La Nation Bénin...
Le problème lié au manque d'électricité en Afrique affecte près de 600 millions de personnes, soit environ la moitié de la population du continent. Ce qui représente plus de 80 % du déficit mondial. Pourtant, c'est là le charmant paradoxe ; l'Afrique dispose de nombreuses opportunités pour éviter cette malédiction de la pauvreté énergétique qui a des conséquences négatives sur le développement, l'éducation, la santé et l'économie.
C’est fréquent, lorsque l’on se rend dans un pays d’Afrique subsaharienne, de passer d’une agglomération où l’éclairage public brille de mille feux à une autre parfois toute proche, où l’on s’engouffre dans d’épaisses ténèbres qui ne finissent pas de vous envelopper.
Quelquefois, c’est au cours d’une rencontre internationale, d’un séminaire, d’une conférence ou d’un colloque que soudain la salle s’assombrit et l’intervenant devient aphone parce que sa voix ne porte plus, faute d’une électricité qui vient d’être interrompue. Inutile de revenir sur le calvaire récurrent de ces jeunes scolaires en Afrique, ruraux comme urbains, parfois obligés d’apprendre leurs leçons sous l’éclairage d’une lampe à pétrole ou d’une bougie, s’exposant ainsi à des déficiences visuelles dans un proche avenir.
Ils sont si nombreux en Afrique à être exposés à ces réalités handicapantes pour la réussite de leur cursus scolaire que, au Togo, une association dénommée We are the new Africa a récemment conçu des cartables solaires qu’elle met à la disposition de jeunes scolaires du primaire dans des villages du pays.
L'Afrique dispose d'un potentiel hydroélectrique inexploité
Ces réalités consternantes, qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg, auraient pu laisser indifférents s’il ne s’agissait pas du continent qui dispose du plus grand potentiel hydroélectrique inexploité au monde, à savoir 474 GW. Toutes les études convergent pour reconnaître que le potentiel hydroélectrique de l’Afrique dépasse même sa demande actuelle et, pour l’heure, n’est valorisé qu’à hauteur de 38 GW. L’hydroélectricité représente 40 % de l’approvisionnement en énergie électrique en Afrique subsaharienne. En Afrique centrale, le potentiel hydroélectrique est estimé à 15008239000 MW et représente à lui seul 58 % du potentiel hydroélectrique de tout le continent ; quant à l’Afrique occidentale, son potentiel hydroélectrique est proche de 25 000 MW.
Près de la moitié de l'Afrique privée d'électricité
D’après une étude de janvier 2025 de la Banque africaine de développement intitulée Le besoin crucial d’accéder à l’énergie en Afrique : une feuille de route vers la prospérité, l’institution bancaire panafricaine relève, pour le déplorer, que près de la moitié du continent africain n’a toujours pas accès à l’électricité : « Partout en Afrique, le soleil brille intensément et les ressources naturelles sont en abondance. Pourtant, malgré cela, un problème urgent menace d’étouffer la croissance et la prospérité du continent : le manque d’accès à une électricité fiable et durable. […] Sans énergie, l’Afrique ne pourra ni réaliser ses aspirations en matière de développement ni prendre la place qui lui revient au sein du concert des nations. »
La Bad est d’autant plus fondée à tirer la sonnette d’alarme que l’Afrique fait face à deux défis majeurs à court terme.
Le premier, c’est une croissance démographique fulgurante qui se traduira, entre autres, par une demande importante et pressante en énergie électrique.
Or, le continent africain ne dispose que d’à peine deux décennies pour combler au moins en partie son déficit actuel en énergie électrique.
Le second défi majeur, et non des moindres, sera la nécessité d’emprunter durablement la voie de sa nécessaire industrialisation. C’est l’une des conditions essentielles pour la transformation locale des immenses richesses de son sol et de son sous-sol : créer des emplois locaux pour une jeunesse majoritairement au chômage et faire reculer une pauvreté galopante.
Comment en est-on arrivé là ?
Comment, depuis plus de soixante années après les indépendances, la majorité des pays africains, qui ont pourtant connu des moments de grande prospérité lorsque les cours des matières premières étaient au plus haut, peuvent être en queue du peloton en termes d’accès de leurs populations à l’énergie électrique ?
Trois raisons explicatives majeures à cette situation : un déficit de leadership, une gouvernance inefficiente et une planification parfois brouillonne.
La volonté politique et la gouvernance sont déterminantes. L’Éthiopie qui vient d’inaugurer le Grand Barrage de la Renaissance est en ce sens un modèle pour le reste de l’Afrique. Avec une puissance installée de 5 150 MW, c’est le barrage hydroélectrique le plus important d’Afrique et parmi les 20 barrages les plus importants au monde, construit en une dizaine d’années. Ce pays a ainsi doublé sa production en électricité et est en capacité d’en exporter vers les pays voisins.
La problématique de l’électrification de l’Afrique ne se limite pas à l’hydroélectricité comme source d’énergie. Mais induit aussi celle très actuelle et planétaire de la transition énergétique, notamment le recours massif et urgent aux énergies propres pour endiguer le dérèglement climatique. Même face à cette contrainte, l’Afrique ne manque pas d’atouts et force est de reconnaître qu’ils abondent, qu’il s’agisse de l’éolien ou du solaire.
C’est bel et bien cet objectif que vise Le Programme de transition du secteur énergétique africain (Afretrap) de la Commission de l’Union africaine en charge de l’énergie, lequel ambitionne «d'accélérer la transition énergétique africaine et la transformation nécessaire sur le continent afin de favoriser conjointement une croissance économique inclusive, la création de richesses, l'éradication de la pauvreté et la réduction des inégalités, tout en favorisant un développement durable compatible avec le climat […] pour atteindre les visions entrelacées de l'agenda 2063, des Odd et de l'Accord de Paris ».
Autour de l’urgence d’une électrification massive de l’Afrique se jouent la cohésion sociale, la stabilité et la souveraineté des États du continent à court terme. Le bien-être de chacun et de tous aussi.
Journaliste à la Deutsche Welle, à Bonn (Allemagne)
Eric Mocnga Topona