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Erosions et changements climatiques à Malanville et Karimama: Ouvrages de franchissement et terres arables en danger

Environnement
Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 18 août 2016 à 11h33

L’érosion fait des ravages dans les communes de Malanville et de Karimama. Les fortes eaux occasionnent la dégradation des sols arables et emportent des ouvrages de franchissement, au grand dam des autorités communales et des populations qui ne savent à quel saint se vouer.

Tomboutou, commune de Malanville. Le principal pont érigé à l’entrée du village est en voie de céder du fait des fortes eaux de ruissellement et des pluies diluviennes qui s’abattent sur la région depuis quelques semaines. Encore une ou deux grandes pluies, et l’ouvrage de franchissement pourrait être enfoui, alerte le maire de Malanville, Inoussa Dandakoe, avouant l’impuissance de la commune à faire face seule à ce phénomène, et ce, en dépit des moyens consentis pour leur entretien. Les eaux avaient déjà emporté un ponceau situé juste à côté. Sur le même tronçon qui mène de Malanville à la commune voisine de Karimama, trois dalots sont menacés de destruction. Si rien n’est fait dans l’immédiat pour le rechargement des ouvrages, les localités de Tomboutou, Dèguè Dèguè, Sakawan-Tédji et Sakawan-Zénon seront coupées du reste de la commune de Malanville. Les populations se retrouveraient ainsi avec leurs productions agricoles sous les bras, sans possibilité d’écoulement, et ne pourraient plus avoir accès aux services administratifs. Il y a trois ans, c’est le principal pont à l’entrée de Karimama qui a cédé, rendant très difficile l’accès à cette commune qui végète dans un manque criard d’infrastructures routières.

Le phénomène d’érosion et autres effets néfastes du réchauffement climatique concerne toute la région du Nord-est du Bénin, située dans la vallée du Niger : de Kargui jusqu’au Mékrou. Cette zone reste très vulnérable et subit de façon cyclique la pression des fortes eaux, les fortes pluies, les inondations cycliques, les vents violents, les sécheresses.
L’effet de la cascade du fait que l’eau en descendant creuse sous la dalle qui sert de support aux ouvrages est la base de leur destruction, explique Dr Bonaventure Eustache Boconon-Ganta, expert en changements climatiques. Après des pluies extrêmes qui tombent en une période très courte, une grande quantité d’eau arrive au niveau de l’ouvrage et ne pouvant plus passer dans le canal normal, cherche un autre chemin en rognant les abords. A court terme, il urge de recharger les ouvrages qui tanguent pratiquement avec des ouvrages antiérosifs faits de haies, de gravillons, de pierres sur les versants. Aussi, importe-t-il de reboiser très rapidement la zone critique par des types d’arbres précis pour freiner l’eau et casser ainsi sa force avant qu’elle n’atteigne les ouvrages, conseille le professeur Emmanuel Agnidé Lawin, hydro-météorologue à l’Institut national de l’eau. L’implantation d’une station hydrométrique pour suivre la vitesse et la force de l’eau et le redimensionnement des ouvrages sont également à envisager.

La terre nourricière aussi en péril

En dehors des ouvrages de franchissement, l’érosion favorise le lessivage des terres arables qui sont fortement dégradées aujourd’hui, l’ensablement des rivières, l’éboulement des bordures des rivières, la perte de biodiversité, l’intensification des tempêtes dans les zones agro-écologiques. Cette situation met en péril les bases alimentaires et les sources de revenus de la population composée en majorité des petits paysans et des éleveurs. Les ravages de l’homme lui-même sur le couvert végétal ne sont également pas de nature à garantir la régénération de la terre nourricière qui s’épuise à travers des pratiques telles que l’incinération des arbres pour l’installation des cultures, l’abattage anarchique et frauduleux des bois forestiers, l’invasion agricole extensive, l’utilisation abusive des produits chimiques, les feux tardifs de broussailles. « Si rien n’est fait pour contrer la déforestation, le Nord-Bénin sera d’ici à cinquante ans le désert et le Sud, le Sahel. La commune de Karimama est la plus exposée ; c’est la porte du désert au Bénin », alarme Moussa Maman Bello, maire de Karimama. « Et, nous risquons de disparaître », renchérit son homologue de Malanville, Inoussa Dandakoe.
Par ailleurs, le prolongement de la digue de protection permettrait de faire face au phénomène récurrent des inondations dans la zone de Malanville et Karimama et qui, comme l’érosion, compromettent la forte capacité en matière de production agricole des habitants. Tous leurs espoirs sont désormais fondés sur le Programme intégré d’adaptation aux changements climatiques par le développement de l’agriculture, du tourisme et du transport fluvial (PIACC-DAT) dans la vallée du Niger au Bénin en cours d’élaboration avec le soutien du Programme des nations Unies pour le Développement (PNUD).