Politique fiscale et douanière au Bénin: Quatre priorités de gouvernance des opérations
Economie
Par
Claude Urbain PLAGBETO, le 05 avr. 2023
à
08h53
Le taux de pression fiscale reste encore faible au Bénin, malgré les récentes avancées. Le Fmi propose une stratégie articulée autour de quatre priorités pour améliorer la gouvernance des opérations fiscales et douanières.En dépit des réformes visant à améliorer et à moderniser les administrations fiscale et douanière ces dernières années, le taux de prélèvement fiscal au Bénin se situe encore autour de 11,2 % du produit intérieur brut (Pib), en dessous de la moyenne de l’Union économique et monétaire ouest-africaine qui est de 12,9 % en 2021, d’après le Rapport 2022 Bénin - Diagnostic de la Gouvernance publié en février dernier par le Fonds monétaire international (Fmi). Cette situation peut s’expliquer notamment par le système fiscal ca-ractérisé par une assiette fiscale étroite et d’importantes dépenses fiscales (1,7 % du Pib en 2020). Le niveau de mobilisation des recettes dépend fortement des aléas du marché international en général et des soubresauts des échanges avec le Nigeria en particulier, et de la compétition fiscale régionale qui contribue à éroder l'assiette fiscale (entre divers ports de la sous-région), indique le document.
Pour le Fmi, l’insuffisance du niveau d’adhésion au système fiscal et douanier est l’indice d’une vulnérabilité préoccupante. En fait, une large propor-tion d’opérateurs économiques béninois opère dans le secteur informel. La majorité des unités de production non enregistrées au Bénin (56 % contre 54,1 % pour l’Uemoa) prétend ne pas savoir s’il faut s’enregistrer ;
21,1 % des unités (contre 25,3 % dans l’Union) pensent que l’enregistrement n’est pas obligatoire et 17,1 % (contre 9,2 % au niveau sous-régional) estiment que les démarches d’enregistrement sont trop compliquées, selon une étude réalisée en 2018 par l’ex-Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae) avec l’appui technique de l’Observatoire économique et statistique d’Afrique subsaharienne (Afristat). La même enquête a révélé que 76,1 % des chefs de ces unités de production informelles (contre 67,1% pour l’Uemoa) ne sont pas prêts à payer l’impôt sur leur activité, tandis que seulement 19,5 % (26,2 % au niveau de l’Uemoa) ont répondu favorablement au principe. Seuls 4,4 % (contre 6,7 % pour l’Uemoa) paient déjà l’impôt sur leur activité.
Potentiel non taxé
La faible adhésion des entrepreneurs de l’informel va de pair avec la perception d’un niveau de corruption élevé dans les administrations fiscale et douanière. Les agents des administrations fiscale et douanière ont auprès du public l’image la plus écornée en termes de prévalence de la corruption (72,2 %) devant la police (65,4 %), les juges, magistrats et personnels de justice (69,7 %) et les députés et membres du parlement
(69,1 %), selon l’étude.
Pour améliorer la gouvernance des opérations fiscales et douanières, le Fmi propose une stratégie qui s’articule autour de quatre priorités. La première est relative à la fixation des objectifs de recettes fiscales et douanières qui reposerait sur la définition d’un cadre théorique d’évaluation des besoins de financement des dépenses publiques, la détermination du potentiel fiscal non taxé du pays qui permettrait d’évaluer les marges liées à une amélioration du civisme fiscal et la détermination du niveau et du rythme de réduction du po-tentiel non taxé du pays. Cette approche vise à contribuer à la « mise sous tension » des administrations fiscale et douanière et les inscrit en cohérence avec les objectifs macroéconomiques et macro-budgétaires du pays.
La Stratégie de recettes de moyen terme (Srmt), dont l’adoption est prévue pour fin septembre 2023 aux termes du programme conclu avec le Fmi, peut constituer le vecteur privilégié pour cristalliser une telle démarche qui permettra de juger de l’efficacité et de l’efficience des administrations de recettes.
La deuxième priorité, selon le Fmi, est relative à la modernisation de la gestion des ressources humaines pour instaurer une gouvernance performante des administrations fiscale et douanière. A cet effet, le Fonds préconise le développement des outils de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (Gpeec) pour faciliter l’adaptation des ressources humaines aux objectifs stratégiques des administrations publiques.
Coopération
La modernisation des politiques et leviers de motivation des agents devra mettre un accent sur la transparence des rémunérations, afin de promouvoir les multiples composantes de la performance (productivité, réactivité, efficience, qualité de service) ou de valoriser les compétences (technicité, ampleur des responsabilités) et d’articuler la performance individuelle et collective.
La troisième priorité concerne l’informatisation comme instrument de lutte contre la corruption au sein des administrations de recettes. Cela passe par la mise en place d’un système de mesure de l’impact de la digitalisation sur les comportements déviants. Il est important de réduire au maximum les ilots restants de gestion manuelle, comme au niveau de l’administration fiscale par exemple, où les Centres des impôts des petites entreprises (Cipe) évoluent encore en dehors du système d’informatique, ce qui laisse une proportion conséquente des contribuables de la direction générale des Impôts (plus de 80 %) dans un environnement manuel.
La dernière priorité a trait au renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et douanière. Il est question, pour une bonne gouvernance des recettes, de tenir compte des spécificités de l’économie béninoise dans la gestion du risque fiscal et douanier. Le poids du commerce international et de la logistique (économie d’entrepôt), la longueur des frontières et leur porosité, en particulier avec le Nigeria, appellent une attention toute particulière pour une maîtrise des flux des marchandises, une collaboration renforcée entre les douanes des deux pays et le renseignement, estime le Fmi. La modernisation des procédures et des méthodes et l’identification des signaux d’alerte sur des opérations à forte probabilité de fraude et de collusion constituent également des enjeux majeurs.