La Nation Bénin...
Faut-il
éduquer par la peur ou par la bienveillance ? Alors que les méthodes éducatives
traditionnelles peinent à donner des résultats durables, la pédagogie positive
et l’Éducation par le cœur offrent une alternative axée sur l’accompagnement de
l’enfant dans son épanouissement personnel. Kouassi Comlan, psychologue
clinicien et thérapeute de couples, nous éclaire sur cette approche qui prône
une éducation bienveillante et responsable.
Pourquoi faut-il aujourd’hui reconsidérer nos méthodes éducatives ?
Il le faut parce que nous observons une crise dans l’éducation. Les parents et enseignants sont souvent désemparés face aux comportements des enfants, qui diffèrent de ceux des générations précédentes. Beaucoup de jeunes ne respectent plus l’autorité, et les punitions semblent perdre leur efficacité. De plus, la psychologie moderne nous montre que les châtiments corporels et l’éducation basée sur la peur ont des effets négatifs à long terme. L’enfant finit par se conformer uniquement par contrainte et non par conviction. Il est donc urgent de repenser l’éducation pour qu’elle soit plus humanisante et permette aux enfants de développer un véritable sens des responsabilités.
En quoi consiste l’Éducation par le cœur ?
L’Éducation
par le cœur est une approche psychoéducative qui se base sur la bienveillance
et la responsabilité. Elle s’inspire des théories d’Alfred Adler sur la
psychologie individuelle, de l’Approche Centrée sur la Personne de Carl Rogers,
de la Communication Non Violente (CNV) de Marshall Rosenberg et de la méthode
E.S.P.E.R.E. de Jacques Salomé. L’objectif est d’aider l’enfant à comprendre
pourquoi il doit adopter certains comportements, plutôt que de le contraindre
par la peur de la punition.
Certains enseignants estiment que la discipline sans punition est inefficace, surtout en Afrique. Que leur répondez-vous ?
C’est une idée reçue très répandue. Beaucoup pensent que les enfants africains sont plus réceptifs à l’autorité stricte et aux châtiments corporels. Pourtant, toutes les études montrent que la violence éducative a des conséquences négatives sur le développement émotionnel et social des enfants. L’argument « c’est comme ça que nous avons été éduqués» ne justifie pas la perpétuation de pratiques néfastes. D’ailleurs, l’État béninois interdit la chicote dans les écoles. Le véritable enjeu est d’enseigner aux enfants à faire le bien non pas par crainte de la sanction, mais par conviction personnelle.
Quels sont les impacts des châtiments corporels sur le développement de l’enfant ?
Les
punitions physiques poussent l’enfant à refouler ses émotions et à adopter une
obéissance passive. Il ne développe pas une réflexion critique sur ses actes,
mais agit simplement pour éviter une sanction. Cela conduit à des adultes qui
respectent les règles uniquement lorsqu’ils sont surveillés. C’est pourquoi
nous constatons, dans nos sociétés, des comportements comme la corruption ou le
non-respect de l’environnement, simplement parce que les sanctions sont
absentes ou contournables. L’éducation par la peur ne construit pas des
citoyens responsables.
Comment l’enfant apprend-il alors à distinguer le bien du mal sans punition ?
L’apprentissage par l’exemple est fondamental. Selon les travaux d’Albert Bandura, les enfants imitent les comportements des adultes qu’ils observent. Si un enfant voit ses parents et enseignants agir avec bienveillance et respect, il intègre ces valeurs naturellement. Au lieu de punir un mauvais comportement, il est plus efficace de guider l’enfant vers une meilleure alternative en expliquant les conséquences de ses actes. Il s’agit de responsabilisation et non de permissivité.
Quels sont les principes fondamentaux de l’Éducation par le cœur ?
Cette
approche repose sur plusieurs valeurs essentielles :
L’empathie : comprendre les émotions de
l’enfant et l’aider à les exprimer.
La congruence : être en accord avec ce que
l’on enseigne et ce que l’on pratique.
Le respect et l’acceptation : accompagner
l’enfant sans jugement.
L’autonomie et la responsabilité :
encourager l’enfant à réfléchir par lui-même plutôt que de lui imposer des
règles rigides.
La communication bienveillante : privilégier le dialogue plutôt que la répression.