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Alain Tossounon, journaliste spécialiste Eau et environnement : « Il faut relever le positionnement institutionnel du secteur d’hygiène et d’assainissement »

Environnement
Par   Alexis METON  A/R Atacora-Donga, le 13 déc. 2018 à 16h20
[caption id="attachment_31737" align="alignnone" width="1024"]Alain Tossounon, journaliste spécialiste Eau et environnement[/caption]

La communauté internationale a célébré la journée mondiale des Toilettes le 19 novembre dernier. Cette journée dont l’objectif est de sensibiliser le grand public sur les questions d’hygiène et d’assainissement appelle à des actions, d’après Alain Tossounon, journaliste spécialiste Eau et environnement, coordonnateur régional de West Africa Wash journalist Network. Il revient dans cet entretien sur le rôle des pouvoirs publics et de la communauté sur les questions d’hygiène et d’assainissement.

La Nation : Quel est l’état des lieux parlant des toilettes et l’assainissement de base ?

Alain Tossounon : Si l’on s’en tient à la dernière enquête démographique de santé que le ministère de la Santé a menée, 87 % des populations au Bénin ne disposent pas de toilettes adéquates. Ça veut dire qu’il y a des toilettes de fortune et autres, mais on ne considère pas cela. On sait très bien qu’en milieu rural, c’est près de 70 à 80 % qui défèquent à l’air libre dans un contexte où notre pays s’est engagé pour les Objectifs du développement durable et l’objectif 6-2 dit qu’en 2030, on doit avoir fini avec la défécation à l’air libre. Quand on fait face à une situation pareille, on doit se demander si en termes de politique publique, la question d’hygiène et d’assainissement est une priorité. On dit souvent que c’est un sous-secteur qui est un parent pauvre par rapport à l’eau potable. Aujourd’hui, je dirai que ce sous-secteur est orphelin. En ce sens qu'il n’y a pas encore eu de réforme par rapport à ce sous-secteur. Jusqu’à présent, ce sous-secteur est logé au ministère de la Santé et on s’est bien rendu compte que d’une direction de l’assainissement de base, on est passé à deux services sous le président Boni Yayi et aujourd’hui, nous sommes à un service.

Pensez-vous qu’il y a un effort à faire par les autorités ?

En termes de positionnement institutionnel, il y a un problème. Parce qu’on s’est rendu compte aussi que pour les efforts demandés à notre pays pour relever la part du budget qui doit être consacrée à l’hygiène et l’assainissement dans le budget du ministère de la Santé, les engagements n’ont pas été respectés. En dehors du positionnement institutionnel, il y a aussi les ressources qui doivent être allouées à ce sous-secteur-là. Vous suivez avec nous que dans le sous-secteur de l’eau potable, il y a des investissements, et les décideurs actuels se sont engagés à réaliser l’accès universel à l’eau potable d’ici 2021 alors que l’agenda 2030 dit que c’est en 2030. Donc, il y a beaucoup d’investissements qui sont faits pour l’accès à l’eau potable mais pas pour l’hygiène et l’assainissement de base. Or, les deux sous-secteurs vont de pair parce qu’il y a des rapports qui ont montré que si on donne de l’eau potable, si l’eau est potable à la source et qu'à la consommation au niveau des ménages, cette eau n’est pas propre, on ne va pas avoir les résultats escomptés. Nous aujourd’hui, nous disons qu’il faut relever le positionnement institutionnel de ce sous-secteur. Ensuite, il faut allouer un minimum de ressources pour permettre aux spécialistes d’aller développer les approches qui marchent. Vous avez l’Unicef qui travaille, vous avez le Fonds mondial pour l’assainissement.

Quel est l’impact de ces programmes appuyés par les partenaires ?

Il faut noter que ces différents programmes développés par ces partenaires ne couvrent pas tout le pays. Donc, si nous voulons atteindre les Objectifs du développement durable, il faut que notre gouvernement fasse un effort en termes de ressources propres mais aussi en termes de mobilisation de ressources au niveau des partenaires et autres pour que nous puissions couvrir tout le territoire et faire en sorte qu'effectivement, les populations progressivement sortent de ce cercle vicieux. Parce que même en matière de lavage de mains, trois personnes sur dix se lavent les mains. Au niveau des écoles, il y a encore de défis. Toutes les écoles ne possèdent pas encore de dispositif de lave-mains. Au niveau des marchés, même au niveau des centres de santé, les toilettes ne sont pas bien entretenues. Tout ça a de liens avec la santé, l’éducation, les femmes. Donc nous pensons que notre gouvernement doit faire un effort pour pouvoir rehausser le positionnement de ce sous-secteur. Et aussi allouer les ressources qu’il faut pour que nous puissions améliorer le rythme et s’assurer que, effectivement, d’ici 2030, on va atteindre les Objectifs du développement durable.

La communauté a-t-elle une part de responsabilité ?

Il y a un effort à faire au niveau des communautés parce que la question d’hygiène et d’assainissement de base est avant tout une question de comportement. Et c’est là où les médias ont un rôle à jouer en termes d’engagement pour contribuer à éduquer la population. Nous pensons que les populations, ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas été à l’école qu’elles sont bêtes. Mais il faut absolument les amener progressivement à travers l’information, le partage de connaissance, à travers donc la communication pour un changement de comportement. Elles doivent aussi prendre leurs responsabilités pour qu'elles puissent approprier le lavage des mains qui est un geste simple, pour que progressivement, elles-mêmes, puissent faire des économies. Au lieu de dépenser régulièrement dans les maladies, je crois qu’on peut les prévenir.