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Arnaud Wilfried Adikpéto, au sujet de la loi sur le changement climatique: « Nous sommes tous responsables de la pollution environnementale »

Environnement
Par   Alexis METON  A/R Atacora-Donga, le 03 juil. 2018 à 07h17
[caption id="attachment_29809" align="alignnone" width="1024"]Arnaud Adikpéto[/caption]

La loi n°2018-18 portant réglementation des changements climatiques en République du Bénin, votée au Parlement, le lundi 18 juin dernier, vient à point nommé pour protéger l’environnement. C’est ce que pense Arnaud Wilfried Adikpéto, chargé de programme de l’Ong Benin environment and education society (Bees-Ong). Cette loi appelle la communauté à une prise de conscience.

La Nation : Le changement climatique, on en parle souvent. De quoi retourne ce concept ?

Arnaud Adikpéto : Sans vous donner une définition académique, on entend par ce terme une perturbation, une modification de l’état moyen de l’atmosphère, mais cette perturbation est créée et causée par l’homme. Donc c’est ce qui est imputable à l’activité humaine qu’on peut appeler changement climatique. Et ça doit être enregistré sur une période de trente ans, donc si ce n’est pas enregistré de façon successive pendant trente ans, nous allons parler de perturbation et modification climatique, mais on ne pourra pas parler de changement climatique. Le changement climatique, ce n’est plus à démontrer, c’est déjà un fait. Et quel que soit là où l'on se trouve sur la planète : en Amérique, en Europe, en Asie, et principalement en Afrique, les changements climatiques sont là. Au Bénin, nous avons plusieurs raisons de faire face aux changements climatiques, parce que comme je le dis souvent, nous sommes tiraillés par trois feux. Le premier, c’est déjà la mer et la toute première conséquence des changements climatiques, c’est la fonte des glaciers. Et quand les glaciers fondent, c’est que le niveau de la mer augmente. Vous connaissez également le niveau de Cotonou par rapport à la mer. Et ce n’est pas seulement Cotonou, c’est toutes les villes qui sont au niveau de la côte, que ce soit Lagos, Cotonou, Lomé… toutes ces villes sont sous l’emprise de la mer.
L’autre problème, c’est la désertification. Vous n’êtes pas sans savoir qu’au Nord, le désert avance, notamment au Niger et ailleurs, à n’importe quel moment, ça risque d’atteindre le Bénin, donc les pays de la côte, si nous ne prenons pas des mesures urgentes. On a déjà défini la question d’extrême Nord, du Sud. Mais à l’intérieur, il y a ce qu’on appelle la désertification qui crée des petites poches à l’intérieur, et il faut agir, sinon tout le Bénin sera gagné par la mer par le Sud et par le désert par le Nord. Ainsi, nous serons engloutis un de ces jours.

Après le vote de cette loi, un moratoire de six mois est donné pour se conformer à ses dispositions. Pensez-vous que les Béninois pourront effectivement respecter cette loi, quand on sait que nos activités, pour la plupart, menacent l’environnement ?

D’abord permettez-moi d’aller vers le non, parce que tout ce qui est contenu dans cette loi existait dans l’une ou l’autre des lois qu’on a votées au Bénin. Je prends juste un exemple. Le code foncier a prévu le nombre d’arbres à avoir à l’hectare parlant des défrichements. C’est 250 pieds d’arbres à l’hectare. Même si c’est votre terrain et que vous voulez faire de l’agriculture, vous devez essayer de maintenir 250 pieds d’arbres à l’hectare, ce qui n’est pas respecté. Une nouvelle loi pour recadrer tout ça, oui et nous y sommes. Il y a la Conférence de Paris sur le climat et le changement climatique qui a relancé tous les pays. Nous sommes en train d’aller vers un réchauffement de 4° alors que la communauté internationale a voulu limiter ça à 2°. Les pays africains ont insisté pour maintenir ça à 1,5° parce que l’Afrique est déjà dans le rouge, donc il fallait agir. Il y a eu des contributions prévues et déterminées au niveau national. Nous avons revisité les recommandations de la Cop cette année et le Bénin s’est engagé à nouveau. Avant, c’était seulement des reboisements. Mais le Bénin s’est engagé à prendre des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique. Donc, c’est là l’opportunité est je peux mettre ça dans les engagements du Bénin à lutter contre les changements climatiques.
Je dois souligné que les communautés dépendent entièrement des ressources naturelles. Cette loi, en son article 98, prévoit six mois pour l’application si les contrôles de constitutionnalité sont réunis. Elle prévoit des sanctions aussi dans ses dispositions. Je reviens sur l’article 5 qui dit qu’on va renforcer les écosystèmes, ce qu’on appelle l’adaptation basée sur les écosystèmes. Nous avons des inondations, des vents violents…, ce sont des effets des changements climatiques. Et pour faire face à ça, il faut accroître la résilience des écosystèmes naturels, des infrastructures naturelles, donc les forêts, pour face à ces chocs climatiques-là. Ce n’est plus l’homme. Qu’est-ce qu’on faisait avant ? Vous le savez bien quand il y a inondation à Ouinhi, on va donner des feuilles de tôles,... Non, non, il ne sera plus question de faire ça.

De quoi sera-t-il question désormais ?

C’est désormais renforcer les forêts, renforcer tout ce qu’il y a comme écosystème naturel, que ce soit la nature qui constitue un rempart contre les effets néfastes des changements climatiques et non renforcer les moyens humains pour lutter contre les changements climatiques. L’autre chose prévue par cette loi en son article 24, ce sont les études d’impact environnemental. Nous avons des projets, et des programmes qui sont assujettis à l’étude d’impact environnemental. Et nous saluons cette démarche. Nous, Ong, nous avons beaucoup milité pour que ce soit une réalité. C’est désormais une obligation pour les mairies et autres que pour tout ce qui est programme soit soumis à l’étude d’impact environnemental. L’article 74 parle de l’émission des gaz à effet de serre… Nous voyons par exemple que Cotonou est bourré de véhicules. L’Etat veut promouvoir les transports en commun. L’Etat veut promouvoir des habitudes des véhicules neufs, et non des véhicules usagers qui polluent énormément l’atmosphère. Ce sont autant de mesures.
Maintenant, revenons à la communauté. Quand vous questionnez par exemple les populations du Lac Nokoué, elles vous diront qu’il n’y a plus de poissons dans le lac. Il n’y a plus de poissons parce qu’on a détruit la grande partie de la mangrove qui constitue une frayère pour les poissons en période de reproduction.
Plus nous avons des écosystèmes naturels, plus nous renforçons les moyens de survie de la population. A travers la loi sur les changements climatiques, nous ne devons pas voir que le changement climatique, mais aussi les écosystèmes. C’est la nature qu’on veut renforcer, donc renforcer le mode de vie social, environnemental et économique de la population.

Le renforcement de la forêt, comment cela peut-il se faire ?

Parfois, nous mettons tout sur le compte de l’Etat, alors que c’est faux. Il y a une pratique très simple pour renforcer les forêts. Parfois, vous rentrez dans des rues, et il n’y a pas du tout d’arbre. Et nous aimons pointer un doigt accusateur sur l’Etat. Il suffira juste de mettre en place une politique des Ong relative à la sensibilisation. Il y a un de nos adages qui dit que le locataire ne doit pas planter des arbres. C’est une aberration ! Supposons que devant chaque maison, il y ait un arbre et de part et d’autre dans la vons, il y ait des arbres. C’est déjà suffisant pour la ville. Maintenant quand nous allons au niveau des collectivités, on parle de forêt privée et de forêt communautaire.

Est-ce que les Ong bénéficient souvent de l’appui de l’Etat central ?

En termes de soutien, je dirai pratiquement non. Mais ce qui réjouit, c’est la collaboration. De plus en plus, l’Etat nous associe aux différents projets et programmes. Au-delà de l’appui financier, je pense que c’est déjà une avancée, nous ne pouvons qu’en féliciter le gouvernement en place. Mais nous demandons plus, comme on le dit.

Quelles sont avancées dans cette loi qui préservent l’environnement ?

Il y a la taxe carbone appelée écotaxe contenue dans la loi. Si ça va permettre à ceux qui polluent l’environnement de payer plus, alors, on soutient. Il y a ce qu’on appelle le pollueur-payeur, dont les spécialistes ont la grille de calcul. Il existe des entreprises qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre. Celles-là vont plus payer la taxe carbone, et c’est prévu dans cette loi. Dans les cahiers des charges, l’entreprise exerçant au Bénin a cette responsabilité-là. Elle dégage une partie de ses ressources pour la plantation d'arbres. C’est cela la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Normalement, ce n’est pas le rôle de l’entreprise d’aller planter des arbres au bord des voies. Elle doit aller chercher les Ong spécialisées pour l’efficacité et l’efficience de cette activité. Nous voyons même des privés faire le reboisement, mais ça devient quoi après ? C’est autant de choses et nous souhaitons que l’Etat puisse associer les Ong, pour que nos actions soient plus efficaces.

Qu’entend-on par pollueur-payeur ?

Quand nous parlons du changement climatique, il y a ce que certains appellent la responsabilité commune indifférenciée. L’environnement pollué, l’émission des gaz à effet de serre, la destruction de la couche d’ozone, tout le monde y a sa part. Mais cette part est graduelle. Certains ont une grande part, et d'autres ont une moindre part. Et une entreprise qui veut s’installer, on essaie de voir ses activités et son degré de pollution. Et c’est en fonction de ça que la société contribue à la restauration de l’écosystème. Donc vous polluez, et vous payez pour la restauration de l’écosystème que vous polluez. Parce qu'il y a des mesures d’adaptation et d’atténuation au niveau des pays africains, quand nous parlons des changements climatiques, il y a l’adaptation et il y a l’atténuation. Jusqu’à présent, la communauté internationale dit que comme c’est une question de technologie et de moyens. En Afrique, nous ne devons faire que l’adaptation pour le moment. Toutes les entreprises installées au Bénin doivent payer une taxe, compte tenu de leur degré de pollution.

Quel appel avez-vous à lancer pour la restauration de l’environnement ?

A l’endroit des populations, je crois qu’elles doivent comprendre qu’elles dépendent intimement de ce que nous appelons le capital naturel. Quand ce capital va disparaître, l’Homme va disparaître avec. Quand les fleuves seront pollués totalement, quand les forêts seront décimées totalement, quand la mer va inonder tout le pays, je pense que l’humanité va disparaître aussi. Donc, nous devons commencer par agir de façon durable et je pense que le terme du développement durable en dit long. Nous devons pouvoir utiliser des ressources pour satisfaire nos besoins actuels, tout en pensant aux besoins des générations futures.
Au niveau des entreprises, les responsabilités sont là, mais il n’y a pas de suivi et elles-mêmes sont conscientes, attendant que l’Etat fasse le gendarme derrière elles. Quand ce capital naturel va disparaître, les entreprises mêmes vont disparaître, parce que la matière première est tirée de ce capital.
A l'endroit de l’Etat, je souhaite que ce ne soit pas une loi de plus! Même la Constitution dit dans ses dispositions que chaque Béninois a droit à un environnement sain et que chacun de nous est garant d’un environnement sain. On a un arsenal juridique assez fourni. Quand vous posez un acte vous devez en subir les conséquences.