La Nation Bénin...
Le
dynamisme qui caractérise la fabrication du charbon dans les communes de la
région du Moyen-Ouémé est sans égal. Malgré la création et l’installation des
marchés ruraux de bois, l’incapacité à maîtriser le grand circuit de cette
activité demeure une préoccupation. Cette situation met en péril les forêts.
Un
spectacle qui n’échappe pas aux regards, le long de la route
Dassa-Zoumè-Savalou-Bassila-Bantè, surtout à Akpassi, et de l'axe
Djidja-Tchaourou, sur la Rnie 2, c’est la quantité importante de sacs de
charbon exposée. On s’imagine tout ce qui est stocké au niveau des concessions
ou dans les champs et fermes. A cette allure, il ne restera plus rien des
forêts pour les générations à venir. C’est un véritable désastre qui est en
train de se produire.
En
effet, après un regain d’exploitation d’Atchérigbé jusqu’à Paouignan,
l’activité se déroule de façon moindre à Dassa, Moumoudji et Mondjigangan. A
Idjaka, Itagui, Tankossi, Gomè, Sokponta et Glazoué, elle se fera un peu plus
rare. Cela, avant d’être à nouveau moindre dans les localités de Thio, Bethel,
Gobé, Diho, Ouoghi, Montewo, Atesse, Alafia, Tchayagbangban et Gogoro. C’est à
Okounfo qu’elle reprendra avec une grande intensité, laissant entrevoir le
désastre occasionné dans la forêt. A Gbèdè, Kokoro, Ansèkè, Agboro Komboun,
Yahoui, Kilibo, Toui, Odo Akaba, Papané, Tchaourou, Guinirou, Gaah-Baka,
Tékparou et Gokanan, elle va s’accentuer, redevenant sans importance à
Tchatchou. Il ne s’agit que des localités de la région du Moyen-Ouémé, la
partie médiane du pays arrosée par le fleuve Ouémé et considérée comme l’un des
principaux bassins d’approvisionnement en bois énergie.
Au niveau de ces localités, nombreuses sont les populations qui vivent de cette activité. Et c’est parce que les pluies se sont installées et qu’il est de plus en plus difficile de la mener, que certaines parmi elles se sont mises au repos, pour mieux s’occuper de leurs champs ou fermes. Sinon qu’elles l’exercent pour la plupart, au mépris de toutes les règles relatives à la préservation des forêts.
Les
nombreux efforts consentis dans le cadre de la conservation et restauration des
forêts risquent ainsi d’être anéantis.
Mais, avec l’avènement de la Communauté forestière du Moyen-Ouémé (CoForMO)
dont il est le directeur des Services intercommunaux, Mesmin Agboton-Géo ne
veut pas céder au défaitisme.
Au
nombre des actions que son institution portée par la volonté de neuf communes
de s'associer dans la gestion de leur patrimoine forestier a réalisées, il cite
la création des marchés ruraux de bois (Mrb). Ce sont des sites de vente de
bois-énergie agréés par l'administration forestière et gérés par des structures
locales de gestion (Slg). Dans le cadre de la gestion durable des ressources
forestières avec l’implication des collectivités locales, ils sont
approvisionnés à partir des zones d'exploitation délimitées.
En
effet, c’est en 2008 que le Bénin a adopté une stratégie nationale de mise en
place des Mrb gérés par des structures villageoises, dans un contexte de
décentralisation qui responsabilise les communes en matière de gestion durable
de leurs forêts. L’objectif, c’est de voir les populations locales qui en
tirent un revenu suffisant grâce à ces marchés, s’impliquer également dans la
gestion conservatoire des ressources forestières.
A
son niveau, la CoForMO a créé huit Mrb, un à Tchaourou, quatre à Ouèssè, deux à
Savè et un à Glazoué, plus précisément à Aklampa. A Dassa-Zoumè, il en existait
déjà un qu’elle a contribué à redynamiser. Ce qui fait au total neuf Mrb qui
sont sous sa gestion.
C’est
à cause du potentiel forestier dont regorge la commune de Ouèssè, explique
Mesmin Agboton-Géo, qu’elle a quatre Mrb installés sur son territoire. Elle
pouvait même en avoir plus. « Ses populations ont été beaucoup plus favorables,
en mettant assez de leurs terres à disposition pour la mise en place des forêts
communautaires », précise-t-il.
A
Ouèssè, détaille l’animateur forestier local (Afl), Finagnon Emmanuel Aklou, il
y a deux grands blocs constitués par les villages riverains des forêts et qui
alimentent les quatre marchés. Situé à Gbanlin, le premier marché est celui de
Yénawa. Le deuxième, celui d’Allowanou, est à Djègbé. A Botinhouégbo, il y a le
Mrb Gbédokpo, puis à Gbédé, le Mrb Kpédékpo.
En
dehors de la forêt de Boé-Tandou, Tchaourou a encore un autre site
d’aménagement qui regroupe sept villages. Il est composé de deux blocs, celui
d’Atou-Baba et le second, le bloc d’Anfanni. « C’est au niveau de ces blocs que
l’on a procédé aux délimitations des parcelles en aires de coupes par an,
lesquelles alimentent le Mrb qui génère des revenus pour les villages, la
commune, selon une clé de répartition », informe l’Afl de Tchaourou basé à
Kika, Sylvain Edikou.
A Savè, il y a un Mrb à Gogoro autour duquel sont regroupés les villages de Kaboua, Tchayagbangban, Gogoro et Okounfo. L’autre Mrb est alimenté par les villages d’Alafia, Montéwo, Atesse et Ouoghi.
En l’absence des Mrb, l’activité échappe à tout contrôle. Ce qui se traduit par une sortie anarchique des sacs de charbon des forêts.
«
Notre souhait est de voir la mairie et les élus locaux, nous aider à faire
grandir les Mrb et augmenter leur nombre », laissera entendre l’Afl de Glazoué,
David Ayébi Affoukou. Ce qui, espère-t-il, fera augmenter le montant des
revenus à répartir entre les acteurs concernés, les villages et les communes.
Chacun
de ces marchés est doté d’une structure locale de gestion (Slg) avec un Conseil
d’administration, un bureau de gestion et d’un commissariat aux comptes. Tous
fonctionnent, mais pas tout au long de l’année. Un quota annuel à prélever dans
les forêts, non révisable en cours d’année, est alloué à chaque structure
locale de gestion. Il est défini en fonction des zones propices à
l'exploitation, puis de la quantité de bois-énergie que l'on peut y prélever
sans préjudice pour l'environnement.
«
Là où il y a des forêts, nous avons installé des Mrb qui sont contrôlés. Donc
la quantité de bois qu’il faut prélever dans chacune d’elles et chaque année
est connue à l’avance. Lorsqu’elle est atteinte, quelle que soit la période de
l’année, on arrête. Le marché est alors fermé et ça fait à l’année prochaine »,
clarifie Mesmin Agboton-Géo. «C’est une démarche de gestion durable. Et puis,
c’est planifié et par rotation. Ainsi, en début de campagne, on connaît la
quantité et le nombre de camions qui doivent sortir de chaque forêt. Pour 2024,
2025, 2026 etc., on connait déjà la quantité de charbon qui doit sortir de
chaque forêt. Mais l’année prochaine, dans la même forêt, lorsqu’on serait en
train d’exploiter un endroit, celui qui l’avait été la précédente campagne fera
l’objet d’un reboisement. Au niveau d’une forêt, chaque fois qu’on finit
d’exploiter une zone, on la reboise l’année suivante. Donc, sur une période de
10 ans, avec les espèces qui sont mises en place, on a espoir qu'on pourra
revenir encore au même endroit où la plantation a été réalisée avec des
essences à croissance très rapide. A partir de la forêt obtenue, l’exploitation
peut continuer », soutient-il un peu plus loin.
Ainsi,
quel que soit le moment, si le nombre de sacs envisagé est atteint, le marché
est automatiquement fermé. Il n’y aura plus d’exploitation de bois en
provenance de cette forêt, jusqu’à la fin de la période qui était normalement
prévue pour l’activité.
Mais,
déplore l’Afl de Ouèssè, Finagnon Emmanuel Aklou, il y a toujours des brebis
galeuses qui parviennent à contourner la stratégie et le dispositif qui ont été
mis en place. « A vrai dire, nous n’avons pas encore maîtrisé le grand circuit
de fabrication du charbon de bois. Ainsi, quand bien même nous procédons à la
fermeture des marchés ruraux de bois, il y en a qui réussissent à amener leurs
charbons un peu partout », se plaint-il. « Ils arrivent à les faire sortir de
la forêt par des voies détournées. Sur le terrain, nous n’avons pas encore
réussi à cerner cette situation. Mais, nous veillons à ce que les marchés
soient fermés, lorsque le quota fixé est atteint au niveau d’une forêt »,
poursuit-il.
A
ce niveau, ce n’est pas que, représenté par l’administration forestière, l’Etat
fait preuve de laxisme. Dans ces marchés, l'administration forestière ne
délivre que des coupons de couleur bleue. Lorsque le quota requis est atteint,
elle ne les donne plus et le marché ne fonctionne plus. Il est alors fermé.
Mais à Aklampa, dans la commune de Glazoué, la situation n’est pas la même. Le
marché a été suspendu d’exploitation au titre de l’année 2024, par décision de
la direction générale des Eaux, Forêts et Chasse (Dgefc) en date du 6 mai
dernier. C’est suite à une crise, après des dénonciations de mauvaise gestion.
Il est reproché à la structure locale de gestion (Slg) de ce marché,
l’exécution de certaines dépenses de fonctionnement sans justificatifs, ainsi
que la mauvaise tenue des documents de gestion par son gérant
Le premier des critères pour bénéficier de l’installation de Mrb, informe Mesmin Agboton-Géo, est que la forêt devant l’alimenter doit disposer d’un potentiel d’au moins 50 % sur sa superficie qui doit être au moins de 100 ha. « Sur ces 100 ha, est-ce qu’on a au moins 50 qui disposent de bois que l’on peut exploiter pendant 10 ans ? Un autre critère, il faut que la superficie minimale soit de 100 ha, de façon à ce que pendant 10 ans, l’on puisse avoir au moins 10 ha à exploiter chaque année», précise-t-il. « A Banté et Savalou, on pourrait le faire. Mais à condition qu’on puisse mettre ensemble les forêts de plusieurs de leurs villages. On pourrait alors avoir des ensembles de plus de 100 ha », estime-t-il.
Par ailleurs, les perspectives pour que Bassila bénéficie également d’un marché sont encourageantes. Selon les informations recueillies, Djidja n’en a pas parce que sa forêt ne dispose pas d’assez de potentiel