La Nation Bénin...

La cour d’assises de la cour d’appel d’Abomey a examiné le dernier dossier inscrit au rôle, mardi 26 juin dernier. Il est relatif à un cas d’incendie volontaire qui a fait trois morts et dont est accusée dame Adjo Amaba. Elle est reconnue coupable par la cour qui l’a condamnée à 20 ans de travaux forcés.
Triste histoire que celle de cette famille décimée par le feu ! Elle est la preuve que ce n’est pas seulement les monstres qui sont capables de commettre des atrocités. Dans le village d’Agbon dans la commune de Bantè vivait une jeune famille paisible : l’homme, Epiphane Okpè, ses deux femmes: Bénédicte Agoli-Agbo (18 ans) et Adjo Amaba (22 ans). Cette dernière, de nationalité togolaise n’a pas eu la chance comme Bénédicte de connaître rapidement la maternité. Bénédicte a eu une fille, Gwladys.
Adjo, la Togolaise, est connue à Agbon comme vendeuse de Tchoukoutou, l’alcool local. Elle raconte que son infertilité faisait d’elle la risée de tous. Ce qui l’a poussée à abandonner cette activité. Elle est recluse à la maison. Même dans la maison, non plus, elle n’a la paix. La tension est fréquente entre elle et sa coépouse. Le foyer vacille sérieusement et devient un enfer pour Adjo. Un soir, le mari Epiphane est venu ramasser ses effets de sa case pour aller rejoindre Bénédicte. Elle est ainsi abandonnée, tel un vieil arbre sans oiseaux. Ni enfant ni mari ! Elle est seule et gagnée par le chagrin. Elle ne supporte pas et en est devenue mélancolique.
Le samedi 16 janvier 2016, son mari Epiphane vient nuitamment la voir dans sa case comme pour l’avertir. Il se serait adressé à elle en ces termes : « Adjo, maintenant qu’est-ce que tu veux ? Veux-tu vivre ou mourir ici ? ». Adjo répond : «Je suis désormais prête à tout ». Puis, le mari repart tranquillement se coucher dans la case de Bénédicte. Alors que dans la journée elle (Adjo) a demandé le lit à Epiphane, et a essuyé un refus catégorique de la part de ce dernier. Pour le mari, il n’y aura plus de sexe entre eux, car depuis trois ans qu’ils sont ensemble, pas un seul fruit n’est issu de leur lit.
Adjo s’est sentie humiliée. Elle est traversée rapidement par une pensée. Elle croit
qu’Epiphane va la tuer. Elle raconte devant la cour qu’elle en était sûre et certaine. Alors, elle s’est dit qu’elle ne sera pas seule à mourir. Il faut qu’ils partent tous alors. La jalousie prend le pas sur sa raison. Adjo veut en finir avec cette vie de solitude. Pour elle, c’est maintenant ou jamais. Elle pense mettre le feu à leur case. Elle attend minuit, que le mari et l’autre épouse s’endorment dans leur case pour passer à l’acte. Ainsi, elle cherche un bidon d’essence qu’elle répand à la porte, à la fenêtre. Et pour réussir son coup, elle prend soin de verrouiller la porte à l’extérieur avant de prendre la buchette d’allumette. Puis, boom ! Le feu emflamme la case, avec à l’intérieur le mari, Bénédicte et leur fille Gwladys.
Réveillé en sursaut par la suffocation, le mari réussit à sortir en passant par la fenêtre. Puis il y retourne pour sauver Bénédicte et la petite Gwladys toujours à l’intérieur prises aussi au piège du feu. Ils sont aussi aidés par les voisins.
Chose curieuse, Adjo qui dit avoir aussi l’envie de mourir face à cet enfer conjugal n’entre pas dans le feu qu’elle a allumé. Au contraire, après avoir mis le feu, elle va tranquillement se mettre à l’abri dans sa case. Elle a fui la scène macabre qu’elle a créée.
Transportés d’urgence à l’hôpital, les trois piégés vont tous mourir l’un après l’autre. C’est d’abord la petite Gwladys qui rend l’âme au cours du transport. Sa maman l’a suivie le 25 janvier et le père le 31 janvier. Tous ont péri des suites de leurs blessures et dans des conditions très atroces.
Remords ?
L’auteur du drame Adjo Amaba, devant la cour n’a pas caché ses remords. Elle dit avoir agi sous l'effet de la colère et qu’elle était certaine que le mari allait la tuer cette nuit-là. Et qu’elle-même était prête à mourir mais qu’elle n’a plus eu la force et le courage de se jeter dans le feu.
L’avocat général Pierre D.
Ahiffon fustige cet acte ignoble d’une coépouse qui avait bien l’intention d’exterminer toute la petite famille par jalousie. Elle choisit d’éliminer toute la famille en la faisant prendre au piège par le feu, causant une véritable tragédie dans le village d’Agbon.
C’est bien pour cela que l’acte de l’accusée Adjo doit être sévèrement sanctionné par la cour pour donner l’exemple, indique-t-il. Puis, dit-il, les trois éléments constitutifs des faits sont réunis pour les infractions d’incendie volontaire et d’assassinat. Requérant pour le cumul des infractions et non des peines, Pierre D. Ahiffon rappelle les dispositions des articles 295, 296, 297, 302 et 434 alinéa 1er du Code pénal, puis propose alors à la cour de condamner l’accusée Adjo Amaba aux travaux forcés à perpétuité.
La défense assurée par Me Yvon Détchénou a plaidé la clémence de la cour en faveur de l’accusée qui a regretté sincèrement son acte et qui a plutôt agi pour faire mal mais pas pour tuer. Me Détchénou invite la cour à la prudence pour faire la différence entre la volonté de tuer et de faire mal. Et c’est la réaction d’une jeune dame, à peine la vingtaine qui, parce que n’ayant pas connu la maternité, est humiliée même par son mari qui lui refuse le lit. Elle a des envies et désirs boudés et non satisfaits par le mari. Ainsi, socialement rejetée par tous, elle a eu le caprice de faire mal, pas pour tuer, plaide la défense qui demande la clémence de la cour pour permettre à l’accusée un retour dans la société. Une société qui l’a humiliée et refoulée.
Après une suspension, la cour présidée par Daniel d’Almeida revient rendre sa décision. Elle reconnaît Adjo Amaba coupable d’avoir volontairement mis le feu à la case de son époux. Un incendie qui a fait des morts. Une infraction prévue et punie par les lois notamment par le Code pénal en ses articles 434, 249, 36, 52, 55, 361 et autres. La cour l’a condamnée à 20 ans de travaux forcés. L’accusée âgée aujourd’hui de 24 ans vient de faire deux ans en prison. Elle aura à y passer encore les dix-huit prochaines années. Comme quoi, elle n’a pas pu échapper à son destin de solitude malgré tout?
Les faits
Le samedi 16 janvier 2016 à Agbon dans la commune de Bantè, alors que le nommé Epiphane Okpè dormait dans sa chambre avec son épouse Bénédicte Agoli-Agbo et leur fille Gwladys, sa deuxième femme, dame Adjo, a mis le feu à leur chambre, après l’avoir aspergée d’essence. Réveillé par les flammes, Epiphane a pu sortir de la chambre par la fenêtre qu’il a dû casser. Il y retourne ensuite pour en sortir son épouse Bénédicte et sa fille par la porte qu’il a défoncée de l’extérieur, en affrontant les flammes.
Tous les trois ont été grièvement brûlés par les flammes et ont été référés à l’hôpital de zone de Savalou puis au centre hospitalier départemental (Chd-Zou) à Abomey. Au cours du transport vers l’hôpital, la fillette Gwladys âgée à peine de deux ans a malheureusement succombé. Plus tard, sa mère Bénédicte
Agoli-Agbo et son père Epiphane Okpè sont aussi décédés des suites de leurs blessures.
L’accusée a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure. L’enquête de moralité la concernant ne lui est pas favorable et elle n’était pas en état de démence au moment des faits?
Composition de la cour
Président : Daniel d’Almeida
Assesseurs : Désiré P. Dato / Léopold Colli
Jurés : Prosper Z. Tossou, Romain Togni, Paul D. Glèlè et Marguerite H. Kossou
Avocat général : Pierre D. Ahiffon
Greffier : Etienne Ahonahin