La Nation Bénin...
Les reins, à l’instar des autres organes, jouent un rôle important dans le corps humain. Lorsqu’ils cessent de fonctionner, il en résulte une accumulation des déchets dans l'organisme. Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale du rein le 10 mars prochain, nous faisons une incursion dans l’univers des maladies rénales. Dans la deuxième partie de l’interview que nous a accordée le docteur Christian Hounsounou, néphrologue au Centre national hospitalier et universitaire (Cnhu) Hkm de Cotonou, nous aborderons l’insuffisance rénale, son traitement et les moyens de prévention.
La Nation: Dr Christian Hounsounou, voudriez-vous bien rappeler à nos lecteurs ce qu’est la maladie rénale ?
Nous pouvons appeler maladie rénale, toutes les pathologies qui se traduisent par une modification morphologique ou fonctionnelle associée ou non à une insuffisance rénale. La présence d’une insuffisance rénale n’est donc pas indispensable pour parler de maladie rénale. Lorsque vous avez par exemple du sang ou des protéines dans les urines, on peut également parler de maladie rénale.
Comment traite-t-on la maladie rénale?
Dans de nombreuses situations, la maladie rénale est la conséquence d’une autre maladie. Si vous souffrez par exemple de diabète ou d’hypertension artérielle, avec un retentissement rénal, c’est tout simplement le traitement de la cause qui permet de traiter l’atteinte rénale. Il en est de même pour les maladies infectieuses comme le VIH ou les maladies du sang notamment la drépanocytose, ou encore les maladies urologiques comme les hypertrophies prostatiques.
Mais le rein lui-même a ses pathologies propres, qu’elles soient héréditaires comme la polykystose (présence de nombreux kystes dans les reins) ou d’origine auto-immune comme le lupus (lorsque le corps s’autodétruit en secrétant des substances appelées anticorps contre ses propres organes).
L'insuffisance rénale fait partie des maladies du rein dont on entend beaucoup parler au Bénin. Qu'est-ce que l'insuffisance rénale ?
L’insuffisance rénale apparaît lorsque les reins deviennent défaillants. Elle peut être aiguë ou chronique (prolongée pendant plus de 3 mois).
Lorsqu’elle est aiguë, le traitement de la cause suffit le plus souvent à restaurer la fonctionnalité des reins. Il s’agit par exemple des cas d’hémorragies, d’infections ou d’intoxications.
Pour ce qui est de l’insuffisance rénale chronique, il existe une classification en cinq stades différents de gravité croissante. Au stade 5, c’est à dire le stade terminal, certains signent comme l’anémie, la fatigue extrême, les œdèmes et les vomissements finissent par apparaître. C’est à ce moment qu’on a recourt à la dialyse ou à la transplantation pour suppléer au fonctionnement des reins défectueux.
Quelles sont les causes de l’insuffisance rénale ?
L’insuffisance rénale à de multiples causes. Elle est le plus souvent la conséquence d’une agression prolongée des reins par des maladies générales (diabète, hypertension, lupus), des maladies génétiques ou héréditaires (polykystose), des facteurs environnementaux ou toxiques.
Dans notre pays, les deux premières causes d’insuffisance rénale chronique restent l’hypertension et le diabète. Viennent ensuite dans des proportions plus réduites, les glomérulonéphrites chroniques (maladies aboutissant à la destruction des filtres rénaux), les atteintes rénales d’origine obstructive ou toxique, les maladies infectieuses (VIH), les maladies du sang (drépanocytose, myélome).
Je voudrais également souligner ici qu’il existe un très grand nombre de jeunes patientes que nous recevons dans le service, ayant présenté pendant la grossesse ou au moment de l’accouchement une hypertension artérielle compliquée ou non de pré-éclampsie et qui ne sont malheureusement jamais revues en consultation. Une fois que le bébé est né, tout le monde est content et on oublie la maman. On oublie qu’elle doit à tout prix être régulièrement suivie et évaluée. Il y a de très nombreux cas de patientes qui sont reçues en catastrophe, en état d’insuffisance rénale chronique qui doivent être dialysées et ces patientes-là sont extrêmement jeunes. C’est un véritable drame humain, social et économique sur lequel nous devons travailler pour renforcer la collaboration avec les sages-femmes et les collègues gynécologues afin d’améliorer le suivi et la prise en charge précoce de ces patientes. Même si l’insuffisance rénale chronique ne se guérit pas, elle peut être stabilisée donc ce n’est pas une fatalité. Il faut savoir qu’on peut suivre un patient en néphrologie pendant plus de dix ans sans qu’il ne soit dialysé. Car il existe de nombreux facteurs de progression de la maladie rénale qui peuvent être maitrisés grâce à une bonne hygiène de vie et à quelques traitements médicamenteux qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Qu’en est-il du traitement de l’insuffisance rénale au Bénin ?
Lorsque survient l’insuffisance rénale, le rein n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions de base. Dans un premier temps, le traitement consistera à ralentir la progression de la maladie afin de retarder l’évolution vers la phase terminale.
A un stade avancé, les techniques de suppléance rénale constituent la seule alternative. Il existe trois principales formes de techniques de suppléance rénale que sont l’hémodialyse, la dialyse péritonéale et la transplantation rénale. De ces trois techniques, seule l’hémodialyse chronique est disponible pour la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique chez l’adulte au Bénin.
En quoi consiste l’hémodialyse ?
L’hémodialyse consiste à épurer (nettoyer) le sang grâce à un dispositif extracorporel composé d’une machine, d’un rein artificiel et d’un circuit qui permet de connecter le patient à la machine. Le sang du patient est tiré vers la machine, lavé, puis retourné au patient. D’un point de vue pratique, ces séances sont étendues sur 4 heures ou 5 heures et répétées 2 ou 3 fois par semaine pour toute la vie lorsqu’il s’agit d’insuffisance rénale chronique. Elles permettent au malade de conserver une qualité de vie convenable et une autonomie suffisante pour maintenir ses activités professionnelles et une vie familiale épanouie.
Y a-t-il un âge pour souffrir de l’insuffisance rénale ?
Absolument pas. Nous recevons de très jeunes patients (16 ou 18 ans), qu’ils soient dialysés ou pas. Même en pédiatrie, des patients sont suivis pour insuffisance rénale. Donc ce n’est pas une maladie d’adulte.
Comment est-ce possible ?
Ils existent de nombreuses maladies rénales héréditaires au cours desquelles dès la naissance, le rein est déjà atteint. Il y a aussi les causes malformatives et les maladies auto-immunes où le corps s’autodétruit. Toutes ces pathologies se manifestent dès le jeune âge et peuvent conduire vers l’insuffisance rénale terminale à un âge très précoce.
Le traitement de l’insuffisance rénale ici au CNHU n’est pas à la portée de toutes les bourses et semble souffrir de quelques insuffisances.
La situation s’est améliorée et va continuer de s’améliorer par la grâce de Dieu. Il faut dire que ce traitement est très onéreux. Une séance coûte en moyenne 70.000 FCFA et il faut 2 à 3 séances par semaine et toute la vie lorsque vous êtes chronique, jusqu’à ce que vous soyez transplanté. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui en ont les moyens. L’Etat fait des efforts considérables pour mettre cette prise en charge à la portée du plus grand nombre mais les places sont encore réduites. Il y a beaucoup de demandes pour très peu de places. Mais comme je vous l’ai dit, même si la tâche est immense, nous sommes très optimistes et dans un futur très proche, de nombreuses améliorations seront observées.
Quelle est l'ampleur de la maladie rénale au Bénin?
Nous ne disposons malheureusement pas de statistiques précises quant à la prévalence réelle de la maladie rénale au Bénin. Il y a très peu de dépistage de masse et beaucoup de patients diagnostiqués en périphérie n’ont simplement pas les moyens de venir se faire prendre en charge ici au CNHU.
Pour ce qui est de l’insuffisance rénale chronique, à ce jour, environ 300 patients adultes sont dialysés de façon chronique sur toute l’étendue du territoire national et une dizaine sont transplantés et suivis.
Comment peut-on prévenir les maladies du rein?
D’une façon générale, il faut maintenir une hygiène de vie correcte, éviter l’automédication abusive et limiter au maximum la consommation de sel, de tabac et d’alcool. Il faut lutter contre l’obésité, la sédentarité et maintenir une activité physique régulière. Sauf avis contraire de votre médecin, buvez et hydratez-vous convenablement tout au long de la journée.
Les personnes à risque tels que les diabétiques et les hypertendus de même que les patients porteurs de pathologies urologiques (lithiases rénales, hypertrophie prostatique) ou développant des infections urinaires de manière trop fréquente, doivent quant à elles bénéficier d’un dépistage plus rigoureux et d’un suivi strict pour éviter la survenue et/ou l’aggravation d’une insuffisance rénale.
Par ailleurs, il nous faut mener plus d’actions de prévention, pour mieux sensibiliser les populations. Il n’y a que six néphrologues pour les presque onze millions de Béninois que nous sommes, il est difficile d’aller vers toute la population pour l’instant. Mais nous y travaillons.