La Nation Bénin...
Dans le cadre de l’examen du 24e dossier de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou, mardi 7 avril dernier, Isabelle Sèdo Josette Sagbohan a présidé la composition qui en a connu. Elle était assistée de Michel Romaric Azalou et Hélène Achouké. Apollinaire Dassi était dans le rôle du ministère public. Me Alain Ayikoué Kakpo a tenu la mémoire de l’audience. Les jurés Gabriel Hounsa, Honoré Agboton, Bernadette Houessinon, Louise Hounmènou et Léopold Marcellin Bada ont accompagné les magistrats. Six accusés étaient poursuivis pour association de malfaiteurs pour des faits qui s’étaient produits en 2008, à Cocotomey, dans la commune d’Abomey-Calavi.
Les faits remontent à 2008. Florent Danmondé, Sylvain Assou, Jean-Pierre N’Bouké, Robert Danmado, Faustin N’Bouké et Marcellin Noudji se sont réunis plusieurs fois pour élaborer un plan en vue d’attaquer une banque. Ainsi, le jeudi 18 décembre 2008, aux environs de 9 heures, les nommés Florent Danmondé, Sylvain Assou et Jean-Pierre N’Bouké, tous cagoulés et munis d’armes à feu de fabrication artisanale se sont rendus à l’agence Continental Bank de Cocotomey à bord d’un véhicule de marque Peugeot immatriculé A 2220 RB conduit par Faustin N’Bouké. Ils firent irruption dans l’agence et réussirent à emporter la somme de 9 millions F CFA qui se trouvaient dans la caisse. Florent Danmondé fut arrêté sur le lieu du braquage tandis que ses acolytes ont réussi à prendre la fuite. Les recherches entreprises par les gendarmes ont permis d’appréhender tous les autres membres du groupe. Interpellés et inculpés pour association de malfaiteurs et vol à main armée, Florent Danmondé, Sylvain Assou et Jean- Pierre N’Bouké ont reconnu les faits contrairement à Faustin N’Bouké, Robert Danmado et Marcellin Noudji qui les ont niés. Les bulletins de casiers judiciaires des accusés ne font mention d’aucune condamnation.
Tous ont reconnu les faits
Mais à la barre, tous ont reconnu les faits mis à leur charge à quelques nuances près. La présidente de la cour, Isabelle Sèdo Josette Sagbohan et le ministère public, Apollinaire Dassi ont posé des questions qui leur ont permis de fournir des détails sur les circonstances du braquage. La lecture des pièces a ouvert la voie aux réquisitions du ministère public.
Pour Apollinaire Dassi, aucun développement, aucune activité humaine ne peut prospérer si elle ne s’exerce pas dans une ambiance de sérénité. Et de poursuivre que l’insécurité annihile tout effort de progrès. La course effrénée au gain facile, selon le ministère public, conduit certains citoyens à poser des actes qui tombent sous le coup de la loi. Ainsi, les accusés sont poursuivis devant la cour pour association de malfaiteurs et vol à main armée.
Pour les faits, Apollinaire Dassi a rappelé que plusieurs réunions ont été tenues à Dogbo puis à Pahou. Elles auront permis aux accusés de se concerter pour aller opérer de Cococodji pour Cocotomey au siège de la banque. Ils ont tenu, rappelle-t-il, en respect clients et agents de la banque pour permettre à la bande d’agir. Il a précisé que Florent Danmondé a escaladé le comptoir pour aller se ravitailler. C’est grâce aux populations et aux gendarmes, reconnaît le ministère public qu’ils ont été mis aux arrêts.
Trois réunions au moins
La qualification «Association de malfaiteurs», suppose la réunion de plusieurs éléments : les éléments matériel, légal et intentionnel. Le siège de l’infraction se rapporte, retient-il, aux articles 265, 266 et 267 du Code pénal. Ainsi, relève Apollinaire Dassi, il y a eu entente, association entre plusieurs personnes avec un plan pour commettre un crime ou délit envers les personnes. L’article 268 du Code pénal expose que les faits doivent être commis volontairement. Les six personnes présentées devant la cour se sont réunies à plusieurs reprises, relève le ministère public. «Florent Danmondé vous a déclaré qu’ils ont eu trois réunions au moins ; aucun des accusés n’a nié y avoir participé ; ce qui est sûr il y a eu concertation avec pour but d’aller braquer afin de ramasser de l’argent ; dans tous les cas, l’initiative a été prise par chacun d’eux.
La variation des accusés dans leurs explications n’enlève rien à l’imputabilité de l’infraction, retient-il. Sylvain Assou et Florent Danmondé et Jean Pierre N’Bouké étaient porteurs d’armes à feu. Il y a eu soustraction frauduleuse. Le crime de vol à main armée est constitué. Selon l’article 381 al 1 du Code pénal, ils portaient des armes et l’infraction est constituée.
Les scellés constitués entre autres du butin, ont été remis au comptable de la banque, les pistolets et cagoules déposés au greffe. Ils sont accessibles à la sanction pénale vu qu’ils n’étaient pas déments au moment des faits, relève Apollinaire Dassi, représentant le ministère public. Sur cette base, il a requis de les déclarer tous coupables pour association de malfaiteurs et vol à main armée.
Poursuivant ses réquisitions avec bémol, Apollinaire Dassi a conclu que le faiseur de guet est co-auteur. Il a alors retenu contre lui la peine de 10 ans de travaux forcés.
Me Yves Ogan Bada commis pour la défense de Jean Pierre N’Bouké, a rappelé que son client est poursuivi pour association de malfaiteurs et vol à main armée et le ministère public, selon lui a requis 10 ans de travaux forcés. «Nous sommes devant la Cour d’assises ; les jurés représentent le peuple béninois tout entier. Qu’ils veuillent bien différencier. L’avocat général a mis tout le monde dans le même panier. Mon client a collaboré, il a fait des aveux», a-t-il rappelé. Et de poursuivre qu’il a tout dit : «J’ai paniqué, j’ai pris peur et je suis parti». Selon la défense, il faut faire la différence. Me Yves Ogan Bada estime que l’aveu a pour but de soulager, de réparer ce qui s’est passé. Il a également pour but d’atténuer la responsabilité, relève-t-il. Il a suivi bêtement son frère, a-t-il retenu. Et la défense d’ajouter que les féticheurs ont la manie d’emballer les autres ; faute avouée est à moitié pardonnée, estime-t-il. Il faut distinguer les échelles de responsabilité et faire la part qui revient à chacun. «C’est lui le peintre de la prison, il a eu des contrats en prison», fait-il observer suggérant une atténuation de la responsabilité de son client.
Qui perd son job perd la raison
A sa suite, Me Laurent Bognon pour la défense de Florent Danmondé déclare que contrairement à ce qu’on argumente, son client n’est pas le cerveau de la bande; celui par lequel tout est arrivé, a-t-il confié. «Celui qui perd son job perd la raison ; allant de charlatan en charlatan, de personne en personne», relève-t-il. Et de retenir qu’il est tombé sur le charlatan. Dans le contexte sociologique du Bénin, fait remarquer Me Laurent Bognon, il faut emprunter certains itinéraires parfois diaboliques. Sept jours lui ont été promis pour retrouver son travail, puis 17 jours et rien à la fin, a regretté Florent Danmondé le client de Me Laurent Bognon. Rien donc, fait remarquer la défense. C’est pourquoi il a repris contact, déduit-il. On lui a servi un plat, il s’est agrippé et voilà.
«Le charlatan avait un réseau dormant de personnes mal intentionnées qui ont été exploitées pour le braquage ; une série d’exercices spirituels allant de captation en captation donc le statut de Florent a joué dans cette odyssée», a-t-il relevé. C’est pourquoi Me Laurent Bognon a poursuivi que, multipliant les exercices spirituels, le "fifo bô" selon lui, a été mis à contribution et l’accusé n’avait plus le sens de discernement. C’est la veille du braquage que les armes lui ont été présentées.
Relativement à l’association de malfaiteurs, poursuit la défense, le réseau dormant travaillait déjà, mais son malheur était de tomber, selon lui, sur le chemin du féticheur. «Je ne viens pas le disculper mais il faut en tenir compte dans le secret de votre délibéré». Et la défense invoque l’article 64 du Code pénal pour faire profiter à son client l’irresponsabilité. «Je plaide la contrainte morale ; le fait légal, matériel et intentionnel ne fonde pas nécessairement l’infraction. Lorsque l’élément moral cède, l’infraction tombe ; il y a la non imputabilité», a-t-il confié.
«Ne préparons pas le lit à d’autres braqueurs, car pour la plupart, ils ont fait 6 ans, il faut les condamner au temps déjà passé en prison», plaide-t-il.
Me Yaya Pognon pour la défense de Faustin N’Bouké fera observer qu’on est dans un mauvais film et que c’est des apprentis braqueurs qui sont au banc des accusés. «Le bô ne pouvait rien faire mais c’était juste une préparation psychologique. On a récupéré les sous séances tenantes, c’est de tristes braqueurs amateurs», fait-il remarquer. Ils auraient mis des balles dans les armes que cela aurait été fatal au personnel et aux clients, retient-il. Et pour la défense, ils méritent une sanction pédagogique ; la justice n’est pas la vengeance mais la répression dans de justes proportions. Les faits sont constants ; la sanction ne doit être que de principe. Cette décision doit faire tâche d’huile.
En ce qui le concerne, Me Max d’Almeida pour le cas de Robert Danmado fera observer que c’est le procès de la bêtise humaine. «Que vient chercher un guérisseur dans un braquage?, s’interroge-t-il. «J’accuse notre société où le gain facile est de notoriété publique», fait-il remarquer.
17 enfants scolarisés
Pour Max d’almeida, le sang n’a pas coulé et les cartouches étaient dans la poche au lieu d’être dans l’arme et cela suffit-il pour réclamer 10 ans ?, demande-t-il encore. Il a déploré la manière dont l’instruction a été conduite. 17 enfants scolarisés sur 33 vivants avec 9 femmes. La partie civile ne s’est même pas présentée, relève-t-il, car elle estime qu’elle n’a cure du procès de ce jour. «Ce n’est pas en jetant en prison ces rigolos que vous aurez rendu justice. Indulgence de votre cour pour ne pas fabriquer des braqueurs professionnels», implore-t-il.
Enchaînant toujours pour la défense, Me Adiss Salami pour Marcellin Noudji fera remarquer la pertinence de la poursuite ; mais pour lui, le ministère public n’y était pas allé avec l’éloquence qu’on lui connait. «Un peu comme si personne ne mérite dix ans pour ce fait d’amateur : ni feu, ni sang, encore moins pas de trouble à l’ordre public. « Ils n’avaient sorti aucune arme ; en considération de la position occupée par chacun, il faudra faire la nuance. Il a compris la leçon, il a dit la vérité ; une faute avouée est à moitié pardonnée», réitère la défense dans ses moyens.
Me Paul Kato Atita pour le dernier, Sylvain Assou : «J’ai suivi vos réquisitions ; vous avez ouvert la voie et fait le travail à moitié ; je vais revenir sur le point litigieux, en ce qui concerne le cas Sylvain Assou. C’est une infraction grave qui emporte une peine de même nature», a-t-il confié. Car, indique-t-il, «il faut vous convaincre et vous supplier de lui faire bénéficier de la réduction de la peine». Sylvain Assou selon Paul Kato Atita avait 26 ans à l’époque des faits : un jeune homme qui n’a pas connu l’amour paternel ; son père a été un enseignant communautaire ; décédé déjà ; sa responsabilité pénale est établie.
Donnez lui la chance de se reconvertir
Il a été élevé par sa mère sans grands moyens ; fuyant la misère, à la recherche du pain quotidien avec un salaire de 25 000 francs CFA. Lorsqu’il a reçu l’offre de Florent pourquoi n’a-t-il pas dit non ? Nulle part, dans le dossier, il n’a concrètement contribué. Le seul rôle et son péché est d’avoir rencontré Florent sur le chemin professionnel ; et Me Paul Kato Atita de retenir qu’il est accessible à la sanction mais avec, selon lui, le bénéfice de circonstances atténuantes, avec une peine assortie de pardon. «Donnez-lui la chance de se reconvertir par sa liberté ; je vous supplie, je vous prie en considérant les circonstances qui militent en sa faveur», demande-t-il.
En dehors de Jean-Pierre N’Bouké mis sous mandat de dépôt le 3 décembre 2009, les 5 autres, à savoir Florent Danmondé, Faustin N’Bouké, Robert Danmado, Marcellin Noudji et Sylvain Assou l’ont été le 22 décembre 2008. Entretemps, Robert Danmado a bénéficié d’une mesure de liberté provisoire et a passé 9 mois et quelques jours de détention préventive.
La cour après plus de deux heures de délibérations les a déclarés coupables d’association de malfaiteurs et vol à main armée sur la base des articles 295 à 298 et 381 alinéa 1 du Code pénal.
Au total, Robert Danmado et Florent Danmondé ont été condamnés à 12 ans de prison pour association de malfaiteurs et co-auteurs de vol à main armée. Faustin N’Bouké, Sylvain Assou et Jean-Pierre N’Bouké ont été condamnés à 9 ans pour association de malfaiteurs et vol à main armée. Quant à Marcellin Noudji, il est condamné à 7 ans pour association de malfaiteurs et vol à main armée.
Robert Danmado retourne en prison pour un peu plus de 11 ans encore tandis que Florent Danmondé y passera encore environ un peu plus de 5 ans. Marcellin Noudji y retourne pour quelques mois pendant que les autres (3) ont encore deux ans environ de détention devant eux.