela permet, justifie-t-elle, d’éviter ou de gérer de manière pacifique les conflits sociaux entre le promoteur et les acteurs de son environnement immédiat.
Les normes sociétales imposent également d’accorder un traitement salarial égal aux jeunes, adultes et aux groupes vulnérables. « A travail identique, rémunération identique », insiste Mme Sama. Elle souligne que le promoteur ne peut prétexter de ce que les charges familiales pèsent plus sur l’homme ou la femme pour justifier des inégalités dans le traitement salarial.
La spécialiste en développement social recommande aussi que les investissements se déploient sur un foncier sécurisé, tout en mettant l’accent sur le non emploi d’ouvriers mineurs.
« Les enfants ne doivent pas être livrés à des tâches non adaptées à leur condition physique », rappelle Sabine T. Sama. De même, les actes de violences basées sur le genre sont à bannir dans la société en général et dans le milieu professionnel en particulier, pour préserver notamment les femmes et les filles, ajoute-t-elle.