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Lutte contre les ravageurs: Drones et capteurs entrent en scène

Environnement
Par   Fulbert Adjimehossou, le 27 déc. 2022 à 16h55
En dehors de la lutte biologique et celle chimique, des technologies de pointe entrent en scène pour faciliter la détection des ravageurs. Des travaux menés à l’Université d’Abomey-Calavi sont encourageants.La chenille légionnaire d’automne est un casse-tête pour les producteurs. Dans les champs, ces derniers arrivent à la détecter, enroulée dans les feuilles qu’elle dévore avec un appétit vorace. Mais pour ceux qui ont des dizaines, voire des centaines d’hectares, les yeux et la marche dans les sillons ne suffisent plus à faire la veille. C’est là que les algorithmes et les capteurs entrent en scène, à travers l’intelligence artificielle. « En cinq minutes, on balaie votre champ avec un drone. On installe le dispositif d’analyse et très rapidement, nous pouvons vous dire à quelle position de votre exploitation, il faut appliquer des solutions pour faire face aux ravageurs » dévoile Judicaël Géraud Zannou, passionné de l’Agriculture de précision et d’Intelligence artificielle. Ce spécialiste en digitalisation agricole voit dans l’Intelligence artificielle des batteries de solutions pour le suivi des exploitations contre les ravageurs. Ce vendredi 25 novembre 2022, il présentait à un séminaire scientifique les résultats d’une étude sur la détection de zones infestées par la chenille légionnaire d’automne dans un champ de maïs à l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique. La capacité du modèle à prédire en moyenne la totalité des plants infestés sur une vue aérienne est de 86 %. « Dès qu’on a l’information, on peut conseiller le producteur sur la superficie réelle attaquée », souligne-t-il.

Premier ennemi des producteurs

En effet, apparu au Bénin en 2016, le Spodoptera frugiperda ou la chenille légionnaire d’automne a semé la peur dans plusieurs zones en Afrique, dont le Bénin. Cet insecte ravageur peut attaquer jusqu’à 100 espèces de plantes différentes avec une forte préférence pour le maïs. Il peut endommager tous les stades de développement de la plante de maïs. Lauréat en 2021 du Concours international de médiation scientifique « Ma thèse en 180 secondes », Dr Aymard Kiki connaît si bien le ravageur. Sa thèse porte d’ailleurs sur le thème : « Capteurs et réseaux intelligents de surveillance environnementale agricole : application à la chenille légionnaire d’autonome en Afrique de l’Ouest». « Ce ravageur a la capacité de combiner une grande capacité migratoire et un appétit vorace pour toutes les parties de la plante », fait-il remarquer. Des tentatives pour vaincre cette chenille, il y en eu de nombreuses ces dernières années, mais la menace est toujours là. « Force est de constater que malgré tout ce travail, la chenille cause toujours des dégâts. Elle arrive à développer des résistances face aux pesticides et aux organismes génétiquement modifiés, alors que ces alternatives créent des problèmes à la santé et à l’environnement », déplore Dr Probus Aymard Kiki.

Détecter et éradiquer

L’urgence est de proposer aux producteurs des solutions écologiques et efficaces. L’Intelligence artificielle permet de constater avec précision les dégâts et de prendre au plus tôt, les dispositions nécessaires pour limiter les pertes. Selon Dr Probus Aymard Kiki, la prédiction est aussi possible. « Si on a la possibilité de prédire les attaques, on peut déclencher de façon ciblée des méthodes de lutte contre ces ravageurs, faisant ainsi de l’agriculture de précision », fait-il remarquer. Ce scientifique, cofondateur de Machine Intelligence For You (Mify) propose donc des solutions digitales adaptées au cycle de reproduction de la chenille. La détection précoce pourra se faire fort probablement « avant l’arrivée de la chenille légionnaire adulte dans les champs ». Dès l’arrivée de la chenille légionnaire adulte dans les champs, la détection précoce pourra se faire également. « S’il y a des failles, on peut tout au moins détecter la présence des œufs et anticiper sur les attaques. Là, nous sommes toujours dans la détection précoce, puisque les chenilles qui sont les ravageurs ne sont pas encore là », dévoile Dr Probus Aymard Kiki.

Des nez électroniques

Pour ces niveaux de détection, ce passionné d’informatique industrielle a pensé à détecter une odeur émise par la chenille légionnaire d’automne. C’est-à-dire la 9-tetradecenyl acétate. Pour y arriver, des nez électroniques ont été mis en place. Le dispositif associe une série de capteurs chimiques à un système automatisé de reconnaissance permettant l’analyse d’un échantillon d’odeur et l’interprétation des réponses des capteurs. « C’est tout comme fonctionne le nez humain qui est composé de terminaisons qui réagissent par rapport à certaines odeurs pour envoyer des influx nerveux vers le cerveau. Le cerveau interprète à son tour », explique le chercheur. Des tests ont été faits au laboratoire pour pouvoir identifier la signature de la chenille Légionnaire d’automne. Au bout du processus, les résultats sont édifiants. « Nous avons obtenu des performances à hauteur de 98 % de sensibilités et de 97 % de précision pour la détection de la chenille légionnaire d’automne», dit-il sur un air rassurant. C’est une aubaine pour détecter également d’autres ravageurs.

Du labo aux fermes

De nombreux travaux sont en cours à l’Uac pour exploiter les possibilités qu’offre l’Intelligence artificielle dans la lutte contre les ravageurs. Au Laboratoire de Biomathématique et d’Estimations Forestières (Labef), Luc Zinzinhèdo développe une artillerie contre la mosaïque du manioc. « Nous allons nous baser sur l’exemple de la mosaïque du manioc pour fournir aux décideurs une approche combinée de modèle permettant la prise en compte des agents pathogènes dans la prédiction des rendements », souffle-t-il. Dans le même laboratoire, Mireille Odounfa s’appuie sur l’utilisation du Deep Learning pour la détection précoce des maladies du piment sous contraintes d’échantillon limité d'images, des variations climatiques et des ravageurs. « La détection en temps réel des maladies est une solution pour limiter les pertes de récolte et améliorer le revenu des producteurs. Les récentes avancées en vision par ordinateur, en robotique et en intelligence artificielle permettront d’imaginer de nouvelles solutions pour détecter les maladies des plantes», fait-elle savoir. La révolution de l’Ia dans les champs est donc possible au Bénin. Mais pour le moment, sur le terrain, les drones prennent progressivement le contrôle en attendant des solutions totalement automatisées. Membre du Réseau des professionnels africains de la géomatique, Evrard Akpla a déjà formé 1400 étudiants et professionnels en technologies de drones et d’analyse de données spatiales. C’est avec passion qu’il parle de son retour d’expérience, comme sur le projet de viabilité des services des systèmes aériens sans pilotes (drones) dans le contexte des petites exploitations irriguées de riz au Bénin. « Nous avions fait la cartographie des champs. Ensuite, nous avons cherché à voir sur ces exploitations les zones sous stress, les carences liées aux intrants. Le 3e volet concerne l’épandage d’herbicides et d’engrais en cas de carences », confie-t-il. Il y a de l’espoir pour le recours aux technologies de pointe dans les champs, surtout sur de grandes exploitations. « A partir de 2 ha, c’est rentable pour le paysan et en même temps pour le promoteur agricole qui a son drone », conclut ce membre du Réseau des professionnels africains de la géomatique?