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Des télécoms à la volaille: Le pari risqué de Nadia Foundohou

Société
Une exploitation avicole, fruit de la détermination... Une exploitation avicole, fruit de la détermination...

Les mutations dans le monde professionnel ne sont pas toujours aisées. Surtout quand il est question de renoncer à l’emploi salarié pour l’entrepreneuriat. Nadia Foundohou en a fait l’expérience. Des joies et misères de la jeune femme dans l’entrepreneuriat agricole, elle en parle ! 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 14 août 2025 à 14h23 Durée 3 min.
#Une exploitation avicole #Des télécoms à la volaille

Son visage n’est pas inconnu des Béninois. Pendant plusieurs années, elle a partagé son sourire en posant çà et là pour de nombreuses marques. Il n'est pas rare de voir sur les panneaux publicitaires géants de la ville de Cotonou le joli visage de Nadia Foundohou. Pour retrouver celle qui était mannequin jusqu’à un passé récent, il faut s’éloigner de la ville de Cotonou et aller vers les terres isolées de la commune d’Allada. Loin des studios, des flashs, du maquillage et de l’évènementiel qui mobilisaient son attention par le passé, Nadia consacre désormais son quotidien à la ferme. A sa voix, les centaines de poulets en cage se ruent sur elle, poussant des cris de joie. Scène surréaliste de poulets qui communiquent avec leur éleveuse et partagent des émotions avec elle! Nadia Foundohou l’expérimente depuis quelques années avec plaisir. Ce quotidien, elle l’assume alors que rien ne la prédestinait à l’entrepreneuriat agricole. Mannequin professionnel, puis employée d’une structure de téléphonie mobile, elle avait toujours su mener sa vie de salariée épanouie, sans se poser de questions. A cela, elle avait associé de tout temps sa passion pour le graphisme et le design. Une seconde corde à son arc qui vient s'ajouter à sa polyvalence et à son quotidien de jeune femme dynamique.

C’est en rendant visite à un des amis de son géniteur sur sa ferme qu'elle va s’éprendre non seulement de l’activité de celui-ci, mais aussi de son environnement de travail, de la beauté des lieux, du calme du paysage et de tout ce qui va avec. Fan de bio, elle a, à partir de ce déclic, voulu produire elle-même ses légumes pour s’assurer de la qualité de ses aliments. Le projet ne tarde pas à naître. Nadia finit par s’acheter un espace d’un peu plus d’un hectare dans la commune d’Allada. Elle y planta, selon ses envies, des légumes et quelques fruitiers. Et en saison des pluies elle y produisit du manioc, de l’arachide, du maïs…


Nadia Foundohou

Une aire dédiée à ses petits caprices qui va très vite devenir l’objet de ses méditations quotidiennes. 

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Motivation


En quête d’astuces pour valoriser sa terre, elle se retrouve au chômage en 2018. Sa boîte de télécoms venait de mettre la clé sous le paillasson. « Sans emploi, je venais souvent ici me ressourcer. Je m’interrogeais. Je venais de Cotonou juste pour regarder le terrain et je me retourne. Mais je réfléchissais », indique-t-elle. Ses débuts dans ce business, elle les raconte avec émotion. Tout y est passé, confesse l’ex-mannequin. Tous ses avoirs et même ceux d’un cousin devenu son partenaire en affaires, pour faire les premiers investissements et donner vie à la ferme Afy agro business dont les activités démarrent en décembre 2020. « Les premiers poussins d’un jour sont arrivés ici le 16 décembre 2020 », se souvient-elle, lançant un regard amusé en direction de la centaine de poulets qui piaillent non loin d’elle. 


... et de management avisé de Nadia Foundohou Ph : JFM

Le premier challenge a été la mise en place des bâtiments devant accueillir les poussins. Construire le bâtiment n’a pas été chose facile. Mon cousin et moi, nous nous sommes complètement vidés», se souvient-elle aussi. Une fois les infrastructures en place et les poussins installés, commence le vrai challenge de l’entrepreneure. Il faut pouvoir nourrir la volaille et lui assurer les soins le temps qu’elle commence à produire. Une autre difficulté sur le chantier des néo-entrepreneurs mais cette fois-ci vite évacuée. « Le gouvernement nous a aidés. Nous avons bénéficié des poussins subventionnés auprès de l’Agence territoriale de développement agricole (Atda) Pôle 7. Les techniciens de cette agence nous ont été également d’un important soutien. Ils nous ont accompagnés avec leurs conseils et expertise », relate l’entrepreneure. 

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Le difficile rôle de la  femme-patronne  

 

On pourrait croire que tout se déroule pour le mieux  dans le meilleur des mondes en écoutant l’ex-mannequin conter sa vie de reconversion. Mais loin s’en faut. La bataille de la jeune dame ne se limite pas à trouver l'alimentation adéquate et à un prix accessible pour sa volaille, puis à écouler ses produits. Elle est appelée à  travailler avec un groupe de six collaborateurs qu’elle manage et forme au quotidien. Dans les profondeurs de la commune d’Allada où elle a pris quartier pour conduire sa nouvelle vie professionnelle, la femme peine encore à prendre sa place dans la société. Elle est toujours vue comme l’être «incapable », obligée de tout tenir de son conjoint. C’est dans cet environnement que Nadia est appelée à exercer et surtout à collaborer, diriger et manager des hommes dont certains sont plus âgés que son géniteur. « Ce n’est pas facile », confesse-t-elle.

Tenir dans un secteur aussi exigeant que celui de l’élevage face à certains collaborateurs dont le niveau laisse parfois à désirer, et qui ne supportent pas de recevoir des consignes et orientations d’une femme, reste une bataille quotidienne qui se gagne par tous les moyens. Le sourire, la colère, les sensibilisations, les menaces et parfois même les sanctions, tout y passe pour tenir sa place de manager, explique Nadia. « C’est très difficile pour eux de supporter d’avoir à recevoir des ordres d’une femme… Il faut travailler sur les psychologies… C’est un couteau à double tranchant. On crie un peu, on s’amuse un peu et on s’en sort », suggère-t-elle. Il faut manier le bâton et la carotte avec les collaborateurs, en faire autant par moments avec certains fournisseurs et même des clients, selon elle. Elle en vient finalement à la conclusion que son activité est plutôt un métier d’homme tout en bémolisant que la femme ferait meilleure éleveur en raison de ses instincts maternels. C’est d’ailleurs cela qui explique la forte alchimie entre elle et sa population animale. « Les femmes sont très maternelles. Quand vous stressez, les poules le sentent. Quand vous êtes en joie, elles le savent aussi. L’élevage demande qu’on leur donne beaucoup d’amour et d’attention. Et ça, ce sont les femmes qui l’ont. Les hommes le font mécaniquement pour le côté commercial », souligne-t-elle. Intégrer un secteur où il y a assez d’hommes n’est pas non plus facile pour la femme qu’elle est. Ses débuts ont été rudes, se souvient-elle.

Autant le secteur est prometteur, selon elle, autant il demande concentration et investissement. Il est d’ailleurs « peu stable », reconnait-elle. « Le secteur est tellement aléatoire, et c’est ce qui fait que les banques ont du mal à nous accompagner. Tu demandes aux gens de s’associer avec toi, ils disent non », déplore-t-elle. « Tout ce qu’on peut faire, c’est miser sur les mesures de la biosécurité pour limiter les casses », admet-elle. Depuis le démarrage de son activité, Nadia n’a pas encore connu de pertes énormes au niveau de poulailler. Des télécoms à la ferme, Nadia dit suivre son chemin sans se plaindre, en se construisant une nouvelle vie d’entrepreneure avec toutes les exigences y afférentes

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