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Complicité d’empoisonnement (Cour d'assises d'Abomey, 27e dossier): Le guérisseur Moukaïla Makpo acquitté après 7 ans en prison

Société
Par   Valentin SOVIDE, AR/Zou-Collines, le 27 juin 2018 à 06h31

La cour d’assises de la cour d’appel d’Abomey a examiné, lundi 25 juin dernier, un dossier d’empoisonnement. Il s’agit d’une affaire impliquant dame Adjoua N’Dah et son alpha Moukaïla Makpo. Dans le box des accusés, seul
Moukaïla Makpo était présent. La dame étant absente, la cour a dû rendre un arrêt de disjonction la concernant. A l’issue de l’audience, la cour a acquitté le guérisseur au bénéfice du doute.

Il est faux de croire que les disputes entre conjoints ne laissent pas de traces. C’est l’histoire d’un couple pourtant heureux jusqu’au jour où l’homme se découvre cocu et la femme, pour ne pas se faire répudier, l’envoie au cimetière avec l’aide de son marabout. Ce drame s’est déroulé à Savè dans les Collines.
Ils étaient en couple depuis une dizaine d’années avec trois enfants, fruits de cet amour. Nestor N’Koué et Adjoua N’Dah vivaient le parfait amour jusqu’à ce jour où le mari a commencé par la soupçonner d’infidélité. Il est désormais rempli de méfiance et la tension s’installe dans le ménage. Les soupçons du mari se précisent et se confirment de jour en jour. L’ambiance est plus que fétide dans le foyer. Adjoua sent la répudiation dans l’air. Une répudiation qui ne tient qu’à un fil. Et ce fil, elle a décidé d’en prendre le contrôle parce que l’incertitude se révèle à elle comme une chose épouvantable. Alors, elle s’en ouvre à une amie qui pourrait être aussi sa belle cousine parce que de la parentèle de son mari. Il s’agit de Thérèse N’Tcha. Celle-ci semble avoir la solution. Elle conduit Adjou chez un marabout, l’alpha Moukaïla Makpo qui serait une référence dans la localité pour ce genre de "travail". Les deux dames sont avec le marabout. Elles lui confient leur problème. Elles lui font savoir que Adjoua est menacée par son mari qui veut la répudier et qu’il faut rapidement agir pour éviter que cela arrive.
Pour le marabout Moukaïla, c’est une affaire banale. Il réclame 3000 F Cfa et un coq. Le lendemain, seule dame Adjoua fait 25 km dans Savè pour rejoindre le marabout avec la somme de 2000 F Cfa et le coq. Le marabout lui remet alors une poudre à utiliser. Et c’est là que se jouera le drame. Dame
Adjoua arrose le repas de son mari avec le produit sur quelques jours. Et le mari commence peu à peu par se plaindre de maux de vendre. Sans doute que le produit du marabout est un poison lent. Puisque le mari fait tous les soins à l’hôpital comme en traditionnel sans avoir satisfaction.
Et il finira par mourir le 15 octobre 2011, après avoir consommé les plats minés en février. La confusion s’installe. Dame Adjoua accuse le marabout d’avoir tué son mari. Et que le service demandé était de faire revenir la paix au sein de son couple et non de tuer son mari Nestor.
Au cours de son interpellation comme devant la cour, lundi dernier, le marabout Moukaïla tente de convaincre que le produit remis à la dame n’était pas pour l’homme mais pour l’usage à elle. Qu’elle devrait le verser dans son eau de bain et se laver avec pendant quatre jours. Il insiste qu’il n’a jamais demandé à Adjoua de l’ajouter au repas de son mari. Et, même si c’était le cas, son produit ne peut en aucun cas tuer.

Trahison

A la question de la cour de savoir sur quoi il se fonde pour affirmer que son produit ne pourrait pas tuer, le marabout dit bien connaître les feuilles qu’il a réduites en poudre et laissées à Adjoua. Il va plus loin en affirmant que quelques mois après son arrestation, lors d’une confrontation au cabinet du juge d’instruction qu’il a constaté avec celui-ci qu’Adjoua était déjà enceinte d’un autre homme avec qui elle vit désormais. «C’est depuis ce jour que j’ai compris que c’est son amant qui lui a sans doute remis le produit avec lequel elle a tué son mari. Ce n’est pas mon produit à moi», explique-t-il à la cour. Il poursuit en indiquant que, selon ses informations, après la mort du mari, Adjoua a déserté le domicile conjugal abandonnant ses trois enfants pour se mettre avec son amant. En un mot, le marabout se sent floué par Adjoua dans toute l’histoire.
Entre le marabout et Adjoua qui dit la vérité ? Qui a trahi qui? Une chose est claire dans l’histoire, Nestor, le mari, est mort et le marabout est en prison depuis bientôt sept ans et Adjoua a refait sa vie avec un nouvel homme.
Après plusieurs heures de questions-réponses, l’avocat général Blaise Kissezounon, prenant ses réquisitions, fait observer la présence dans le dossier des éléments matériels qui fondent le chef d’accusation. Puis, il démontre que les éléments matériel, intentionnel et légal sont bien assemblés dans ce dossier de complicité d’empoisonnement ayant causé la mort de Nestor N’Koué. Il fait recours aux dispositions des articles 301 et 302 du Code pénal qui punissent cette infraction et a requis la peine de 10 ans de travaux forcés contre l’accusé Moukaïla.
La défense de l’accusé assurée par Me Saturnin Bidossessi Agbani contre-attaque en rappelant que son client est inculpé pour complicité d’empoisonnement et que rien ne prouve dans le dossier que c’est son produit qui a été administré par Adjoua à son mari. Il plaide plutôt pour l’acquittement de son client ou au subsidiaire pour une condamnation au temps déjà passé en prison.
La cour présidée par Delphin Chibozo délibère en prononçant l’acquittement de l’accusé Moukaïla Makpo au bénéfice du doute. Elle ordonne la libération immédiate de l’accusé détenu depuis le 18 octobre 2011.
Il a 35 ans et père d’un enfant. La vie vient ainsi de lui donner une nouvelle chance à saisir.

Les Faits

Dame Adjoua N’Dah et Nestor N’Koué vivaient maritalement depuis plus d’une décennie et en bonne intelligence lorsque les scènes de ménage ont commencé courant janvier 2011.
Face à ces disputes répétées dans leur ménages et redoutant la répudiation par son époux, Adjoua N’Dah se confia Thérèse N’Tcha qui la mit en contact avec son marabout, le nommé Moukaïla Makpo. Celui-ci remit, par la suite, à Adjoua N’Dah, courant février 2011, un produit supposé avoir la vertu de raviver l’entente et l’amour au sein du couple du couple. Adjoua N’Dah fit consommer ledit produit dans les repas quotidiens à son mari à son insu.
Et, en mars 2011, Nestor N’Koué commença par se plaindre des maux de ventre et en dépit des soins à lui prodigués tant au plan de médecine moderne que traditionnelle, il décéda le 15 octobre 2011.
Composition de la cour

Président : Delphin Chibozo
Assesseurs : Léopold Colli / Claude Montcho
Jurés : Richard Tosseh, Romain Togny, Victorine Agbémahoué-Dato et Germain Ayinon

Avocat général : Blaise
Kissèzounon
Greffier : C. Bernard Zinsou