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Evaluation de la Vision Bénin Alafia 2025: Un bilan mi-figue, mi-raisin

Economie
Hormis quelques progrès significatifs, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs Hormis quelques progrès significatifs, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs

Le bilan est mitigé en ce qui concerne les résultats d’opérationnalisation de la Stratégie de développement « Vision Bénin Alafia 2025 ». C’est du moins ce qui ressort de l’évaluation en prélude à la formulation de la Vision de développement 2060.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 20 déc. 2023 à 05h27 Durée 4 min.
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A deux ans de l’échéance, la vision prospective « Bénin Alafia 2025 » qui devrait servir de boussole aux politiques nationales de développement, affiche un bilan peu élogieux. Hormis quelques progrès significatifs, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs, d’après l’étude évaluative présentée lors du lancement du processus de formulation de la Vision nationale de développement 2060, fin novembre à Cotonou.

« Le Bénin est en 2025 un pays phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social ». Telle est l’ambition affirmée dans ce document de politiques publiques. Au bilan, le scénario prospectif « Alafia» qui sous-entend le bonheur partagé, l’amoindrissement des peines, la fin des souffrances, le bien-être, la satisfaction, la quiétude à tout point de vue, la prospérité, le progrès sur tous les plans, ne s’est pas totalement réalisé, d’après les conclusions de l’évaluation présentées par le consultant Antonin Dossou, économiste et ancien ministre.

En 2025, le taux de croissance économique devrait atteindre 12,4 % et le produit intérieur brut (Pib) par tête d’habitant devrait doubler par rapport à celui de 2000. A l’appréciation des documents d’opérationnalisation, notamment les programmes d’action des gouvernements successifs, la Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (Scrp 2011-2015), des évaluations intermédiaires (2010 et 2017) et à l’aune des entretiens et perceptions des réalisations concrètes, l’on est loin du compte. Outre l’arrimage de plusieurs projets et programmes sectoriels à la Vision, l’opérationnalisation a eu du plomb dans l’aile.

Pourtant le rêve était bien « réaliste », disait le professeur Jules Ahodékon, l’un des auteurs du document adopté comme boussole de l’action publique et du développement en 2000. D’autres programmes, notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement (Omd) adoptés par les Nations Unies en 2000 et mieux vulgarisés, ont très tôt ravi la vedette à Bénin Alafia 2025.

Pertinence

Structurée autour de 5 piliers, 8 orientations stratégiques, 37 options et 191 axes stratégiques, la Vision met l’accent sur la consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté, la diplomatie active de proximité et de coopération internationale, l’aménagement harmonieux du territoire, le développement technologique, l’enracinement des bases humaines et matérielles du développement et des valeurs familiales et communautaires. Elaboré suivant une démarche participative et inclusive, le document reste pertinent et cohérent, selon le pool de consultants. Il souligne aussi un problème d’imputabilité contrefactuelle des effets, signalant un retard dans la déclinaison opérationnelle ordonnée, même si un certain rattrapage est opéré à travers le Plan national de développement (Pnd) 2018-2025.

L’évaluation montre que les aspirations des populations demeurent actuelles et que la transformation de l’économie est toujours attendue. La part de la valeur ajoutée du secteur industriel dans le Pib global reste faible : entre 14,64 % en 2018 et 17,02 % en 2022.

Entre 2000 et 2010, le taux d’investissement est seulement de 14,96 % contre 22,54 % attendu, soit un écart de 7,58 points de pourcentage (pdp). Le taux de croissance économique sur la période était attendu à 7%, mais il s’affiche à 4,06 %, soit un écart de 2,94 pdp. La prévision ajustée du Pib par tête d’habitant à 473 287 F Cfa en 2010, ressort à 482 865 F Cfa, soit un dépassement de 9 578 F Cfa.

Sur la période 2011 à 2020, la synthèse par rapport aux cibles initiales indique qu’en 2015, la grande majorité de la population active serait au travail et le taux de chômage se situerait en dessous de 5 %. A l’évaluation, le taux est de 2 %, soit un écart de 3 %. Le revenu par tête qui devrait s’élever à 606 399 F Cfa environ en 2020, est monté à 688 588 F Cfa, soit un dépassement de 82 189 F Cfa.

Du grain à moudre !

Quant au Pib, il devrait passer de 5 % en 2000 à 15 % en 2020. La réalisation s’affiche à 12,30 %, soit un écart de 2,70 points de pourcentage.

Entre 2021 et 2025, le taux de croissance se réaliserait en moyenne autour de 6,30 %, loin des 12,4 % prévus, soit un écart de 6,10 pdp. La prévision du Pib par tête d’habitant qui devrait doubler par rapport à celui de 2000 pour atteindre 300 000 F, est ajustée à 887 415 F Cfa, mais la réalisation affiche 742 329 F Cfa, soit un dépassement de

145 086 F Cfa. Plus d’une personne sur trois vivent en dessous du minimum vital. La pauvreté sévit plus en milieu rural qu’en milieu urbain.

De la mise en œuvre de Bénin Alafia 2025, il importe d’en prendre de la graine pour la construction de la Vision Bénin 2060. Les évaluateurs notent que sa construction n’a pas induit une mise en œuvre systématique et se demandent si le maillon manquant est dû à l’agenda politique ou à l’influence des partenaires au développement.

De même, le mécanisme de pilotage de la mise en œuvre de la Vision n’a pas permis une révision régulière et l’implication d’acteurs au-delà des services de l’Administration publique. Le partenariat public-privé devant améliorer la capacité d’exécution des projets et programmes n’a pas été organisé et systématisé. D’où il convient désormais d’insister sur les mécanismes de financement alternatifs pour atteindre les objectifs. La communication et la promotion pour matérialiser la Vision en vue d’une appropriation généralisée ont aussi fait défaut.

La Vision nationale de développement à l’horizon 2060 devra tenir compte de la capitalisation des bonnes pratiques issues des programmes d’action du gouvernement. Il est question de corriger les imperfections du passé pour aboutir au renforcement des capacités nationales d’anticipation et d’action, face aux profondes mutations et transformations en cours ou à venir.