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Protection de l’enfant dans l’Atacora: Le mariage précoce banni dans une cinquantaine de villages

Société
Brigitte Ouin-Ouro, cheffe du département de la famille, de  l’enfant et de l’adolescent fière de remettre le certificat au représentant du village Koronkoré Brigitte Ouin-Ouro, cheffe du département de la famille, de l’enfant et de l’adolescent fière de remettre le certificat au représentant du village Koronkoré

Quarante-neuf villages du département de l’Atacora viennent de signer l’arrêt définitif des mariages d’enfants. Leaders religieux, chefs de village, comités de veille villageois…, tous s’évertuent à offrir aux enfants une vie paisible, à l’abri du mariage précoce. Les villages concernés ont reçu leurs certificats, jeudi 24 octobre dernier, signe de reconnaissance de leur engagement à la lutte.

Par   Maryse ASSOGBADJO, le 08 nov. 2024 à 06h08 Durée 3 min.
#mariage précoce #Atacora

Le mariage d’enfant, désormais un vieux souvenir dans l’Atacora. Quarante-neuf villages du département viennent de prendre date avec l’histoire pour conjuguer ce phénomène au passé.  Avec leur engagement, on n’entendra plus parler de mariage précoce dans ces zones.  Autorités locales, leaders religieux, pairs éducateurs, tous promettent un changement significatif dans la lutte. Un signal fort et historique !

« En tant qu’imam, nous avons été dotés de registres dans nos mosquées pour accompagner cette noble cause. J’ai mobilisé tous les fidèles et discuté avec les autres imams de mon village pour qu'ils soutiennent cette initiative. J'ai compris que c'était illégal de marier un enfant, fille ou garçon, avant 18 ans », confie Kassa Issifou, Imam. Pour le religieux qui officie dans le village de Dabogohoun, commune de Matéri, la lutte contre le mariage infantile est peut-être une mission difficile, mais pas impossible. « Bien que le changement soit difficile, nous avançons pas à pas. Jusqu’ici, dans ma commune, huit villages sur soixante-dix-sept sont certifiés, et même si ce n’est pas encore suffisant, nous ne baisserons pas les bras», promet-il.

Avec leur sésame de « village certifié sans mariage d’enfants» en main, il est à espérer un changement positif dans les prochains jours au profit des victimes. Pour en arriver là, les comités de veille villageois ont travaillé d’arrache-pied durant des mois afin de rallier non seulement les indécis, mais aussi en veillant aux moindres détails. « La mise en place de mille cinq cent cinquante-huit comités de veille villageois répartis dans les départements de l’Atacora, de la Donga, de Alibori et du Borgou depuis 2022 permet à chaque village de surveiller, d’identifier et de référer les cas de mariages d’enfants. Ces comités, composés de sept à onze personnes incluant des chefs de village, des représentants des femmes et des leaders communautaires, s’assurent que tout incident soit rapporté aux autorités », explique l’Unicef.

Changer la donne

Selon les données du Mics 2021-2022, l’Atacora figure parmi les départements du septentrion qui tiennent la dragée haute en matière de mariage d’enfants au Bénin, avec un record de 34 % juste après l’Alibori (36,6 %). S’ensuivent le Borgou (33,2 %) et la Donga (32,6 %).

Dans l’Atacora, les acteurs entretiennent une dynamique de groupe pour gommer l’image négative qui leur colle à la peau en matière de mariage d’enfants.  Gbahoué Kokou, chef du Guichet Unique de Protection Sociale (Gups) à Kérou, connaît son cahier des charges : « Mon équipe et moi faisons un suivi trimestriel des comités villageois de veille pour évaluer les cas de violences et les progrès enregistrés vers la fin des mariages d’enfants. Ce suivi est nécessaire pour identifier les villages prêts pour la certification. Actuellement, 29 villages sur 43 à Kérou sont certifiés », se réjouit-il.

Autrefois victime, Blandine Namboua a su spontanément saisir la perche lancée par le ministère des Affaires sociales et de la Microfinance, l’Unicef et d’autres organisations de défense des droits de l’enfant pour faire bouger les lignes. « Dès que j'ai appris l'existence de ce projet, j'ai été intéressée parce que moi-même, j'ai été mariée très jeune. Je connais les défis que cela représente. J'ai décidé de lutter pour que d’autres enfants ne subissent pas la même chose. Ce n’est pas facile, mais je suis convaincue que nous arriverons à certifier tous les villages dans quelques années », espère-t-elle.

La certification des villages sans mariages d’enfants s’inscrit dans la promotion des droits des filles, des femmes, du genre et de la cohésion sociale (MoGes) dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori. Deux cent quatre-vingt-onze villages encadrés par l’Ong Educo dans quatre communes seront evalués dans ce cadre. Au nombre de ceux-ci la certification prend en compte quarante-neuf villages dans l’Atacora et quarante-trois dans l’Alibori■