La Nation Bénin...
Dans la suite du déroulement de sa première session pour l’année 2015, la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou a connu, hier jeudi 12 mars, de son 4e dossier. Présidée par Eliane Hortense Bada Padonou, assistée de Thérèse Kossou et d’Euloge Akpo, la Cour qui a connu dudit dossier a bénéficié du concours de Honoré Alowakinnou représentant du ministère public. Le fils a été défendu par Me Magloire Yansunnou tandis que son frère l’a été par Me Serge Pognon.
L’acquittement pour Avocè Vodounkpè et 15 ans de travaux forcés pour le fils Akomagnon Vodounkpè, un peu comme l’ont demandé le représentant du ministère public, Honoré Alowakinnou et son conseil Serge Pognon. Ils sont poursuivis le premier pour non assistance à personne en danger et le second pour parricide et non assistance à personne en danger.
Les faits ont été rappelés par la présidente, Eliane Hortense Bada Padonou. Ils remontent au 23 avril 2002 à Anavié, commune de Tori Bossito où une dispute à propos d’une houe a opposé Houssou Vodounkpè à son fils Akomagnon Vodoun-kpè.
Ce dernier a caché la houe que son père a apportée à la maison, sous prétexte qu’il vend tout ce qu’il possède. Face aux menaces de mort proférées, à son encontre par son père, il sortit, de la douche tout furieux et lui a asséné 4 coups de bâton au ventre et aux épaules. Houssou Vodounkpè a été abandonné sans secours et sans aucun soin. Il a succombé trois jours après des suites de ses blessures. Akomagnon Vodounkpè a justifié son acte par la crainte de se voir tué par la victime, un sorcier redoutable qui, selon lui, a eu raison de plusieurs de ses frères et sœurs. Avocè Vodounkpè, frère de la victime, informé de la situation n’a pu l’assister. Interpellé, Akomagnon Vodounkpè a reconnu les faits mis à sa charge à toutes les étapes de la procédure. Par contre, Avocè Vodounkpè a nié s’être abstenu de porter secours à son frère en évoquant des difficultés financières auxquelles il était confronté. Les casiers judiciaires des accusés Avocè et Akomagnon Vodoun-kpè sont vierges.
L’expertise psychologique et psychiatrique de Avocè Vodounkpè a montré qu’il est un individu à personnalité normale et équilibrée. Il est mentalement sain. Quant à Akomagnon Vodounkpè, il a une personnalité mature et ne présente également aucune affection mentale.
S’agissant de l’enquête de moralité, elle est favorable pour Avocè Vodounkpè, un homme d'un certain âge correct. Elle est partiellement favorable à Akomagnon Vodounkpè qui prend parfois de l’alcool et du chanvre indien.
A la barre, le fils a beaucoup varié sa version pour finalement soutenir qu’il a administré à son père un coup de houe qu’il lui aurait arrachée pour le dissuader de la vente de cet outil de travail. Devant les gémissements ou plaintes de son père, il a déclaré avoir entrepris de trouver un infirmier pour lui administrer quelques soins.
En ce qui le concerne, Avocè Vodounkpè a expliqué que son frère lui a rendu compte du traitement que son enfant lui a infligé en son absence. Face aux questions du ministère public, il a déclaré pouvoir user de moyens, s’il en avait disposé pour sauver son frère. Mais le pire est arrivé et l’a conduit dans le box.
«Honore ton père et ta mère…»
C’est sur cette base qu’Honoré Alowakinnou a rappelé les faits. Ainsi, il a planté le décor de ses réquisitions avec des versets bibliques notamment Exode 20 : «Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne». (versets 12 et 13) avant de poursuivre avec Proverbes 20 : «Si quelqu’un maudit son père et sa mère, sa lampe s’éteindra au milieu des ténèbres» (verset 20). Selon le représentant du ministère public, l’accusé principal s’est saisi de la manche de la houe pour porter des coups à la victime au ventre. La preuve, rapporte-t-il, est qu’il se tordait de douleurs.
«Tout écart de comportement est mal accueilli au village. Cela est, explique-t-il, parfois perçu comme une abomination». Et Honoré Alowakinnou ajoute qu’on n’accorde pas la main de sa fille à quelqu’un qui est convaincu de parricide. Le parricide que le représentant du ministère public définit comme l’homicide intentionnel du père ou de la mère légitime ou de tout autre ascendant. Une infraction qui requiert deux éléments : le meurtre et la qualité de l’auteur.
Relativement au meurtre, il s’agit, a-t-il expliqué, de l’homicide volontaire qui peut être retenu comme un acte matériel accompagné de l’intention criminelle, un acte accompli par l’enfant de la victime.
Pour asseoir l’intention criminelle, le représentant du ministère public a puisé dans le dossier, les propos tenus par l’accusé à savoir que son feu père est réputé sorcier ; pour peu, il ne fait que menacer et que certains de ses frères et sœurs en ont déjà fait les frais. Pour lui, le fait d’avoir frappé des coups au ventre de son père, une partie suffisamment sensible, prouve à suffire l’intention criminelle.
Dès lors, Honoré Alowakinnou a conclu que le fils a volontairement donné la mort à son père. Pour lui, l’enquête de moralité lui est légèrement favorable et le rapport psychiatrique et médico-psychologique a conclu qu’il est accessible à la sanction pénale. Ainsi, il a requis de le condamner à 20 ans de travaux forcés.
En ce qui concerne Avocè Vodounkpè, le représentant du ministère public a retenu qu’il a fait ce qu’il pouvait pour sauver son frère. C’est pourquoi, il a suggéré qu’il soit acquitté.
Face aux 20 ans requis par le ministère public, Me Magloire Yansunnou pour la défense du principal accusé, rétorquera que la cour juge des hommes et non des animaux. C’est pourquoi, il a imploré son indulgence et sa compréhension.
«Les faits n’étaient pas aussi graves comme a voulu les présenter le ministère publilc ; je voudrais que vous m’accompagniez dans l’analyse des faits», suggère-t-il. A les suivre, indique-t-il, il manque un élément capital : l’intention de donner la mort. «Il l’aurait frappé à la tête, s’il avait vraiment l’intention de lui donner la mort», a justifié Me Magloire Yansunnou car aucun élément ne permet, selon lui, de retenir que son fils avait vraiment l’intention de le tuer. Il relève que le ministère public a des difficultés pour prouver cet élément. Il n’y a pas eu d’autopsie, il n’y a pas non plus eu de certificat médical pour établir la culpabilité de son client. «Je vous invite à revisiter les faits et à constater qu’il y a mort et à faire que la peine soit juste pour ne pas avoir à le regretter».
C’est bien l’acquittement qu’il fallait
Loin de regretter, Serge Pognon défendant Avocè Vodounkpè, a déclaré avoir des larmes aux yeux. Encore que rappelle-t-il, l’oncle reconnaît avoir dit à son neveu qu’il n’avait pas raison d’avoir agi tel qu’il l’a fait. C’est bien l’acquittement qu’il fallait selon lui. Ainsi, lorsqu’on évoque la non assistance à personne en danger, il s’agit d’une infraction tellement large que tout le monde peut être poursuivi.
Les gens font généralement preuve d’un égoïsme excessif sans excuse. Ainsi, Serge Pognon a retenu qu’il se trouve face à un dossier bizarre où il réitère qu’il n’y a eu ni autopsie ni certificat médical, aucun scellé, encore moins aucun transport sur les lieux, il n’y a pas non plus eu de prélèvement d’ADN. « Celui qu’on disait mourant a parlé et a mangé ; il a fait ce qu’il devait faire au moment où il le fallait », a expliqué la défense avant de déplorer que l’administration des services de santé exige de l’argent avant de secourir les citoyens et autres personnes qui sont en détresse.
Le représentant du ministère public a estimé que ses réquisitions auraient porté un goût d’inachevé s’il n’attirait pas l’attention des membres de la cour sur l’article 323 du Code pénal qui stipule que le parricide n’est jamais excusable, car pour lui, l’acte de l’accusé Akomagnon Vodounkpè ne peut s’expliquer.
Ce que n’accepte pas Me Magloire Yansunnou dans ses contre répliques en raison de ce que l’avocat général a mal visé. «Il ne nous a jamais prouvé l’intention criminelle ; 20 ans, c’est beaucoup pour quelque chose de non intentionnel, a-t-il retenu.Il a déjà passé un certain temps en prison », a-t-il fait remarquer. La cour s’est ensuite retirée pour délibérer et dans son verdict, acquitte Avocè Vodounkpè parce qu’elle a estimé qu’il n’est pas coupable des faits mis à sa charge. Mais elle a, par contre, reconnu Akomagnon Vodounkpè pour parricide et l’a condamné à 15 ans de travaux forcés. Mis sous mandat de dépôt en 2002, il a bénéficié d’une mesure de liberté provisoire en 2007 avant d’être repris très récemment pour la suite de la procédure engagée contre lui. Il retourne en prison pour purger le reste de la peine.