La Nation Bénin...

Vote du code de l’information et de la communication:Des responsables d’organe de presse se prononcent

Société
Par   zounars, le 25 janv. 2015 à 20h53

En marge de la cérémonie de présentation de vœux, vendredi 23 janvier dernier à la Haute autorité de l'Audiovisuel et de la Communicatin (Haac), certains responsables d’organe de presse sont revenus sur le vote du code de l’information et de la communication par les députés à l’Assemblée nationale. Si pour certains, cela constitue une avancée notable, d’autres par contre s’inquiètent du remplacement des peines privatives de liberté par des amendes.

Edgard Couao-Zotti, DP du journal La Nation

«C’est maintenant que le plus dur commence»

«C’est maintenant que le plus dur commence. Il ne suffit pas d’avoir un code et aller dormir sur ses lauriers. Il faut maintenant commencer par travailler dur pour être de véritables professionnels à qui la loi ne reproche rien. J’ai fait partie de l’équipe qui a suffisamment travaillé pour le code quand j’étais au ministère de la Communication en tant que directeur de la formation. Nous avons travaillé activement pour trouver des moyens financiers afin de procéder à la codification du texte. C’est le moment de rendre hommage à la DANIDA à travers le projet PADEG, aux ministres Marie Elise Gbèdo et Barthélémy Max Awêkê. Les débats ont été houleux quant à la dépénalisation. Mais aujourd’hui, on a un code débarrassé de toute disposition qui jette le journaliste en prison. C’est une bonne chose et nous devons retourner à nos textes, à notre déontologie, à notre éthique pour voir si nous écrivons un mot de trop ou une virgule de moins, si cela ne va pas causer préjudice à autrui. Si nous en sommes conscients, nous devons nous dire qu’il ne faut pas le faire ainsi car, un homme qui est blessé dans son âme, c’est comme un lion enragé et lorsque ce lion enragé n’a pas la possibilité d’envoyer son offenseur en prison, cela peut amener le journaliste à continuer dans ce sens. Je me rappelle, à Porto-Novo, à la deuxième lecture du projet, lorsque magistrats, avocats, greffiers et notaires qui composaient la commission de codification cambraient sur leur position et disaient qu’on ne peut pas enlever une seule virgule de la loi pour faire plaisir aux journalistes, les représentants de la presse se sont entendus pour vider la salle et faire la politique de la chaise vide. Mais à un moment donné, on s’est rendu compte que la politique de la chaise vide ne résoudrait pas le problème. On est alors retourné en salle pour continuer le travail avec le code incluant les dispositions de privation de liberté. Il appartenait au législateur que sont les députés d’en disposer autrement. Je ne peux pas dire que c’est parce qu’ils aiment la presse qu’ils ont décidé de ne pas jeter les journalistes en prison. Ils savent ce qu’ils ont fait, à nous de savoir ce que nous devons faire. Dans l’environnement immédiat, un code débarrassé de toute peine de privation de la liberté résoud le problème de conscientisation, c'est-à-dire que ce n’est pas pédagogique de dire qu’en mettant les journalistes en prison, ils seront éduqués. C’est une manière de dire, on vous voit faire, sachez-vous comporter. Lorsque le journaliste ne sera plus jeté en prison pour un délit d’opinion, il doit pouvoir se dire, il faut que je fasse quelque chose pour mériter cela. Et c’est à ça qu’il faut travailler».

Gérard Agognon, DP du journal l’Evénement Précis et SG/CNPA
«C’est un grand pas même s’il existe encore des aspects liberticides»

«Nous avons des sentiments de joie et de satisfaction. Satisfaction parce que les députés ont, après trois jours de travail acharné, voté le code de l’information et de la communication. Un code qui prend en compte les aspirations des professionnels des médias en ce qui concerne les préoccupations évoquées aux états généraux de la presse de février 2014. Il s’agit des recommandations visant à débarrasser la législation des peines privatives de liberté, des recommandations visant à unifier les textes qui régissent la corporation, celles tendant à créer les conditions nécessaires à l’accessibilité à la publicité de tous les organes de presse, les recommandations tendant à mieux organiser la profession pour qu’on distingue désormais qui est journaliste et qui ne l’est pas, puis les recommandations tendant à accorder des conditions normales de travail aux journalistes en ce qui concerne la convention collective. C’est donc un code qui prend en compte toutes ces innovations qui sera désormais en vigueur dès sa promulgation par le chef de l’Etat. Un pas a donc été franchi en ce sens que la presse est un peu libérée du joug dans lequel elle était. Elle est libérée de l’engrenage dans lequel elle était en ce sens que désormais, on n’emprisonnera plus un journaliste pour les délits d’opinion».

Firimin Gangbé, DP du journal L’Avenir
«J’ai des inquiétudes par rapport au remplacement des peines privatives de liberté par de fortes amendes»

«C’est une avancée. Cela fait 25 ans que je suis dans la presse et depuis tout ce temps il y avait une législation éparse. Le premier avantage de ce code c’est que tout est désormais regroupé et c’est un seul texte de loi qui régit désormais la corporation. C’est une avancée majeure. Mais là où je suis inquiet en tant que promoteur d’organe de presse, c’est la suppression des peines privatives de liberté. J’ai toujours été contre une telle suppression et je l’ai dit à plusieurs occasions sur des chaînes de télévision. C’est vrai que quand il y a des dérapages et autres, c’est les directeurs de publication qui répondent mais il faudrait que nos collaborateurs qui écrivent n’importe quoi, qui foulent au pied les règles de déontologie et qui sont prêts à tout pour de l’argent, soient mis devant leur responsabilité. Toute profession a une réglementation, toute profession à ses normes et ses lois. Ils le savent bien et malgré cela, ils franchissent les barrières pour des miettes en se disant que s’il y a un problème avec la justice, le directeur de publication en répondra. Ce n’est pas normal. Il faut qu’ils aillent en prison. Maintenant avec le remplacement des peines privatives de liberté par des amendes, lorsque l’un de vos collaborateurs se lancera dans cette aventure, on peut vous condamner à payer une très forte amende. Et là on tue l’organe de presse à petits coups et on vous pousse vers la sortie. Ce n’est pas normal, et moi je ne suis pas d’accord. En 25 ans de pratique, j’ai connu seulement deux assignations en justice. Ce n’est pas courant dans la corporation. A l’étape actuelle, je suis le professionnel des médias qui bat le record de longévité à l’Odem. Avant que mon journal ne sorte, je lis toutes les lignes. Des gens commencent à peine trois mois, six mois et ils ont déjà près de huit assignations en justice. Ce n’est pas normal. Je suis pour le maintien des peines privatives de liberté afin que ceux qui commettent ces irrégularités répondent de leur crime. Mais comme la loi a été votée, on est obligé de faire avec».
Euloge Gandaho, DP Le Grand Matin
«Cela nous oblige à faire notre travail de façon professionnelle»

«J’ai une très bonne impression parce que le souhait de tous les professionnels des médias c’était que ce code soit voté. Notre inquiétude, c’est le maintien des peines privatives de liberté. Cela n’a pas été le cas et c’est heureux. Même si nous n’avons pas satisfaction à 100%, c’est déjà bien que les députés aient compris qu’on ne peut pas continuer à jeter les journalistes en prison pour les délits d’opinion. Cela nous oblige aussi à faire notre travail de façon professionnelle. Il faut que nous sachions que désormais il y a des garde-fous et si le travail n’est pas fait comme cela se doit, des amendes sont prévues. Nous ne pouvons plus continuer dans les dérapages, les dérives d’antan. Nous devons tirer leçon de tout ce qui a été fait et nous conformer aux nouvelles dispositions. Cela va aider les professionnels des médias à exercer leur métier en toute indépendance, en toute liberté pour la consolidation de la démocratie au Bénin».