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Valère Houssou, directeur général du Fnda: « Le secteur agricole a besoin de 2374 milliards pour 2021-2030 »

Economie
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 16 sept. 2020 à 09h03
Sept banques et quinze systèmes financiers décentralisés (Sfd) ont signé, mardi 8 septembre dernier à Cotonou, des conventions avec le Fonds national de développement agricole (Fnda) pour financer le monde agricole. A l’occasion, Valère Houssou, directeur général du Fonds a expliqué les tenants et les aboutissants de ce partenariat qui vise à booster les filières prioritaires, lesquelles nécessitent quelque 2374 milliards F Cfa pour la période 2021-2030. La Nation : Quelle est la place de l’agriculture dans l’économie béninoise ? Valère Houssou : Sept Béninois sur dix vivent de l’agriculture, parce qu’elle occupe 70 % de la population active et contribue à 34 % du Produit intérieur brut (Pib). Depuis l’avènement du gouvernement du Nouveau départ, le Bénin a opté pour la territorialisation de son agriculture. Le pays a été scindé en sept pôles de développement agricole (Pda) gérés par les Agences territoriales de développement agricole (Atda), lesquelles sont chargées de la promotion et du développement d’un certain nombre de filières prioritaires. Pour l’ensemble des sept Pda, nous avons une dizaine de filières prioritaires que sont : le coton, l’ananas, l’anacarde, le riz, le soja, le maïs, le palmier à huile. Chacune de ces filières est dotée d’un programme national de développement qui définit clairement la structuration de cette filière ainsi que les différents maillons puis les niches d’opportunités et d’investissement pour ceux qui pourraient s’intéresser à cette filière. Quel est le rôle du Fonds national de développement agricole (Fnda) dans le financement des programmes de développement des filières ? Le Fnda est l’instrument public majeur de financement du secteur agricole conçu dans le cadre du Plan stratégique de développement du secteur agricole (Psdsa 2017-2025) et consacré par décret n° 2017-304 du 21 juin 2017. Le Programme d’action du gouvernement (Pag) a positionné le Fonds comme le catalyseur de l’investissement privé dans le secteur agricole. Pour l’ensemble des filières au regard du diagnostic qui a été fait, pour la période 2021-2030, le besoin de financement est évalué à 2374 milliards F Cfa.C’est dire que la prochaine décennie est celle de l’investissement massif dans le secteur agricole. Pour les institutions financières, il y a donc une opportunité à saisir et le Fonds national de développement agricole est là pour y aider. Il apparaît ainsi comme une opportunité de croissance pour le portefeuille agricole des banques et des systèmes financiers décentralisés. Comment est structuré le Fnda ? Le Fnda est structuré autour de trois guichets. Le premier s’intéresse aux investissements agricoles sous forme de subventions. Le deuxième, c’est celui des subventions aux services non financiers : renforcement des capacités, accès aux marchés. Le troisième guichet est celui de la facilitation aux services financiers. Lors de sa séance du mercredi 29 juillet dernier, le Conseil des ministres a décidé d’un certain nombre de mesures spécifiques et incitatives au profit du secteur agricole pour atténuer les effets de la pandémie du Covid-19. De quoi s’agit-il concrètement ? Les mesures prises concernent exclusivement le Guichet 3 relatif à l’accès aux services financiers et consistent en un abondement de 100 milliards F Cfa. C’est une première dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). En ce sens que c’est pour la première fois qu’un fonds public dédié à l’agriculture va directement refinancer les banques et les Sfd qui seraient à court de ressources. Les mesures se déclinent en trois volets correspondant chacun aux trois sous-guichets du Guichet 3 du Fnda. La première mesure, c’est le refinancement des banques et des Sfd à un taux de 2 % l’an et ces institutions s’obligent à opérer une sortie au profit des bénéficiaires au taux plafond de 12 %. Bien entendu, c’est pour venir au secours des banques et Sfd qui seraient en difficulté de ressources face aux besoins de financement du secteur. La deuxième, c’est le fonds de garantie doté d’un montant de 35 milliards F Cfa qui garantit à hauteur de 50 % les prêts que les banques et les Sfd seraient amenés à faire au profit des producteurs agricoles. Et enfin la troisième mesure, c’est la bonification du taux d’intérêt par laquelle désormais les bénéficiaires vont accéder à un taux plafond de 2 % des crédits mis en place. Ce guichet est doté d’un approvisionnement de 15 milliards F Cfa. Pour ce qui est de la mesure de bonification du taux d’intérêt de 2 %, les bénéficiaires éligibles sont ceux qui vont présenter des besoins d’investissement ou des opérations d’achat d’équipements ou d’intrants agricoles pour la revente. Les montants plafonds sur lesquels les bonifications vont porter sont de 500 millions F Cfa au niveau des banques et 30 millions au niveau des Sfd. La durée maximale de bonification est de cinq ans. Là, il faut distinguer la durée de bonification du prêt. Un prêt peut avoir une durée de cinq ans, mais on peut décider de faire la bonification sur deux ans, la bonification dépendant à la fois de la nature du projet et de la décision du comité d’évaluation. Dans le partenariat, qu’est-ce qui est attendu des banques ? Ce qui est attendu des sept banques qui se sont engagées avec le Fnda, c’est le financement des petites et moyennes entreprises et industries (Pme et Pmi) agricoles. Il y a un certain nombre de dossiers que ces dernières devront monter. Le Fnda veillera à la bonne qualité du plan d’affaires, des états financiers et un encadrement assuré par les structures d’appui et d’encadrement (Sae) mises en place par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Les montants convenus avec les banques varient d’une banque à une autre en fonction de sa politique. Le montant plafond est fixé à 500 millions F Cfa pour la Pme ou Pmi qui s’adressera à la banque. Le taux maximum est de 9 % l’an. Et la durée du prêt sera de cinq ans. Il est demandé que nous soyons souples dans les calendriers de remboursement qui devront s’adapter aux calendriers agricoles et aux réalités des produits que chaque bénéficiaire apporte à la banque. Quid des 15 Sfd partenaires ? Pour les systèmes financiers décentralisés partenaires, ils se positionnent sur le financement des petits producteurs et exploitants pour des montants plafonds de 30 millions F Cfa par demandeur. Le taux plafond est de 12 % l’an et la durée maximale de remboursement est fixée à trois ans. Là aussi, les calendriers de remboursement doivent s’arrimer à la politique de chaque institution et aux calendriers et produits agricoles. Qu’apporte le Fnda alors ? Le Fnda apporte d’abord des ressources sous forme de refinancement intégral à un taux de 2 %, pour couvrir les risques de liquidité auxquels les banques et les Sfd pourraient être confrontés. Le Fonds garantit les prêts des clients à 50 %. Ensuite, nous apportons l’encadrement pour les Pme/Pmi agricoles qui vont se présenter auprès des banques via les structures d’appui et d’encadrement (Sae) et les cabinets comptables pour rassurer de la qualité de l’information financière produite par ces demandeurs de crédit. Pour les petits producteurs, nous avons l’encadrement via des cabinets d’Ong agréés par le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Maep) qui sont déjà dans ce domaine d’activité. En quoi consiste le processus d’accès des bénéficiaires ? Le processus d’instruction des dossiers implique les trois types d’acteurs à savoir les bénéficiaires, les institutions financières et le Fnda. Le bénéficiaire monte son dossier avec l’appui d’une Sae ou d’un cabinet et dépose dans une banque ou un Sfd partenaire de son choix. L’institution financière instruit le dossier, en prenant en toute liberté la décision de financement puis saisit le Fnda sur le dossier qui l’intéresse. Le Fnda qui a déjà fait un travail suffisant en amont sur le bénéficiaire met en place la garantie et conforte la banque ou le Sfd à décaisser le crédit au profit du producteur.