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Lutte contre les changements climatiques: « Le secteur privé est un partenaire … en matière d’adaptation et d’atténuation »

Environnement
Sidoïne Bitho Gbetey Sidoïne Bitho Gbetey

La typologie du secteur privé béninois influe sur l’action à engager en faveur de la lutte contre les changements climatiques et donc mérite une attention particulière. Pour Sidoïne Bitho Gbetey, consultant en économie verte et sur les questions climatiques, ce secteur a aussi une partition à jouer car il représente le moteur clé de la croissance économique au Bénin. 

Par   Isidore GOZO, le 04 juin 2024 à 07h06 Durée 3 min.
#Lutte contre les changements climatiques

La Nation : Qu'entend-on par Changements climatiques ?

Sidoïne Bitho Gbetey : En se référant à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Ccnucc), dans son article premier, on définit les changements climatiques comme des « changements qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables». La Ccnucc établit ainsi une distinction entre les changements climatiques attribuables aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère et la variabilité du climat imputable à des causes naturelles.

Quels sont les secteurs qu'ils affectent le plus au Bénin ?

Pour identifier les secteurs de l’économie béninoise affectés par les changements climatiques, il faut présenter au prime abord l’état de la vulnérabilité aux changements climatiques du Bénin. A propos, le Bénin est particulièrement vulnérable aux changements climatiques (ex : Indice Nd-Gain 2020 16e/182 ; Giec, 6e rapport) comme la plupart des pays en développement. En effet, les aléas climatiques majeurs relevés au Bénin sont la sécheresse, les inondations, le retard et la violence des pluies (Pna, 2022 ; Giec, 6e rapport, 2022). À ces aléas majeurs s’ajoutent la chaleur excessive et les vents violents qui peuvent prendre une grande importance dans certaines localités, avec des impacts socio-économiques significatifs (Agossou et Médéou, 2017, Gbetey, 2023).

Selon le Plan National d’Adaptation aux impacts des changements climatiques, un document de programmation, huit secteurs les plus vulnérables aux changements climatiques au Bénin sont identifiés. Il s’agit de l’énergie, de la foresterie, du tourisme, des infrastructures, de l’agriculture, de l’eau, de la santé et du littoral.

Ces différents secteurs thématiques de vulnérabilité englobent l’ensemble des secteurs d’activités économiques. En effet, les entreprises sont affectées par les changements climatiques selon leurs caractéristiques. Car, le secteur privé est constitué d’un large éventail de types d’entreprises, allant des entreprises individuelles aux sociétés multinationales. Par conséquent, l’impact du changement climatique varie de même que les conséquences de l’exposition à ces risques. De façon plus explicite, le changement climatique peut affecter la manière dont les entreprises opèrent, avoir un impact sur la rentabilité de leurs opérations ou encore simplement créer de nouvelles opportunités. Deux catégories de risques sont identifiées : les risques directs et indirects. Ils comprennent : les risques physiques, les risques liés à la chaîne d'approvisionnement et à l'accès aux matières premières, les risques liés à la réputation, les risques financiers, les risques liés à la demande de produits, les risques réglementaires et les risques de litige (Schaer et al., 2018). Ces risques peuvent aussi être regroupés en deux catégories à savoir les risques systémiques affectant l'ensemble de l'économie et les risques spécifiques au secteur d’activités, à l'industrie et à l'entreprise (Hoffman et Woody, 2008 ; Agrawala et al., 2011 ; Gbetey, 2023).

Les risques spécifiques d'exposition et de vulnérabilité du secteur privé dépendent d'un certain nombre de facteurs, tels que le secteur dans lequel il opère, la taille et l'emplacement de l'entreprise, ainsi que l’environnement politique et réglementaire. Par exemple, des changements graduels dans les précipitations et les températures peuvent rendre certaines cultures non viables dans certains endroits et à long terme, au point d’obliger les petits exploitants à fermer. D'autres impacts négatifs sont signalés sur les processus de production, la demande de produits et services des entreprises, les transports, l'accès aux marchés et la structure des bâtiments. Dans le cadre spécifique du Bénin, nous n’avons pas pu accéder à une étude de référence en rapport avec la vulnérabilité du secteur privé béninois aux impacts des changements climatiques. Toutefois, la vulnérabilité du secteur privé aux impacts des changements climatiques peut être vue à travers celle des secteurs dont dépendent les activités des entreprises privées, qu’elles soient informelles ou formelles. Les acteurs du secteur privé diffèrent selon leur taille (micro, petite, moyenne ou grande) et leur motivation (à but lucratif, organismes caritatifs privés, etc.). Les secteurs les plus affectés par les changements climatiques sont ceux de l’agriculture, des ressources en eau, de la foresterie, de l’énergie, du tourisme, du littoral et de la santé. Ainsi donc, tous les secteurs socio-économiques du pays sont touchés. Il faut noter que les secteurs socioéconomiques étaient d’ores et déjà confrontés à des risques sectoriels qui limitaient leur développement avant l’apparition des défis des changements climatiques.

En 2009 et 2010 par exemple, le Bénin a connu des inondations. Les 77 communes du pays ont été touchées à des degrés divers. Ces inondations de 2010 au Bénin ont eu un impact total évalué à plus de 127 milliards de F Cfa, soit près de 262 millions Usd. Les pertes (flux réduits, pertes de production, réduction des chiffres d’affaires, coûts et dépenses induites comme conséquences de la catastrophe) s’évaluent à près de 48,8 milliards F Cfa soit environ 100 millions Usd).

Quelle est la contribution du secteur privé dans la lutte contre les changements climatiques ?

Le secteur privé béninois a deux composantes à savoir : le secteur marchand et celui non marchand. Notons que dans le secteur marchand figurent également les unités de production informelles. Chaque composante joue un rôle particulier. Mais avant tout développement, il est important de rappeler les engagements pris par l’Etat béninois contenus dans les Contributions Déterminées au niveau National (Cdn).

Les Cdn constituent des engagements et des plans d’action en faveur du climat que chaque pays est tenu d’élaborer conformément à l’objectif de l’accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Elles représentent des plans de court à moyen terme qui sont mis à jour tous les cinq ans avec des objectifs plus ambitieux sur le climat. Les Cdn décrivent les priorités en matière d’atténuation et d’adaptation qu’un pays doit chercher à atteindre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, renforcer la résilience et s’adapter aux changements climatiques, ainsi que les stratégies de financement et les approches de suivi et de vérification. Malgré cet effort du gouvernement, le secteur privé marchand (entreprises et investisseurs) doit également être impliqué, puisqu'il représente le moteur clé de la croissance économique au Bénin. Car, les investissements du privé marchand pour financer de manière directe ou indirecte les mesures d’adaptation et d’atténuation constituent un levier important dans la lutte contre les changements climatiques. Quant aux acteurs privés non marchands, ils offrent des appuis aux populations pour la promotion de la gestion durable des terres, des forêts, des chaines de valeur agro-forestières, l’énergie photovoltaïque et l’efficacité énergétique. Avec cette initiation ou formation en entrepreneuriat vert, ils contribuent à bâtir chez l’apprenant une organisation évolutive et constructive de sa vision du monde relativement à l’entreprenariat vert, de son identité (éthique et potentiel) et de son pouvoir d’action (projet entrepreneurial vert). Cela correspond   globalement, dans l’ordre, à trois fonctions: connaître, choisir et agir. En conséquence, les acteurs du secteur privé sont des partenaires clés du financement et de la mise en œuvre des priorités en matière d’adaptation et d’atténuation.