La Nation Bénin...
Ejectés
du Conseil économique et social (Ces), dans sa nouvelle configuration, les
syndicats pensent que l’institution vient d’être privée d’un groupe important
dont l’avis compte dans le processus décisionnel et le jeu démocratique.
«
Je ne suis pas contre la relecture d’une loi organique qui date de plusieurs
années mais je pense que la démarche pose problème ; elle n’est pas inclusive.
C’est une décision qui n’est pas bonne », décrie Anselme Amoussou, secrétaire
général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin). Moudachirou Bachabi, secrétaire général de la
Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), est du même avis.
Pour
les acteurs des organisations syndicales, l’exclusion des représentants de la
société civile de la nouvelle nomenclature du Conseil économique et social
(Ces) affaiblit le dialogue social, nuit à l’institution au plan international.
Les
syndicalistes assurent avoir suivi les débats à l’Assemblée nationale et que
l’efficacité recherchée du Ces est revenue à plusieurs reprises. Pour eux,
l’efficacité de l’institution ne dépend pas de sa composante mais plutôt du
respect des procédures et démarches de fonctionnement prescrites. «C’est un
organe de dialogue sociétal au service de l’Exécutif… Pour ma petite expérience
au sein du Ces, l’institution a toujours joué sa partition… L’efficacité dépend
de l’implication de toutes les parties prenantes dans le jeu démocratique,
telle qu’établie par la Constitution», indique Anselme Amoussou, ajoutant qu’il
faut rechercher les coupables de l’inefficacité du Ces ailleurs et non au sein
de l’institution. « Il y a des questions d’autosaisine sur lesquelles le
Conseil a produit des rapports et le gouvernement a entériné en apportant des
solutions. Et là le Conseil n’a pas besoin de crier sur tous les toits pour
dire que c’est grâce à lui que cela a été fait », renchérit le premier
responsable de la Cgtb. Clairement, les syndicalistes ne sont pas convaincus de
l’argument sur l’efficacité du Ces.
Pour
Anselme Amoussou, la légitimité et la crédibilité du Conseil dépendent de la
diversité de ses membres et de la représentation équitable de toutes les parties
prenantes. « Notre exclusion, je la perçois comme une tentative de limiter la
participation de certains groupes au processus décisionnel; ce qui peut
entacher la crédibilité du Ces. En tant que membres du Ces, les syndicats
peuvent participer à trouver des compromis acceptables pour toutes les parties.
Et leur exclusion prive le Ces de sa capacité à prévenir et à gérer les
conflits sociaux et par ricochet agir pour la paix sociale», affirme-t-il.
Selon
Anselme Amoussou, la réforme n’a pas été inclusive, car le Ces, explique-t-il,
a pour mission de conseiller le gouvernement sur des questions économiques et
sociales et les syndicats représentent une partie importante de la population
active. « Leur absence au sein du Ces signifie que leurs préoccupations
pourraient ne pas être suffisamment prises en compte. Cela peut engendrer des
politiques économiques et sociales qui ne reflètent pas la réalité du terrain
pour une grande partie de la population », analyse-t-il encore.
Un
organe politique désormais?
Aussi, critiquent les syndicats, la nouvelle configuration du Ces donne désormais le sentiment que l’institution est un organe politique alors que cela ne devrait pas être le cas. Là-dessus, Anselme Amoussou déplore que le troisième acteur du dialogue social, après le gouvernement et les employeurs, notamment la société civile et les travailleurs, soit sorti du jeu. «Toute la société civile est sortie. Le gouvernement est présent, le patronat est maintenu mais les travailleurs ont disparu… Qu’est-ce qui peut justifier cela?», se demande le syndicaliste.
Au
plan international, informent les syndicalistes, la participation des syndicats
au sein des organes consultatifs économiques et sociaux comme le Ces, est une
pratique courante et reconnue pour son efficacité à promouvoir un dialogue
social constructif. Avec la nouvelle configuration de l’institution, ils
craignent que le Bénin se retrouve en déphasage par rapport aux pratiques
internationales en matière de gouvernance économique et sociale. Le secrétaire
général de la Cgtb ajoute qu’avant le vote de la nouvelle loi, les
organisations syndicales ont fait un plaidoyer à l’endroit des députés pour
leur expliquer un certain nombre de choses sur le fonctionnement, les actions
du Ces ainsi que les plaintes et procès d’intention envers l’institution et ses
membres.
Des
raisons de la réforme ?
Suivant le rapport présenté par la Commission des Lois, depuis 32 ans, la structuration, la composition et le fonctionnement du Conseil économique et social ont progressivement érodé sa vitalité et sa visibilité. De plus, le rapport précise que l’évaluation de la loi n° 92-10 du 16 juillet 1992 portant loi organique du Conseil économique et social a révélé diverses insuffisances au regard de l’évolution de la société et qu’il s’est avéré impérieux de l’actualiser pour l’adapter aux nouvelles réalités de la société béninoise et la rendre plus dynamique et apte à exercer les fonctions constitutionnelles qui lui sont dévolues.
Ainsi,
aux termes de la nouvelle loi, le Conseil économique et social est organisé en
conseils départementaux et en conseil national. Le Ces départemental est
composé d’une personnalité désignée par chacun des corps de métiers ci-après :
le corps des métiers du secteur agricole ; le corps des métiers du secteur de
l'artisanat ; le corps des métiers du secteur du commerce et de l'industrie. Il
est aussi composé de quatre personnalités désignées par l’Assemblée nationale à
raison de sa configuration politique ; de deux personnalités désignées par le
président de la République.
Au
niveau national, le Conseil économique et social est composé: du président de
chaque Ces départemental ; d'une personnalité désignée par le président de la
République; de trois personnalités désignées par l’Assemblée nationale en
tenant compte de sa configuration politique ; du président du patronat; du
président de la Chambre de commerce et d'industrie du Bénin ; du président de
la chambre des métiers et d'une personnalité du secteur des Arts et de la
Culture désignée suivant les modalités fixées par décret pris en Conseil des
ministres.