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Loin de Cotonou et des autres villes du Grand Nokoué, les autres communes s’évertuent, tant bien que mal, à instaurer et renforcer leur mécanisme de gestion des déchets solides ménagers. Dans le Mono, la pré-collecte connait un succès relatif grâce aux Ong partenaires du Groupement intercommunal du Mono. Mais si la gestion des déchets solides ménagers dans ce département a connu un essor, c’est en partie grâce au Projet d’amélioration des acquis et de valorisation des déchets.
La pré-collecte des déchets solides ménagers est structurée autour d’un zonage confié à différentes structures partenaires de Gi-Mono. Chaque équipe intervient dans un périmètre précis, passant de maison en maison avant d’acheminer les déchets vers les sites de regroupement. À Comè, les collectes sont effectuées deux fois par semaine. « Nous ramassons les ordures deux fois par semaine dans notre zone », confirme Adan Coffi, agent de collecte.
Cette organisation repose sur un minimum de professionnalisme. Avant d’entrer en fonction, les agents reçoivent des formations sur les méthodes de travail et les règles de sécurité. « Avant le démarrage, nous recevons quelques formations sur la manière de faire le travail pour qu’il soit assez aisé », explique Adan Coffi. L’introduction progressive des tricycles, en remplacement des pousse-pousse, s’inscrit dans la logique d’amélioration des conditions de travail.
Pourtant, cette modernisation reste relative. Même si les outils évoluent, la pénibilité du travail demeure. Les agents doivent composer avec des charges lourdes, des trajets longs et un environnement parfois hostile.
Sur le terrain, un problème revient avec insistance : la nature même des déchets collectés. Les agents dénoncent le mélange fréquent du sable aux ordures ménagères. « Comme difficulté, il se fait que certains clients ramassent du sable dans les ordures. Ce qui complique la tâche », déplore Adan Coffi. Le sable alourdit les bacs, ralentit le travail et use prématurément le matériel.
Ce constat est partagé par Kouamé, agent collecteur à Comè depuis environ trois ans. Ayant connu l’époque des pousse-pousse, il observe les effets concrets de cette pratique sur le terrain. « Par le passé, nous utilisions les pousse-pousse. Actuellement, ce sont les tricycles. Je mets du temps à m’y habituer, mais cela nous facilite beaucoup le travail », reconnaît-il, tout en soulignant que l’efficacité de ces engins est mise à mal lorsque les déchets sont mal conditionnés.
Pour Kouamé, la solution passe moins par de nouveaux équipements que par un changement de comportement. Son souhait est que la sensibilisation soit renforcée afin que les ménages cessent d’ajouter du sable aux ordures, pour que le ramassage soit plus fluide et moins éprouvant.
Les agents reconnaissent néanmoins certaines avancées. La mise à disposition d’équipements de protection individuelle marque une rupture avec les anciennes pratiques. Bottes, gants et cache-nez font désormais partie de leur quotidien. Kouamé s’en réjouit, estimant que ces outils réduisent les risques sanitaires dans un métier longtemps exercé sans protection adéquate.
Mais cette amélioration ne compense pas le sentiment d’un service public sans véritable statut. Les agents assurent une mission essentielle à la salubrité urbaine, sans bénéficier d’une reconnaissance à la hauteur de leur rôle.
A bout ?
Au-delà des conditions de travail, la fragilité financière du dispositif apparaît comme un maillon faible. Les structures en charge de la pré-collecte dépendent presque exclusivement des contributions des ménages abonnés. Or, ces recettes sont jugées insuffisantes pour couvrir les charges réelles en termes de carburant, entretien et amortissement du matériel roulant, paiement des salaires.
L’irrégularité des paiements complique davantage la situation. Malgré des tarifs relativement bas, de nombreux abonnés tardent à honorer leurs engagements, plaçant les structures dans une instabilité permanente.
Pour Mao Atikpo, président de l’Ong Gaepro, partenaire de Groupement intercommunal du Mono, la question des subventions est centrale. Sans appui institutionnel, estime-t-il, le système peine à survivre. Fort de son expérience passée dans la pré-collecte à Cotonou avant l’avènement de la Société de gestion des déchets et de la salubrité (Sgds), il rappelle que des modèles plus structurés ont existé, tout en refusant de noircir le tableau actuel par amertume personnelle.
À Comè, la pré-collecte des déchets solides ménagers continue de fonctionner, mais à quel prix ? Entre modernisation partielle, déficit de civisme et fragilité financière, le système repose largement sur l’endurance des agents de terrain. « Nous faisons notre part », semblent dire Adan Coffi et Kouamé à travers leurs témoignages, « seulement, nous ne pouvons pas tout porter seuls ».
La question du paiement des redevances pour la gestion des déchets solides suscite des réactions diverses au niveau des ménages. Entre compréhension des enjeux sanitaires et préoccupations économiques, les voix des femmes, principales interlocutrices des agents de pré-collecte, traduisent une réalité nuancée.
Élisabeth Sogon, ménagère à Comè, reconnaît l’importance du service. « Quand les déchets sont bien collectés, les maladies diminuent et le cadre de vie s’améliore », explique-t-elle. Toutefois, elle souligne les difficultés financières de certains foyers. Pour elle, le paiement des redevances devrait être plus flexible, avec des tarifs adaptés aux revenus modestes et une meilleure communication sur l’utilisation des fonds.
À Lokossa, Ablavi Kouassivi, commerçante, se montre plus favorable au principe de paiement. Elle estime que « tout service a un coût » et que la propreté des marchés et des quartiers profite directement aux activités économiques. Néanmoins, elle insiste sur la régularité du service : « Si on paie, il faut que la collecte soit constante et visible. »
Jèmila, couturière à Lokossa, a un avis mitigé. Si elle reconnaît les bénéfices environnementaux, elle regrette le manque d’information. « Beaucoup de femmes ne savent pas exactement à quoi sert la redevance ni comment elle est fixée », dit-elle, plaidant pour des séances de sensibilisation de proximité.
De son côté, maman Léa, tricoteuse, met l’accent sur la responsabilité collective. Elle estime que le paiement des redevances doit s’accompagner d’un changement de comportements : tri des déchets, respect des jours de collecte et lutte contre les dépotoirs sauvages.