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Violences faites aux femmes: Associer les hommes à la lutte

Société
Par   Maryse ASSOGBADJO, le 28 juin 2018 à 07h16
[caption id="attachment_29734" align="alignnone" width="1024"]Il faut agir sur la mentalité des hommes en renforçant la sensibilisation pour combattre les violences faites aux femmes[/caption]

La lutte contre les violences basées sur le genre est possible si l’on agit sur la conscience des hommes, principaux bourreaux des victimes. La sensibilisation à travers les médias sociaux peut également se révéler comme une arme efficace.

Les violences sur les femmes sont quasi permanentes dans toutes les sphères de la vie sociale au Bénin. Que ça soit en couple, en famille, à l’école, dans les milieux professionnels, les femmes sont quotidiennement exposées à ce phénomène. Cela passe presque pour de la banalité ou un fait divers tant que l’acte de violence n’induit pas de graves conséquences. Au point où, à défaut de s’indigner sur ces cas lorsqu’ils font la ‘’Une’’ des médias, ces actes constituent à la limite du divertissement pour certains individus qui éprouvent du plaisir à les banaliser. 

Dans certaines communautés béninoises, infliger une peine à une femme paraît a priori un acte normal pour des hommes qui n’hésitent pas à raconter à qui veut l’entendre : ‘’comment ils ont dû corriger leurs femmes pour manque de respect’’. Ou ‘’comment ils ont dû remettre à leur place, leurs conjointes pour le fait qu’elles ont oublié de demander une permission pour une sortie’’.
En plein XXIe, les femmes continuent de souffrir le martyre pour leur refus de satisfaire le désir sexuel de leurs conjoints ou de se soumettre totalement à ceux-ci. Que dire des petites filles victimes de viol et d’agression sexuelle tous les jours et dont les cas sont passés sous silence ? Ces faits sont récurrents et se passent en violation constante des lois. Ce qui perpétue le cycle vicieux des violences.
Une étude récente de la Banque mondiale révèle que « plus d’un milliard de femmes ne bénéficient pas d’une protection juridique contre les violences sexuelles conjugales ou intrafamiliales». Intitulée, « Les tendances mondiales et régionales de la protection juridique des femmes contre la violence domestique et le harcèlement sexuel », l’étude souligne que près de « 1,4 milliard de femmes ne sont pas protégées par la loi contre les violences économiques au sein du couple ».
Qu’on le veuille ou non, les violences ont la peau dure en Afrique et au Bénin du fait des normes socioculturelles soutenues par une éducation qui renforce les stéréotypes de genre dans certains milieux. Pourtant, les femmes sont des éducatrices par excellence des hommes. C’est en cela que les violences exercées par les hommes sur elles sont incomprises.
Pour éradiquer le phénomène, il serait intelligent d’associer les hommes à la lutte en agissant sur leur esprit. La prévention doit être envisagée de sorte à transformer, façonner et faire des potentiels bourreaux des partenaires de la lutte contre les violences. Il doit être de même pour les lois existantes dont la vulgarisation dans les diverses langues nationales dans les milieux où le phénomène persiste permettra aux hommes d’être suffisamment imprégnés des conséquences et des peines encourues. Les initiatives incitant les hommes à s’impliquer dans la lutte en remettant en question leurs propres comportements doivent être encouragées. Une répression sérieuse de ces cas permettra d’en venir à bout.

Refuser la complicité

Pour la Banque mondiale, les violences faites aux femmes sont aussi des questions de développement. « Aucune économie ne peut atteindre son plein potentiel sans la participation pleine et entière des hommes et des femmes », souligne la directrice générale de la Banque mondiale, Kristalina Georgieva, dans un communiqué publié par l’institution en mars dernier. Elle met l’accent sur la protection à offrir aux femmes contre les violences pour favoriser leur pleine participation au développement.
La volonté politique visant à promouvoir l’égalité des sexes et de réduire les inégalités conformément aux Objectifs du développement durable (Odd) 4 et 10, risque de demeurer un vœu pieux si la complicité n’est pas découragée. Outre le fait que les victimes se réservent et n’aiment souvent pas dénoncer leurs bourreaux, du fait de la méconnaissance des lois ou du regard social, les violences exercées sur les femmes se jouent en toute complicité. Beaucoup de gens sont témoins de ces scènes ou en sont informés, mais restent souvent inactifs du fait de leur manque de volonté de dénoncer et d'agir.
Selon une étude du ministère en charge de la Famille, citée par l’Ong Médecins du monde (Mdm), en 2017, le niveau de prévalence des violences faites aux femmes et aux filles est de 69%. Et à l’administrateur du Pnud (2009-2017), Hélène Clark, d’ajouter que « L’inégalité hommes-femmes coûte chaque année 95 milliards de dollars à l’Afrique sub-saharienne ».
La lutte contre les violences est une responsabilité collective. Les politiques mettent en place l’arsenal juridique nécessaire pour renforcer la protection des victimes. L’exemple du Bénin est souvent cité dans la sous-région en la matière. Au-delà des textes existants, il va falloir que chaque acteur, chaque individu apporte du sien pour décourager les auteurs.
Le phénomène peut être enrayé si chaque individu refuse d’être acteur passif, en brisant le silence. Pour ce faire, il faut encourager les victimes à la dénonciation. Cette lutte passe également par les jeunes, connus pour leur activisme sur les réseaux sociaux. Des médias tels que Facebook,
Twitter, WhatsApp ou
YouTube sont devenus les premières sources d’information chez les jeunes. Ils ont la possibilité de contribuer à la lutte à travers ces différents comptes, en y partageant des messages de sensibilisation ou en diffusant des messages capables de faire évoluer les mentalités et les stéréotypes en faveur des droits des femmes. Ces vecteurs sont les plus à même de soutenir l’élimination des violences de genre?
Les victimes
masculines

Les violences sur les femmes sont tangibles certes, mais il faut également admettre qu’il y a aussi des victimes masculines, des hommes particulièrement stigmatisés qui subissent silencieusement ce phénomène et éprouvent une telle honte qu’ils s’enferment dans le mutisme. En matière de violences, l’utilisation de la bonne terminologie, par exemple, les expressions «violences faites aux femmes» et « violences basées sur le genre» sont souvent confondues. Ce qui contribue à rendre invisibles les violences faites aux hommes, moins répandues mais qui sont bien réelles.
Le bon usage des termes permettra de faire comprendre que ce phénomène n’est pas une préoccupation qui touche seulement les femmes. Cela facilitera aussi un dialogue sur le fait que des hommes peuvent aussi être victimes de violences perpétrées par des femmes, même si ces cas sont moins fréquents. Dans le cas d’espèce, le même bâton qui a frappé les hommes, auteurs de violences, doit également frapper les femmes qui s’adonnent à ces pratiques déshonorantes. Les femmes, auteures ou complices ne doivent pas non plus échappées aux sanctions en matière de violences. Chaque auteur doit subir la rigueur de la loi.