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Reconfiguration du Conseil économique et social: La réaction des syndicats sortis de l’institution

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Anselme Amoussou (à gauche) et Moudachirou Bachabi Anselme Amoussou (à gauche) et Moudachirou Bachabi

Ejectés du Conseil économique et social (Ces), dans sa nouvelle configuration, les syndicats pensent que l’institution vient d’être privée d’un groupe important dont l’avis compte dans le processus décisionnel et le jeu démocratique. 

Par   Ariel GBAGUIDI, le 03 juil. 2024 à 06h24 Durée 3 min.
#Conseil Économique et Social

« Je ne suis pas contre la relecture d’une loi organique qui date de plusieurs années mais je pense que la démarche pose problème ; elle n’est pas inclusive. C’est une décision qui n’est pas bonne », décrie Anselme Amoussou, secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin). Moudachirou Bachabi, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), est du même avis.

Pour les acteurs des organisations syndicales, l’exclusion des représentants de la société civile de la nouvelle nomenclature du Conseil économique et social (Ces) affaiblit le dialogue social, nuit à l’institution au plan international.

Les syndicalistes assurent avoir suivi les débats à l’Assemblée nationale et que l’efficacité recherchée du Ces est revenue à plusieurs reprises. Pour eux, l’efficacité de l’institution ne dépend pas de sa composante mais plutôt du respect des procédures et démarches de fonctionnement prescrites. «C’est un organe de dialogue sociétal au service de l’Exécutif… Pour ma petite expérience au sein du Ces, l’institution a toujours joué sa partition… L’efficacité dépend de l’implication de toutes les parties prenantes dans le jeu démocratique, telle qu’établie par la Constitution», indique Anselme Amoussou, ajoutant qu’il faut rechercher les coupables de l’inefficacité du Ces ailleurs et non au sein de l’institution. « Il y a des questions d’autosaisine sur lesquelles le Conseil a produit des rapports et le gouvernement a entériné en apportant des solutions. Et là le Conseil n’a pas besoin de crier sur tous les toits pour dire que c’est grâce à lui que cela a été fait », renchérit le premier responsable de la Cgtb. Clairement, les syndicalistes ne sont pas convaincus de l’argument sur l’efficacité du Ces.

Pour Anselme Amoussou, la légitimité et la crédibilité du Conseil dépendent de la diversité de ses membres et de la représentation équitable de toutes les parties prenantes. « Notre exclusion, je la perçois comme une tentative de limiter la participation de certains groupes au processus décisionnel; ce qui peut entacher la crédibilité du Ces. En tant que membres du Ces, les syndicats peuvent participer à trouver des compromis acceptables pour toutes les parties. Et leur exclusion prive le Ces de sa capacité à prévenir et à gérer les conflits sociaux et par ricochet agir pour la paix sociale», affirme-t-il.

Selon Anselme Amoussou, la réforme n’a pas été inclusive, car le Ces, explique-t-il, a pour mission de conseiller le gouvernement sur des questions économiques et sociales et les syndicats représentent une partie importante de la population active. « Leur absence au sein du Ces signifie que leurs préoccupations pourraient ne pas être suffisamment prises en compte. Cela peut engendrer des politiques économiques et sociales qui ne reflètent pas la réalité du terrain pour une grande partie de la population », analyse-t-il encore.

Un organe politique désormais?

Aussi, critiquent les syndicats, la nouvelle configuration du Ces donne désormais le sentiment que l’institution est un organe politique alors que cela ne devrait pas être le cas. Là-dessus, Anselme Amoussou déplore que le troisième acteur du dialogue social, après le gouvernement et les employeurs, notamment la société civile et les travailleurs, soit sorti du jeu. «Toute la société civile est sortie. Le gouvernement est présent, le patronat est maintenu mais les travailleurs ont disparu… Qu’est-ce qui peut justifier cela?», se demande le syndicaliste.

Au plan international, informent les syndicalistes, la participation des syndicats au sein des organes consultatifs économiques et sociaux comme le Ces, est une pratique courante et reconnue pour son efficacité à promouvoir un dialogue social constructif. Avec la nouvelle configuration de l’institution, ils craignent que le Bénin se retrouve en déphasage par rapport aux pratiques internationales en matière de gouvernance économique et sociale. Le secrétaire général de la Cgtb ajoute qu’avant le vote de la nouvelle loi, les organisations syndicales ont fait un plaidoyer à l’endroit des députés pour leur expliquer un certain nombre de choses sur le fonctionnement, les actions du Ces ainsi que les plaintes et procès d’intention envers l’institution et ses membres.

Des raisons de la réforme ?

Suivant le rapport présenté par la Commission des Lois, depuis 32 ans, la structuration, la composition et le fonctionnement du Conseil économique et social ont progressivement érodé sa vitalité et sa visibilité. De plus, le rapport précise que l’évaluation de la loi n° 92-10 du 16 juillet 1992 portant loi organique du Conseil économique et social a révélé diverses insuffisances au regard de l’évolution de la société et qu’il s’est avéré impérieux de l’actualiser pour l’adapter aux nouvelles réalités de la société béninoise et la rendre plus dynamique et apte à exercer les fonctions constitutionnelles qui lui sont dévolues.

Ainsi, aux termes de la nouvelle loi, le Conseil économique et social est organisé en conseils départementaux et en conseil national. Le Ces départemental est composé d’une personnalité désignée par chacun des corps de métiers ci-après : le corps des métiers du secteur agricole ; le corps des métiers du secteur de l'artisanat ; le corps des métiers du secteur du commerce et de l'industrie. Il est aussi composé de quatre personnalités désignées par l’Assemblée nationale à raison de sa configuration politique ; de deux personnalités désignées par le président de la République.

Au niveau national, le Conseil économique et social est composé: du président de chaque Ces départemental ; d'une personnalité désignée par le président de la République; de trois personnalités désignées par l’Assemblée nationale en tenant compte de sa configuration politique ; du président du patronat; du président de la Chambre de commerce et d'industrie du Bénin ; du président de la chambre des métiers et d'une personnalité du secteur des Arts et de la Culture désignée suivant les modalités fixées par décret pris en Conseil des ministres.