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Laurent JIMAJA: Un maire suisse, originaire du Bénin

International
Par   Catherine Fiankan-Bokonga, le 14 juil. 2021 à 09h44
Premier maire suisse d’origine africaine à diriger, en 2015, une commune du Canton de Genève, Laurent Jimaja se définit comme « un citoyen du monde qui a eu la chance de naître en Afrique ». Passionné depuis sa plus tendre enfance de l’environnement, c’est sous la bannière des Verts qu’il vit pleinement et naturellement son engagement. Le renouvellement de la confiance de ses concitoyens au travers d’un second mandat – il a été réélu au premier tour des élections de 2020 lui permet de poursuivre la gestion, entre autres, de l’aménagement du territoire, de la transition écologique et sociale de la commune qui possède le plus grand nombre de projets d’aménagement en Europe. Avec son casque vert-pomme vissé sur la tête, l’élu du Grand-Saconnex circule à vélo dans les rues de l’agglomération rassemblant plus de 12 000 habitants, originaires des cinq continents. Quand on l’aperçoit, de bon matin, on ne peut s’empêcher de fredonner la chanson interprétée par Yves Montand… à bicyclette…car c’est là le moyen principal de déplacement utilisé par Laurent Jimaja. Petite commune aux allures de mégapole Située dans le Canton de Genève, ville de dialogue où est installé l’Office européen des Nations Unies, les 4,38 km2 du territoire sont en pleine mutation. En dehors du fait que sa population a triplé depuis les années 60, le Grand-Saconnex rassemble sur son territoire l’aéroport international de Cointrin, une gare, le Palais d'exposition et de congrès, Palexpo, la plus grande salle de spectacle de suisse romande, L’Arena (9.500 personnes), et plusieurs grandes artères par lesquelles transitent les flux de frontaliers résidant dans le département de l’Ain (France) voisin, et de Suisses. Ce point de passage est au cœur du changement. En effet, des travaux titanesques, entrepris en 2019, permettront de fluidifier, d’ici 2025, le trafic grâce à une nouvelle jonction autoroutière, une nouvelle route passant sous le vieux village et un tram desservant tant Genève que la ville française de Ferney-Voltaire. Un quartier international Berceau de16 missions diplomatiques ainsi que de plusieurs organisations internationales telles que le Conseil Œcuménique des Eglises, l’Union Interparlementaire (Uip) et l’Union Européenne de radio-télévision (Uer/Ebu), la commune du Grand-Saconnex a adopté le Bénino-suisse qui courait toujours « derrière ce qui pouvait rendre les gens heureux car son seul bonheur ne lui suffisait pas, et celui des autres ne prétérite pas le sien». Il occupe des fonctions où il peut donner libre cours à son don de soi. Ses électeurs, les Saconnésiens, apprécient sa force tranquille et sa passion qui permettent de développer la commune sans dénaturer son esprit, tout en ne perdant pas de vue le bien-être de ses habitants. Être un élu est « une reconnaissance ultime de son appartenance à la communauté», selon Laurent Jimaja. Importance d’être un modèle Arrivé en Suisse en 1989, par amour, pour passer des vacances auprès de sa dulcinée, deux enfants et 32 ans plus tard, Laurent Jimaja est toujours là. Malgré l’envie permanente de rentrer au Bénin pour s’engager sur la terre de ses ancêtres, la priorité a toujours été l’éducation de sa progéniture. La disparition de son père, l’évolution de l’Afrique, lui firent comprendre qu’un jour, il pouvait être trop tard. Il commença aussi à se préoccuper du modèle qu’il représentait aux yeux de ses fils et réalisa « qu’à part jouir de la vie dans un rythme métro-boulot-dodo, il ne faisait pas grand-chose». Ce fut le déclic pour « vivre sa citoyenneté», s’occuper du présent en respectant le passé et « être à l’écoute d’une jeunesse préoccupée par son avenir, en ces temps chahutés ». Être élu à l’exécutif a entraîné « une fierté particulière car c’était l’aboutissement de plusieurs campagnes effectuées au niveau de la Commune du Grand-Saconnex et du canton de Genève». Ce parcours constitue aussi «une contribution à l’éducation de ses enfants et à celle de tous les jeunes, qu’ils soient d’ascendance immigrée ou non»; « il prouve qu’il est possible de casser le plafond de verre ».
Engagement citoyen
Son intérêt pour l’écologie remonte à son enfance au Bénin où, tout jeune, il se sentait «angoissé par l’accumulation des déchets, l’abandon des batteries et des bouteilles en verre sur les tas d’ordures ménagères ». Sa formation au Sénégal, alliant études d’économie et sciences de l’environnement constituait, à ses yeux, un cursus justifié «pour s’assurer de la capacité d’optimiser les ressources ». On comprend mieux son engagement chez les Verts qui apparaît comme une démarche tout à fait naturelle. C’est donc sous les couleurs du parti écologiste qu’il obtient une majorité absolue au 1er tour des élections municipales de 2020, lui permettant d’effectuer un second mandat. Considérant qu’aujourd’hui nous sommes tous « citoyens du monde », car nous vivons dans « un village planétaire» où « ce qui arrive chez l’autre peut avoir un impact sur notre propre existence », on ne peut donc ignorer l’autre.
Besoin de transmission
Également président de la section genevoise de Swissaid-Genève, Fondation helvétique fortement impliquée dans la coopération pour le développement, Laurent s’est considéré, au temps de sa jeunesse, comme faisant partie d’un groupe privilégié. «Mon père était fonctionnaire, il avait un salaire ». La plupart des gens du quartier de forgerons où résidait la famille, devaient se débrouiller et vivre au jour le jour. « Nous vivions sur un îlot au milieu d’une mare de misère », raconte Laurent. Il prend conscience des inégalités et considère que ces personnes ne sont pas protégées. Plus connu par les anciens d’Abomey sous le prénom de « Bienvenu » ou par son cercle d’intimes sous le surnom de «Bilau», l’élu suisse aime s’impliquer lors de ses séjours au Bénin en organisant des causeries autour de grands thèmes tels que l’urbanisation, l’environnement, la gestion de l’eau, le lien entre économie et écologie… Œuvrer au développement, c’est contribuer à la construction d’un monde de Paix car qui est heureux, ne rêve pas de se battre ni de s’exiler.
Encadré
Commune du Grand-Saconnex
Selon l’Office fédéral suisse de la statistique, les 4, 38 km2 de la commune sont composés de 83,8 % d’habitations ou d’infrastructures, 14,2 % de terres agricoles et 2,1 % de surfaces boisées. La commune est située sur la rive droite du canton de Genève. Le Conseil administratif est composé de 3 conseillers, dont l’un est nommé maire pour une année. La législature est de 5 ans. Le Grand-Saconnex est jumelé avec la ville bretonne de Carantec (France) depuis 1976. CITATIONS - « Je suis un citoyen du monde qui a eu la chance de naître en Afrique» - « Je suis locataire d’un corps, dont le bail est résiliable à tout moment: il me faut donc faire les choses qui me tiennent à cœur car ça peut s’arrêter subitement» - « Je courais toujours derrière ce qui pouvait rendre heureux car mon seul bonheur ne me suffisait pas » Par Catherine Fiankan-Bokonga, Correspondante accréditée auprès de l’Office des Nations Unies à Genève (Suisse)