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Enseignement secondaire: La littérature africaine dans les lycées et collèges du Bénin

Education
Par   Collaboration extérieure, le 14 sept. 2015 à 22h34

Les très mauvais résultats enregistrés au Bénin au Brevet d’études du premier cycle et au Baccalauréat 2015 et les commentaires qu’ils ont provoqués sont encore présents dans les esprits, et constituent un sujet de préoccupation pour les institutions et les personnes qui ont pour charge de gérer le système scolaire béninois.

En attendant un débat national sur les insuffisances de ce système, des réflexions sont en cours en vue d’apporter des solutions urgentes aux problèmes posés par ces résultats catastrophiques et de tendre à pas sûrs vers l’excellence. Par cet article, je veux apporter ma modeste contribution à cette tâche de construction nationale à laquelle devraient prendre part toutes celles et tous ceux qui ont quelque compétence dans ce domaine.

Pour ce faire, je me bornerai à parler de ce que je sais: l’enseignement de la littérature africaine dans les lycées et collèges du Bénin. En tant que professeur certifié de Lettres des lycées et collèges et spécialiste de la littérature africaine, je peux m’autoriser à exprimer mon point de vue sur ce sujet important. Et je commence par rappeler que, depuis 1993, l’on enseigne et l’on apprend la littérature africaine dans les lycées et collèges de notre pays en se servant d’un manuel intitulé Littérature africaine 2è, 1ère, Terminale, inscrit au programme officiel depuis lors, manuel dont j’ai été l’initiateur et suis l’un des deux co-auteurs. Dans ce livre qui comprend huit chapitres, sont étudiés huit thèmes répartis par classe comme suit :

Classe de Seconde :
Chapitre premier : Introduction à la littérature africaine
Chapitre II: La littérature orale
Chapitre III: Les structures de la société
Chapitre IV : La famille

Classe de première :
Chapitre V : Le déracinement
Chapitre VI : L’engagement

Classe Terminale :
Chapitre VII: L’écrivain dans la société
Chapitre VIII : L’Afrique des indépendances : les mutations
Au regard des thèmes développés ces vingt-cinq dernières années dans le champ littéraire africain (l’ensemble des œuvres littéraires publiées) et étudiés dans de très nombreux travaux, le manuel Littérature africaine 2è, 1ère, Terminale est incontestablement «dépassé».
En effet, la fonction essentielle de la création littéraire est de dire la société et, donc, de mettre en évidence ses mutations au fur et à mesure qu’elles se produisent, en développant des thèmes nouveaux ou en abordant d’une nouvelle façon des thèmes connus. La critique littéraire, quant à elle, a pour rôle d’étudier ces mêmes mutations telles qu’elles s’inscrivent dans les œuvres littéraires. Comme l’histoire, la sociologie ou la psychologie, la critique littéraire est une science évolutive qui doit rendre compte des nouveautés qui apparaissent dans ce champ, tant au plan de la thématique qu’à celui de l’écriture.
Observateurs attentifs de la société africaine, soucieux d’être véritablement des témoins de leur temps, les écrivains africains, toutes nationalités confondues, s’attachent au fil des années et des décennies à traduire dans leurs œuvres – notamment dans les romans – les mutations qui interviennent dans cette société. Au nombre des mutations qu’ils décrivent et des thèmes nouveaux qu’ils développent, on peut citer :
les graves dérives et ratés de l’expérience démocratique et les différents visages du totalitarisme qui sévit dans plusieurs Etats africains, les guerres civiles et leur cortège de malheurs, le phénomène des enfants-soldats utilisés dans ces guerres, l’envahissement de la scène politique par des débats relatifs aux avantages et inconvénients de la mondialisation, l'attention grandissante qui est désormais accordée à l’environnement et à la diversité culturelle.
Ces mutations, ces thèmes plus ou moins nouveaux font l’objet de nombreux travaux universitaires inédits mais aussi de quelques publications. Il se trouve qu’aucun de ces thèmes ne figure à la table des matières de l’ouvrage Littérature africaine 2è, 1ère, Terminale dont le contenu thématique est de toute évidence en déphase avec l’actualité littéraire.
Par ailleurs, cet ouvrage qui ne fait aucune place aux femmes écrivains africaines, de plus en plus nombreuses et dont certaines (telles que la Sénégalaise Mariam Bâ) jouissent d’une immense audience internationale.
L’on ne peut plus continuer d’enseigner la littérature africaine en se servant de cet ouvrage. Le faire, ce serait choisir volontairement de dispenser un enseignement au rabais, en déphasage grave avec l’actualité littéraire (et politique), ce serait choisir de cacher cette actualité aux apprenants et même à de nombreux enseignants. Un tel choix serait contraire au principe qui veut que, dans les sciences sociales, l’on veille à dispenser aux apprenants l’enseignement le plus actuel possible.
C’est pourquoi, j’ai entrepris depuis bientôt dix ans de «réactualiser» cet ouvrage en comblant ses lacunes les plus évidentes; j’ai donc conçu et rédigé un nouveau manuel scolaire intitulé La littérature africaine en 20 thèmes et 1275 citations (Lycées et collèges). Les vingt thèmes étudiés dans ce nouveau manuel sont répartis comme suit :

Classe de Quatrième
Thème I : L’enfant dans la famille

Classe de Troisième
Thème II : L’individu et la collectivité
Thème III : Femmes et société : la question du genre
Thème IV : L’environnement
Thème V : L’Afrique entre tradition et modernité

Classe de Seconde
Thème VI : L’oralité dans l’écriture à travers les proverbes
Thème VII : La sagesse africaine à travers les proverbes-apologues : analyse de quelques formules
Thème VIII : Grandeur et faiblesses de l’être humain
Thème IX : La négritude

Classe de Première
Thème X : L’être humain dans sa nature profonde et ses aspirations
Thème XI : La patrie et la nation
Thème XII : La conception du pouvoir et de la politique
Thème XIII : Cultures et civilisations

Classe de Terminale
Thème XIV : Gestion politique et démocratie
Thème XV : Dieu, croyances et religions
Thème XVI : Le temps
Thème XVII : Le monde en noir et blanc
Thème XVIII : Science et développement
Thème XIX : Mondialisation et rencontre des cultures
Thème XX : La création littéraire et artistique.
Ce schéma de répartition est proposé à titre indicatif; il s’explique par des considérations énoncées dans le «Guide d’exploitation pédagogique». Chacun des vingt thèmes est illustré par des citations. Ce nouveau manuel est appelé à remplacer à la fois Littérature africaine : 2è, 1ère, Terminale et mon petit recueil 350 citations d’auteurs africains très utilisé au Bénin dans l’enseignement secondaire et même par le grand public.
Dans l’introduction générale (« Aux lecteurs »), il est proposé des définitions de la littérature et des principales formes d’écriture pratiquées par les écrivains africains : le roman, la nouvelle, le conte, la légende, l’épopée, le théâtre, la poésie. Les chapitres VI et VII sont consacrés au proverbe qui illustre le mieux la présence de l’oralité dans la littérature africaine. Dans le «Guide d’exploitation pédagogique», il est écrit:
« Par rapport à Littérature africaine : 2è, 1ère, Terminale, les améliorations (et les innovations) se situent à trois niveaux, au moins : ce nouveau manuel donne à lire, en effet, « l’état présent » de la littérature négro-africaine d’écriture française dont nous étudions les thèmes apparus depuis une trentaine d’années; y sont abordés des sujets d’actualité tels que la démocratie, la guerre civile et les enfants-soldats, l’environnement, la mondialisation dans ses rapports avec la diversité culturelle et les identités culturelles, etc. En outre, ce nouveau manuel prend en compte les œuvres des femmes écrivains – y compris des Anglophones telles que Buchi Emecheta et Nadine Gordimer. Il fait apparaître plus nettement la présence des éléments de l’art verbal oral dans la littérature écrite.
Les développements thématiques introductifs qui précèdent les citations forment ensemble un vrai cours de littérature africaine que l’on peut considérer comme complet à maints égards. Ils apporteront un précieux concours aux professeurs dans la conception et l’exécution de leurs diverses tâches.»
J’ai tenu à apporter ces informations à la connaissance des enseignants de français des lycées et collèges du Bénin et des institutions et personnes qui ont pour charge de gérer le système scolaire béninois, afin qu’ils puissent faire le bon choix. Mon objectif est d’apporter ma modeste contribution aux actions entreprises à divers niveaux pour tendre vers l’excellence dans l’enseignement secondaire au Bénin et dans le système éducatif béninois en général. C’est ma façon de participer à la préparation de la prochaine rentée scolaire.

Par Adrien HUANNOU (Collaboration externe)